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Revue n° 51-52, 2005

Une conférence en Australie s’intéresse à la « bio recherche » et au savoir des aborigènes

SYDNEY, Australie — Les D’harawal, dont les terres ancestrales se trouvent à environ une heure de route de cette métropole, utilisent non moins de 1 794 plantes à des fins médicinales. Il est donc naturel que la ville de Sydney ait été choisie pour accueillir la grande conférence internationale sur la « bio recherche », qui s’est tenue l’année dernière.

La bio recherche est la recherche de nouvelles substances végétales ou animales dotées de propriétés thérapeutiques. Une étude montre que plus de 50 % des médicaments les plus répandus ont été mis au point à partir de sources naturelles. Or, selon un membre des D’harawal, la bio recherche nuit souvent aux aborigènes.

« La communauté était à nos yeux ce qu’il y avait de plus important », dit Francis Bodkin, descendant d’aborigène, auteur, enseignant et conteur traditionnel. « A qui profitons-nous en dispensant notre savoir, est-ce aux actionnaires ? »

« Les plantes peuvent être utilisées pour le bien ou le mal », dit-il. « Si je transmets mon savoir à quelqu’un, comment savoir ce qu’il en fera ? Je suis responsable tout comme mes ancêtres. Nous devons protéger notre savoir. Notre savoir ne se perd pas, nous ne pouvons le galvauder sans nous assurer qu’il sera utilisé à bon escient. »

M. Bodkin faisait partie des quelque 150 personnes, en majorité aborigènes, qui participaient à cette conférence sur « le savoir des aborigènes et la bio recherche » qui s’est tenue à l’Université Macquarie.

Les intervenants à cette conférence représentaient l’Australie, la Nouvelle- Zélande, le Canada, les Etats-Unis, les Pays-Bas, les Philippines, l’Afrique du Sud et le Royaume-Uni et comprenaient des aborigènes, des maoris et des indiens d’Amérique. Etaient présents des spécialistes en droit, histoire, sciences, économie et éducation, qui ont échangé leurs points de vue sur cette question reconnue comme étant de plus en plus importante.

Parrainée par l’Association des études bahá’íes et le Centre du droit environnemental de l’Université ainsi que par son Département des études aborigènes et cinq autres départements et centres universitaires, la conférence a marqué la clôture de « La Décennie internationale des aborigènes » proclamée par les Nations Unies.

Les thèmes de la conférence ont porté sur l’importance du savoir des aborigènes, la mise au point des remèdes médicinaux ou galéniques, l’importance de la protection des droits des aborigènes quant à l’utilisation de ce savoir et les obstacles à la protection de ces droits.

La recherche de remèdes

La bio recherche se développe à travers le monde pour trouver des remèdes contre certaines maladies telles que le sida et le cancer. Elle permet aussi de développer d’autres produits tels que les cosmétiques. Les intervenants ont parlé des recherches menées en Australie sur une fleur locale connue pour ses propriétés anti-cancéreuses supposées, ainsi que celles qui sont menées en Afrique du Sud sur quelque 600 plantes susceptibles de guérir le paludisme.

De telles initiatives promettent des avancées spectaculaires en médecine. Elles pourraient aussi apporter des avantages matériels aux communautés aborigènes dépositaires des connaissances botaniques. Toutefois, ces communautés risquent d’être court-circuitées dans la course au progrès scientifique et commercial et de voir leur mode de vie traditionnel irrémédiablement endommagé.

« C’est dans ces régions du globe, où la biodiversité est la plus riche, que vivent les aborigènes », dit Celerina Balucan, membre du Collège Lourdes (Philippines), qui précise que les aborigènes représentent environ 4 % de la population mondiale.

Elle ajoute : « La relation entre ces populations, leur terre et ses ressources est capitale pour leur survie. Leur identité, leur culture, leurs langues, leur philosophie de la vie et leur spiritualité ont une relation équilibrée avec toute la création. Si on touche à la terre pour entreprendre des activités de développement, on menace la continuité et la survie de la connaissance aborigène et de la biodiversité. »

Conformément à la tradition des aborigènes, les participants ont commencé par fumer le calumet, en signe de purification. Ils ont été accueillis par un représentant du peuple Darug sur les terres duquel a été bâtie la ville de Sydney. Dans son allocution d’ouverture, Linda Burney, membre aborigène du Parlement de la Nouvelle-Galles du Sud, a souligné que la culture aborigène était la plus ancienne des cultures encore vivantes.

Plusieurs intervenants ont évoqué le fossé culturel qui sépare les aborigènes de la majorité occidentale à propos du concept de « propriété ». Aroha Mead, universitaire maori, a rappelé que la plupart des communautés aborigènes avaient été fondées sur le principe de gestion tutélaire et non sur celui de propriété. Or aujourd’hui, les Etats modernes édictent des lois relatives à la propriété terrienne, aux ressources, aux espèces, à toutes les propriétés génétiques et au savoir traditionnel associé à ces ressources. Des brevets sont déposés pour certaines plantes et les autochtones ne pourront peut-être plus les utiliser. Il est très difficile pour ces communautés d’aller contre ces sociétés et ces systèmes juridiques pour empêcher le dépôt de brevets ou les annuler.

« A l’ère de la technologie, on peut aisément détourner le savoir des aborigènes », dit encore Aroha Mead. Un bien culturel prévu pour une fin donnée peut être utilisé pour un tout autre usage à l’autre bout du monde sans qu’aucun recours légal ne soit possible.

Anne Waters, une indienne d’Amérique aussi bien philosophe, poète que juriste, n’a pas caché son inquiétude car la bio recherche, dit-elle, peut être une catastrophe pour les autochtones dans la mesure où l’on fait main basse sur leurs ressources, qui sont emportées et rendues indisponibles pour eux.

Instruments internationaux

Henrietta Marrie, ancien membre du Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique mise en œuvre par le Programme des Nations Unies pour l’Environnement, a mentionné les nouvelles règles internationales. Le Traité international sur les ressources génétiques des plantes a été adopté par la Conférence de l’ONU pour l’Alimentation et l’Agriculture en novembre 2001. Signé par 77 pays, il marque une étape décisive, dit-elle, en ce sens qu’il place les agriculteurs traditionnels et modernes sur un pied d’égalité, protégeant à la fois le savoir des autochtones et les droits des agriculteurs.

Le Traité prend en compte les questions relatives à la conservation, au développement durable et à la répartition équitable des bénéfices. Complétant les dispositions pertinentes de la Convention sur la diversité biologique, il s’ajoute aux autres instruments qui permettent aux communautés locales de revendiquer leurs droits sur les ressources génétiques et leur savoir traditionnel aux niveaux national et international.

Mme Marrie, elle-même aborigène, prend pour exemple les habitudes alimentaires des populations du bush australien pour montrer comment avec deux atouts précieux - la biodiversité et le savoir traditionnel - une communauté autochtone peut servir le développement économique. Environ 10 000 plantes locales sont utilisées dans l’alimentation. L’industrie alimentaire à base de produits locaux a la capacité de remplacer l’industrie pastorale dans les régions reculées de l’Australie. Néanmoins, dit-elle, il faut protéger les systèmes de valeurs des autochtones et, dans le même temps, les faire bénéficier de leurs ressources.

Cadre juridique

Nombre d’intervenants ont déploré que les régimes actuels de propriété intellectuelle, fondés sur les concepts occidentaux de propriété et d’invention, soient inaptes à protéger et à dédommager les aborigènes de manière satisfaisante alors que leur savoir traditionnel est exploité. Il faut faire preuve de créativité et trouver des solutions nouvelles.

Selon Ikechi Maduka Mgbeoji, professeur à l’Ecole de Droit de la York University à Toronto, le système de brevets occidentaux a été conçu dans un contexte européen et ne permet pas de protéger et reconnaître le savoir des autochtones.

Jerzy Koopman, professeur à l’université d’Utrecht (Pays-Bas), explique que lorsque le savoir traditionnel est tombé dans le domaine public, il est impossible de déposer un brevet puisqu’il ne répond plus au critère juridique de la nouveauté. De plus, un brevet ne peut être déposé que pour un nouveau produit qui a une application industrielle. C’est là un des obstacles au dépôt de brevet pour ce qui concerne la majorité des ressources locales. Cependant, 600 brevets auraient tout de même été déposés pour des produits dans la fabrication desquels entre un élément quelconque du savoir local.

Yee Fen Lim, membre du Département de droit de l’Université Macquarie, dit que l’exploitation du savoir traditionnel représente de gros intérêts financiers. « En 1995, la valeur estimée des produits pharmaceutiques dérivés de la pharmacopée traditionnelle des peuples aborigènes était de 43 milliards de dollars au niveau mondial. Beaucoup de remèdes galéniques anciens se retrouvent dans des produits pharmaceutiques occidentaux coûteux, sans le consentement de ceux qui les utilisent depuis des générations, ni compensation pour eux.

Sonia Smallacombe, de l’Université Charles Darwin, explique que le langage juridique est parfois incompréhensible pour de nombreux aborigènes. « Il faudrait publier dans un anglais simple les textes de la législation sur la propriété intellectuelle et la biodiversité », dit-elle. « Les communautés locales sont capables de comprendre des concepts techniques si on les leur explique. » Certes, les politiques et les déclarations mondiales sont importantes, mais il faut en informer les populations locales afin qu’elles connaissent mieux leurs droits.

Comment s’en sortir

Chris Jones, l’un des organisateurs de la conférence, reconnaît que celle-ci met en évidence la nécessité d’établir de nouvelles relations fondées sur la justice. « Nous faisons tous partie d’une même famille dès lors que nous reconnaissons la valeur et la beauté de la diversité », dit-il. « Cette idée de famille unique doit être appliquée à la bio recherche. Nous n’aboutirons à rien tant que les relations entre les peuples resteront
inégales. »

Plusieurs intervenants ont rendu compte des projets menés de concert avec les communautés aborigènes. A Titjikala, en Australie centrale, un programme intitulé « les plantes pour la population » a pour but d’informer et de protéger le savoir traditionnel sur les plantes qui ont une valeur culturelle. L’information est enregistrée sur une base de données électronique dont l’accès est limité, afin de protéger les droits de propriété intellectuelle des membres de la communauté.

En Australie occidentale, le Collège du TAFE travaille avec des entreprises aborigènes pour cultiver le « gubinge », une prune sauvage qui contiendrait le taux de vitamine C le plus élevé de tous les fruits du monde.

L’université Macquarie travaille avec les communautés aborigènes du plateau du Kimberley et de la Nouvelle-Galles du Sud pour recenser et préserver le savoir botanique local, tout en protégeant la propriété intellectuelle des aborigènes. L’accès aux produits locaux pourrait réduire la fréquence de certaines maladies qui frappent les aborigènes, telles que le diabète.

Un atelier tenu pendant la conférence a lancé un projet étalé sur douze mois, destiné à réviser les directives universitaires relatives à l’éthique de la recherche sur la biodiversité et au partage des bénéfices avec les aborigènes.

La conférence a clos ses travaux par un spectacle de danses aborigènes auquel les spectateurs ont été invités à se joindre. L’atmosphère était empreinte de chaleur amicale et chacun avait le souci de défendre les intérêts des aborigènes. Les organisateurs espèrent que les relations qui ont été nouées seront maintenues au profit de tous.



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