Revue n° 10, 1992
Eremina Mvura : profil d’une Africaine œuvrant pour le développement
La journée d’Eremina Mvura commence avant l’aube, lorsqu’elle se lève pour aller chercher de l’eau au puits de Chegutu, un village situé à deux kilomètres et demi de chez elle, dans la région occidentale du Mashonaland, au Zimbabwé.
Le petit déjeuner prêt, sa famille se lève et Mme Mvura s’en va au travail, une fois ses travaux ménagers terminés. En sa qualité de préposée au développement communautaire du district, cette mère de trois enfants, âgée de 39 ans, traverse le district en car et à bicyclette pour enseigner à des groupes communautaires des rudiments de nutrition, de santé, d’hygiène et d’agriculture de base.
Dans sa mission, Mme Mvura va cependant bien au-delà de simples notions à propos des vitamines et des vaccinations : elle inclut dans son enseignement des arguments très fermes sur l’importance des femmes dans le cadre du développement et du rôle qu’elles peuvent jouer en favorisant les cultures indigènes, l’amélioration de l’approvisionnement en eau, et en faisant échec à la dégradation de l’environnement.
« Depuis que nous avons acquis notre indépendance, nous avons reçu des directives de trop d’experts, venus de l’étranger au Zimbabwé pour travailler avec les villageoises », devait dire Eremina Mvura lors d’une visite récente à New York. « Ils nous disent de faire ceci ou cela, énumérant de un à dix les mesures qu’ils préconisent. Mais ils oublient tout simplement que nous avons nos propres plans et projets. Ce qu’il nous faut, c’est un soutien moral et motivant et non de vastes programmes estampillés au nom du donateur. »
Mme Mvura cite l’exemple des organismes d’assistance venus de l’extérieur, trop désireux de promouvoir les cultures de rente.
« La recherche en agriculture est une affaire de tous les jours au Zimbabwé. Et sur quoi porte cette recherche ? Le coton. Alors quoi, devrons-nous manger du coton ? » s’exclame-t-elle.
« Maintenant tous les gros exploitants cultivent des fleurs pour l’exportation, et cela parce que les donateurs viennent nous inciter à cultiver des fleurs. En quoi cela améliore-t-il notre santé ? »
Elle ajoute qu’il faudrait porter davantage les efforts de recherche et d’aide sur les productions locales comme l’arachide, le sorgho, le mil et les patates douces, qui sont très nourrissantes et peuvent résister au manque de pluie. Si l’on récolte plus de produits locaux sur le sol africain, alors l’Afrique sera alimentée, l’Afrique sera sauvée», estime-t-elle.
Pour son œuvre en faveur de l’importance accrue du rôle des femmes dans le développement, Mme Mvura a remporté plusieurs prix dans son pays natal, le Zimbabwé. Ainsi, en 1975 elle fut élue meilleure travailleuse de l’année pour le développement communautaire.
« Elle est devenue un symbole du combat qui s’est engagé en Afrique pour la production alimentaire », a déclaré Sekai Holland, présidente nationale de l’Association des clubs féminins du Zimbabwé. Selon Mme Mvura, le plus important serait d’impliquer davantage les femmes dans la prise des décisions.
« J’ai assisté à des réunions de conseils administratifs dans mon district », dit-elle. « Comme vous le constaterez, les membres sont exclusivement des hommes. Ils prennent des décisions mais ce sont parfois des décisions stupides, à mon avis. Laissez-moi vous donner un exemple : ils disent que la communauté a besoin d’un percement pour l’alimentation en eau, mais ils montent un bar ; or, si cet argent était utilisé au forage d’un puits, nous aurions de l’eau. Si vous visitez les zones rurales du Zimbabwé, vous verrez que les bistrots sont nombreux et qu’à côté de cela nous manquons d’eau potable. »
Mme Mvura a toujours fait preuve d’intransigeance en ce qui concerne l’égalité entre les hommes et les femmes. « J’ai toujours pensé que les êtres humains étaient égaux », aime-t-elle répéter. Et depuis qu’elle est devenue bahá’íe en 1981, son engagement en faveur de cette égalité s’est encore renforcé.
« Lorsque j’ai connu la Foi bahá’íe, ce qui m’a réellement touchée, c’est le principe d’égalité entre les hommes et les femmes, et j’ai désiré devenir bahá’íe. » Outre ses fonctions gouvernementales pour le développement communautaire, Mme Mvura est membre du Comité national bahá’í des femmes du Zimbabwé, ce qui lui permet d’œuvrer, avec d’autres communautés aux mêmes aspirations, à la promotion du statut des femmes dans ce pays.
« Ce travail m’a permis de sillonner tout le Zimbabwé au service des femmes », ajoute-t-elle. « En effet, enseigner les principes de la Foi bahá’íe c’est véritablement aider autrui à progresser personnellement. Là est la clé d’un véritable développement communautaire. »
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