The earth is but one country and mankind its citizens --

 Baha'u'llah
ONE COUNTRY ONE COUNTRY EN ONE COUNTRY FR

Pour les dernières nouvelles concernant la Communauté Internationale Bahá’íe en anglais, se référer au site : Bahá'í World News Service
Revue n° 28, 1997

En Russie, réhabilitation d’une communauté longtemps réprimée

En retrouvant la liberté de religion, l’individu a soif de spiritualité; beaucoup ont redécouvert la foi bahá’íe qui s’attache essentiellement à construire une société basée sur la tolérance et la morale.

PERM, Fédération de Russie — Comme tant d’autres femmes de sa génération, Larissa Tsutskova n’a reçu aucune éducation religieuse et se serait elle-même considérée comme athée si on lui avait posé la question avant la chute du parti communiste en Russie.

Pourtant, comme beaucoup de ses congénères, Mme Tsutskova a le sentiment que quelque chose lui a manqué dans sa vie en Union-soviétique. Quelque chose de spirituel.

« Ma vie n’était pas différente de celle de la plupart des gens, » dit cette femme ingénieur des travaux publiques de 42 ans installée dans une ville industrielle de taille moyenne à environ 900 km de Moscou. « D’abord membre d’un groupe d’enfants appelé “octobre rouge”, je suis devenue “pionnière” et même secrétaire d’un groupe de jeunes communistes. Plus tard, j’ai été membre du parti communiste. Je vivais comme tous les autres citoyens de mon pays. »

« Je ne peux pas dire que ma vie en URSS était franchement mauvaise, » poursuit-elle. « Je suis gênée quand quelqu’un critique le passé. Mais il est vrai que j’étais constamment à la recherche d’un sens spirituel caché, j’essayais de trouver mon identité. »

Peu de temps avant l’effondrement de l’empire soviétique en 1991, Mme Tsutskova s’est lancée dans une recherche spirituelle personnelle. En 1986, elle s’est fait baptiser avec sa fille dans l’église orthodoxe russe. La Perestroïka initiée alors par Mikhaïl Gorbatchev lui a facilité cette démarche et l’a rendue plus acceptable. « Mais je n’ai jamais vraiment appartenu à la communauté chrétienne, » ajoute-t-elle, expliquant que les rites et le dogme de l’église la mettaient mal à l’aise. « J’essayais simplement de penser à ce qui relève de la religion d’une manière plus spirituelle. »

Mme Tsutskova a ensuite commencé à étudier les langues étrangères et s’est inscrite en 1987 en sciences humaines à l’université de Nizhny Novgorod. « La connaissance d’autres langues est une sorte d’ enrichissement, » dit-elle. « Mais si vous y regardez de plus près, c’est probablement plus révélateur de mon état d’esprit du moment, de mon sentiment de futilité et de vide. » Au début des années 1990, elle a également essayé de faire du yoga. Mais le yoga non plus ne satisfaisait pas son besoin de spiritualité.

Au début de 1991, Mme Tsutskova a découvert la foi bahá’íe à travers un article de journal. L’absence de clergé et de rites particuliers correspondait parfaitement à l’idée qu’elle se faisait de la religion. Elle a demandé des informations par écrit et, par curiosité, a assisté pendant l’ été à une conférence en Estonie. C’est là que sa fille, Olesya, et elle-même ont adhéré officiellement à la foi bahá’íe.

Cette décision a mis fin à ses interrogations. « J’en ai ressenti une joie, un bonheur comparable pour moi à ces moments où l’on découvre de plus en plus de qualités chez un être aimé, » dit Mme Tsutskova qui se rappelait sa première lecture des Paroles cachées de Bahá’u’lláh, l’un des nombreux livres sacrés bahá’ís qu’elle a reçus cette année là.

Un nouveau souffle de liberté

Depuis l’effondrement de l’empire soviétique officiellement hostile à toute idée de Dieu et de religion, de nombreux russes se sont mis à rechercher un sens spirituel à leur vie. Il ressort d’enquêtes d’opinion que de plus en plus de gens croient en Dieu. L’église orthodoxe russe, auparavant sous haute surveillance, enregistre une recrudescence du nombre des fidèles. Depuis 1988, le nombre des paroisses a plus que doublé, selon les statistiques du patriarcat de Moscou. Enfin, en janvier 1996, le Centre d’analyses statistiques de la présidence annonçait que le Ministère de la justice avait recensé plus de 13 000 organisations religieuses.

Le nouveau souffle de liberté religieuse a permis aux russes de s’intéresser à toutes sortes de mouvements : certains entièrement nouveaux et d’autres datant d’avant la révolution russe. Après 1991, par exemple, des centaines d’évangélistes et de missionnaires ont introduit toutes sortes de mouvements et d’idées nouvelles recouvrant la sociologie, la religion, l’ésotérisme, l’hédonisme et l’écologie. Nombre de ces mouvements, y compris certains de ceux qui ont précédé la révolution, se sont développés et sont en train de s’implanter solidement dans la société pluraliste que la Russie s’efforce de construire.

La foi bahá’íe occupe une place à part parmi les organisations religieuses florissantes en Russie aujourd’hui. Tout d’abord, elle est bien enracinée dans l’histoire de la Russie moderne; une solide communauté de bahá’ís existait déjà dans le Turkestan russe au début du siècle. (voir page 13 ). En outre, la communauté bahá’íe renaissante est aujourd’hui parfaitement acceptée, non seulement par la population mais aussi par les hommes politiques et les intellectuels. Ils reconnaissent que ses principes moraux élevés ont beaucoup à offrir à une société qui a connu ces dernières années tant de bouleversements.

L’esprit du temps

« Les principes de la foi bahá’íe correspondent à l’esprit du temps, » dit M. Suvorov, chef du Département des affaires religieuses au gouvernement régional de Perm. « Le besoin de coexistence pacifique et de tolérance entre les différentes confessions religieuses est immense et il est très important que les gens joignent leurs efforts pour résoudre les problèmes de la société. Les bahá’ís devraient être plus actifs dans le domaine de l’éducation religieuse et devraient être beaucoup plus présents dans la vie de la région. »

Ces commentaires se font entendre en réaction à l’apparition de mouvements nouveaux en Russie, en particulier contre des missionnaires étrangers qui ont voulu forcer des gens à se convertir. En 1993, par exemple, le gouvernement a envisagé de promulguer une législation tendant à restreindre l’activité des missionnaires étrangers. Plus récemment, en 1996, un programme fédéral de lutte contre le crime organisé a identifié plusieurs « religions » basées à l’ étranger comme étant dangereuses pour la société.

Des responsables bien informés excluent d’emblée les bahá’ís de cette catégorie. « Les bahá’ís sont des gens respectueux de la loi et pacifiques, connus pour leurs vues humanitaires et leur honnêteté, » dit Aleksandr Kudryavtsev, chef du Bureau des affaires religieuses au Ministère de la justice. « Ce point de vue n’est pas seulement le mien; il est aussi celui du Ministère de la Justice et de tous mes collègues. Les bahá’ís ont depuis longtemps des racines dans ce pays et leur communauté est en train de renaître. »

Lorsque la législation garantissant la liberté religieuse a été votée en 1990, nous n’avions pas d’Assemblées spirituelles, ce conseil administratif qui est au coeur de la vie communautaire des bahá’ís. A la fin de 1996, on en dénombrait 46 en Russie et plus de 160 dans les autres anciens États. On estime aujourd’hui que le nombre des bahá’ís en Russie et dans les anciennes républiques soviétiques s’élève à 9 000.

« Le caractère universel de la foi, le fait qu’elle reconnaisse la vérité des différentes religions révélées, sont pour les russes quelque chose de nouveau et ils sont ouverts à cette idée, » dit Sergei Poselski, secrétaire de l’Assemblée spirituelle des bahá’ís de la Fédération russe, le conseil national qui administre les affaires de la communauté bahá’íe de Russie. « Les gens en ont assez de l’instabilité, des conflits ethniques et des conflits entre groupes religieux. Cet enseignement, son aspect moderne plaisent donc particulièrement aux russes. La foi bahá’íe est adaptée à la vie moderne. Elle n’a ni rituels ni clergé et repose sur des bases très scientifiques.»

En fait, la renaissance de la foi bahá’íe a commencé à partir du moment où des hommes et des femmes comme Mme Tsutskova l’ont adoptée et ont reconnu que cette décision avait changé leur vie. « Dans la société actuelle, il importe avant tout de trouver un nouveau sens moral et une nouvelle éthique, » dit Mme Tsutskova. « Car avant nous avions la morale communiste, tout cela a été perdu et nous n’avons maintenant plus de repères; or, personne ne peut vivre sans repères. »

Peu de temps après, le mari de Larissa Tsutskova, Vitaly, a lui aussi adhéré à la foi bahá’íe. Sous le régime soviétique, il travaillait comme ingénieur à l’usine de chauffage central de Perm.

Aujourd’hui, il est président de sa propre compagnie d’assurances avec une douzaine d’employés et plus de 30 agents sur le terrain. Son succès tient en partie au fait qu’il veut avant tout s’appuyer sur des règles morales. Les décisions sont prises en consultation et dans le respect mutuel; sa compagnie ne fait pas traîner les dossiers.

M. Tsutskov est membre fondateur d’un organisme à but non lucratif, le Russian Bahá’í Business Partnership (Partenariat russe des bahá’ís dans les affaires), qui aide les hommes d’affaires à voir le côté spirituel de l’économie et à mettre en pratique les principes moraux, ce dont le milieu impitoyable des affaires dans la Russie d’aujourd’hui a profondément besoin, explique-t-il.

« Je suis entré dans les affaires l’année où je suis devenu bahá’í après avoir perdu mon emploi au gouvernement. J’ai donc mûri à la fois comme bahá’í et comme homme d’affaires. Mes collègues ont commencé à m’accorder une plus grande confiance quand je leur ai donné des ouvrages sur le partenariat pour leur montrer ce qu’était la morale dans les affaires. D’une certaine manière, le niveau de tension dans notre relation d’affaires s’efface. Je m’efforce bien sûr de ne jamais décevoir personne et je ne pense pas l’avoir fait à ce jour. »

Leonid Osokin et le « Orange Show »

Leonid Osokin a lui aussi découvert que la foi bahá’íe lui avait apporté une nouvelle vision de l’éthique et de la morale. Né et élevé en Sibérie, M. Osokin, aujourd’hui âgé de 23 ans, a reçu une éducation athée et la religion était très éloignée de ses pensées. Comme les garçons de son âge, il la considérait comme une démarche étriquée et conservatrice.

En 1990, un groupe musical californien est venu dans sa ville, Ulan-Ude. Apprenant qu’il s’agissait de bahá’ís, il a été attiré par leur message. Il a vite découvert qu’une communauté bahá’íe bien implantée existait déjà à Ulan-Ude et il l’a rejointe.

« La communauté bahá’íe ressemblait à une grande famille, » dit-il. « Plus j’avançais dans la foi, plus j’y pensais profondément. J’ai commencé à mûrir sur un plan spirituel et ma vie est devenue plus riche. La foi m’a aidé à me faire une idée non seulement de moi-même mais aussi du monde entier. J’ai trouvé ma place dans le monde. »

En 1995, Osokin a commencé à s’occuper d’un programme de télévision pour les jeunes de Ulan-Ude, le « Orange Show » . Ce programme était calqué sur une émission appelée « ZIPOPO » qui, traduit du russe est un « Institut pour un comportement positif » . Le ZIPOPO a démarré dans le Kazan grâce à un autre bahá’í , journaliste de télévision, Shamil Fattakhov.

L’émission était réalisée avec de jeunes acteurs qui présentaient un sketch sur un thème moral: Devrais-je prendre de la drogue? Devrais-je mentir à mon père? Devrais-je tromper ma petite amie? L’action s’arrête au moment crucial du choix et le public peut alors intervenir dans la décision. Après la discussion, les acteurs terminent le scénario et montrent comment prendre une décision morale positive.

Pendant deux ans, l’émission a été très populaire, avec un audimat allant jusqu’à un million de téléspectateurs; elle répondait à un besoin crucial des jeunes confrontés au désordre moral qui règne dans la Russie d’aujourd’hui.

A l’automne dernier, Leonid Osokin a mis fin à son émission et s’est inscrit en doctorat à l’université de St. Petersbourg. Une fois encore, il a choisi comme sujet de thèse la morale et l’éthique. « Presque tous les philosophes et les grands penseurs du passé ont reconnu l’importance des valeurs, » dit M.Osokin. « Nous avons aujourd’hui besoin d’un système éthique et moral universel embrassant toutes les vérités particulières de l’éthique. Ce but me semble désormais accessible avec l’avènement de la foi bahá’íe qui nous donne un cadre à l’intérieur duquel tous les systèmes éthiques peuvent avoir une nouvelle place et servir au mieux l’humanité. »

Comme M. Poselski, M. Osokin est membre de l’Assemblée spirituelle des bahá’ís de la Fédération de Russie, où il a été élu en 1996. Cette activité, qui est bénévole, lui prend énormément de temps. Mais elle lui permet de voir comment les principes éthiques sont appliqués. « L’administration bahá’íe ne manie pas seulement des idées abstraites et philosophiques, elle est aussi enracinée dans le concret, » dit-il. « Elle évolue comme un organisme vivant. »

Zakir Buttaev, artiste graphiste

Zakir Buttaev, artiste graphiste moscovite de 47 ans, a toujours cru en Dieu, même sous le régime communiste. « Je suis né dans une famille profondément religieuse, » dit M. Buttaev, originaire de Makhachkala sur la mer caspienne. « Mon père a été élevé dans un séminaire musulman, ce qui, soit dit en passant, ne l’a pas empêché de devenir membre du parti communiste. »

« Comme beaucoup d’autres, nous avons dû mener une double vie », ajoute-t-il, utilisant une expression commune à tous ceux qui croyaient en Dieu mais se cachaient des autorités.

« Depuis ma plus petite enfance, je n’ai jamais douté de l’existence de Dieu, mais notre famille ignorait les dogmes. On ne m’a jamais obligé à prier. Même enfant, l’autoritarisme du clergé me dérangeait et j’étais gêné par le fait que presque toutes les religions s’étaient imposées par la force. »

Comme Mme Tsutskova, c’est en lisant un journal que M. Buttaev a appris l’existence de la foi bahá’íe. « J’ai été impressionné d’apprendre que la foi bahá’íe reconnaît l’unité de toutes les religions » . Il est devenu bahá’í en 1994 après avoir assisté régulièrement à des réunions à Moscou. Il a été frappé par la diversité des gens, issus d’au moins une douzaine de pays et d’origines ethniques et apparemment dépourvus de tous préjugés - qualités dont la Russie a tant besoin.

Selon Evgeny Balagushkin, chercheur associé au Centre de recherche sur la philosophie de la culture et de la religion de l’académie russe des sciences, les nouvelles religions sont devenues une sorte de moyen d’échapper aux difficultés sociales et économiques que connaît la Russie postsoviétique. « La religion est devenue très politisée, » ajoute-t-il. « Les gens ne la considèrent pas comme une source d’enrichissement culturel et de connaissance qui rassemble les individus. Ils la considèrent plutôt comme un instrument politique. »

« Je pense toutefois que l’attitude des bahá’ís est très constructive en ce sens qu’ils respectent la loi, qu’ils appuient le développement de la société et défendent le renforcement des droits civils, de la créativité humaine et de la prospérité, » poursuit M. Balagushkin. « L’approche bahá’íe me semble la plus attirante car elle suscite un comportement pacifique à l’égard de nos compatriotes russes et des populations des pays voisins. Il n’ existe aucun rituel particulier ni aucun sectarisme. Ce type de mouvement religieux pourrait très bien fonctionner comme un pivot autour duquel les autres religions pourraient s’harmoniser; les bahá’ís ont un rôle à jouer en tant que pacificateurs, ils doivent ouvrir le dialogue entre ceux qui n’ont pas encore trouvé de terrain d’entente » dit M. Balagushkin.

M. Buttaev sent qu’il faut de toute urgence construire un monde plus pacifique et plus harmonieux. Il s’enflamme et exprime ses regrets à propos de la guerre dans l’ancienne Yougoslavie et en Tchétchénie ainsi que des persécutions de bahá’ís en Iran. Il est aussi déconcerté par les conflits de religion et se demande pourquoi les chrétiens et les musulmans sont incapables de s’entendre, alors qu’ils reconnaissent le même Dieu.

Il trouve alors consolation dans les enseignements bahá’ís qui soulignent l’importance de l’unité de pensée et d’action. « Une personne ne peut seule décider de ces choses, » dit-il. « Nous devons agir de concert. »

Ce processus de construction de l’unité sociale est, selon lui, de nature essentiellement spirituelle. « Nous ne vivons pas seulement de pain - cela est creux, futile. Tout dépend du degré de développement spirituel que nous avons atteint en tant qu’individus. Je pense que la prière est une relation verticale avec Dieu. Quand vous priez, vous obtenez des réponses à ce qui vous préoccupe le plus. »

M. Buttaev se sent plus optimiste maintenant. « Toute ma vision des choses a changé, » dit-il. « J’ai le sentiment d’être capable de résoudre les problèmes. Je ne tourne pas en rond comme avant en me disant qu’il n’y a pas d’issue. La foi apporte une certaine sagesse face à la vie, elle vous aide à surmonter les difficultés. »

« Quand je suis quotidiennement devant Dieu, par la prière et la lecture, je me sens capable d’une plus grande objectivité face aux difficultés quotidiennes - au sein de la famille, sur le lieu de travail, dans la communauté. Cela m’a aidé à faire un vrai travail sur moi-même, à me rendre responsable. « Je sais que je suis loin d’atteindre cet idéal, mais ce qui compte, c’est de faire l’effort, de me regarder honnêtement. »

-Nancy Ackerman et Lev Lanier



back to top




Page d'accueil | Langues | Recherche | A propos  | Nations Unies
 | Interreligieux | Profil | Perspective | Paix | Education | Arts
 | Développement | Livre | Environnement | Femmes | Prospérité mondiale | Droits de l'homme

La revue en ligne de la Communauté Internationale Bahá'íe
Copyright 2005 © par la Communauté Internationale Bahá'íe
Copyright and Reprint Permissions
Dernière mise à jour le 28/03/2024