Revue n° 31-32, 1998
Un test décisif pour l’Iran
Dans ses récentes déclarations, le président de la République islamique d’Iran a parlé de l’entrée de l’humanité dans « un siècle nouveau de l’humanité, de compréhension et de paix durable ».
Soulignant le rôle de l’Iran dans l’édification d’une civilisation fondée sur ces principes, le président Mohammad Khatami a parlé de l’importance de la religion, de la liberté et de la justice, « qui représentent » a-t-il dit « les atouts et les aspirations de la révolution islamique à l’aube du 21ème siècle ».
Le président Khatami a également souligné l’importance des règles du droit et précisé que « nous devrions jeter les bases du respect du droit dans notre société ».
La Communauté internationale bahá’íe accueille avec joie ces déclarations dans l’espoir qu’elles soient bientôt suivies d’actions concrètes et aboutissent à l’émancipation totale de la communauté bahá’íe d’Iran qui, avec 300 000 membres, représente la minorité religieuse la plus importante de ce pays.
A l’heure actuelle, les bahá’ís d’Iran font face à une persécution continuelle sur le plan religieux. Depuis la création de la République islamique en 1979, plus de 200 bahá’ís ont été tués, des centaines ont été emprisonnés et des milliers d’autres dépouillés de leurs biens et interdits d’accès à l’enseignement supérieur. En juillet dernier, deux bahá’ís ont été tués en Iran dans des circonstances suspectes. Une quinzaine d’entre eux sont en ce moment en prison et toute la communauté est privée de liberté religieuse.
En décembre 1997, l’Assemblée générale des Nations Unies a exprimé sa préoccupation au sujet de ces persécutions et a notamment lancé un appel en faveur de l’« émancipation » complète des bahá’ís en Iran. (Voir article sous le titre « L’Assemblée générale des Nations Unies lance un appel pour « l’émancipation » complète de la communauté bahá’íe d’Iran » dans le même numéro) La résolution des Nations Unies faisait suite au rapport, en octobre, d’un rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’homme, le Professeur Copithorne, faisant état de la poursuite des persécutions et des récentes mises à mort et autres manifestations d’oppression.
De plus, selon les rapports du professeur Copithorne et d’autres enquêteurs de l’ONU, les persécutions des bahá’ís en Iran sont d’ordre purement religieux.
Comme l’ont fait remarquer depuis longtemps de nombreux observateurs, les bahá’ís d’Iran ne menacent aucunement le gouvernement. Leurs principes religieux leur enjoignent de respecter la loi, de ne pas s’engager dans la politique partisane et de pratiquer la non violence. Ils recherchent à se joindre à leurs concitoyens pour aider à la construction d’une nation iranienne plus juste et plus prospère.
Les bahá’ís d’Iran sont tout particulièrement préoccupés par le vide juridique en ce qui concerne la protection de leur droit à la liberté religieuse, droit reconnu par plusieurs pactes internationaux auxquels l’Iran est partie prenante. Même si concrètement les bahá’ís devaient être beaucoup moins persécutés, ils n’en resteraient pas moins l’objet d’actes de violence imprévisibles dans l’absence d’une protection officielle dans le cadre de la constitution iranienne.
En 1993, un document secret du gouvernement iranien a refait surface. Rédigé en 1991 par le Secrétaire du Conseil suprême de la révolution culturelle, le mémorandum expose un plan d’étranglement tranquille de la communauté bahá’íe d’Iran indiquant clairement qu’il faut s’employer à « bloquer leur progrès et leur développement », et donnant des directives précises quant aux moyens à mobiliser pour atteindre cet objectif.
A ce jour, le gouvernement n’a pas contesté le document ni fait savoir qu’il avait changé d’avis au sujet de cette détermination farouche de supprimer les bahá’ís d’Iran affichée depuis longtemps.
Alors que la communauté internationale se demande si les nouvelles déclarations de l’Iran constituent un réel changement, des mesures concrètes pour mettre fin à 19 années d’oppression et permettre aux bahá’ís de pratiquer leur religion librement et sans crainte constitueraient le test décisif du tournant opéré par le gouvernement iranien.
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