Revue n° 31-32, 1998
L’Assemblée générale des Nations Unies lance un appel pour « l’émancipation » complète de la communauté bahá’íe d’Iran
NATIONS UNIES — Pour la douzième fois en 13 ans, l’Assemblée générale des Nations Unies a voté une résolution par laquelle elle exprime sa préoccupation au sujet de la situation des droits de l’homme en Iran, et en mentionnant spécifiquement les « graves violations » des droits des bahá’ís dans ce pays.
La résolution, votée le 12 décembre 1997 par 74 voix contre 32 et 56 abstentions, fait suite au rapport de Maurice Danby Copithorne, enquêteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’homme, qui note qu’« aucune amélioration » n’est en vue en Iran concernant la situation des bahá’ís malgré les appels réitérés de la communauté internationale enjoignant l’Iran de respecter les lois internationales sur la protection des droits de l’homme et la tolérance religieuse.
Le professeur Copithorne cite notamment l’assassinat en juillet de deux bahá’ís rappelant que leurs auteurs sont restés impunis.
Dans sa résolution, l’Assemblée générale a appelé l’Iran à « mettre pleinement en œuvre » les recommandations d’un rapport de février 1996 sur l’intolérance religieuse qui déniait toute légitimité à la répression continue des bahá’ís et d’autres minorités religieuses et demandait que la liberté de culte leur soit accordée. L’Assemblée générale déclarait également que les bahá’ís et d’autres groupes religieux minoritaires, dont les chrétiens, devaient être « totalement émancipés ».
« Pour les 300 000 membres de la communauté bahá’íe, qui représente la minorité religieuse la plus importante d’Iran, cet appel à l’émancipation complète est très significatif », dit Techeste Ahderom, principal représentant de la Communauté internationale bahá’íe. « C’est la première fois que l’Assemblée générale, l’organe le plus représentatif de l’opinion mondiale, a directement enjoint l’Iran d’accorder aux bahá’ís et aux autres groupes religieux minoritaires la liberté religieuse totale. »
« En conséquence, nous exprimons notre profonde reconnaissance à l’Organisation des Nations Unies et à ses institutions spécialisées », dit M. Ahderom. « Bien qu’il y ait eu récemment un changement au gouvernement en Iran et que le chef du gouvernement ait exprimé un attachement nouveau pour les droits de l’homme, nous estimons que les actes sont plus forts que les mots et nous nous réjouissons que la communauté internationale semble d’accord avec nous. »
Deux nouveaux décès
Le professeur Copithorne, représentant spécial de la Commission des droits de l’homme sur la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran, dit qu’il a été informé de l’assassinat de deux bahá’ís en juillet 1997, dans des conditions suspectes.
« Masha’llah Enayait, iranien bahá’í de 63 ans, est décédé le 4 juillet 1997 après avoir été sauvagement battu pendant sa détention à la prison d’ Ispahan », a écrit le professeur Copithorne. « Il a été arrêté dans des circonstances obscures alors qu’il se rendait dans son village natal d’Ardistan pour assister à une réunion bahá’íe. Sur son certificat de décès, le médecin aurait mentionné à la rubrique cause du décès : “ sera précisée ultérieurement ”. Un autre bahá’í, un jeune militaire du nom de Shahram Reza’i, a été mortellement blessé à la tête le 6 juillet 1997 par son officier supérieur sur une base militaire près de Rasht. L’officier, responsable de la formation au maniement des armes, ayant affirmé que le coup était parti par erreur, a été relâché au bout de quelques jours. Comme le soldat abattu était bahá’í, l’officier a été exempté de payer le prix du sang qui est normalement exigé en pareils cas. »
Selon le même rapport, une douzaine de bahá’ís sont toujours détenus à cause de leur croyance et le professeur Copithorne s’est particulièrement ému du sort des quatre bahá’ís actuellement en prison qui risquent la peine capitale : Bihnam Mithaqi et Kayvan Khalajabadi, emprisonnés depuis 1989 et condamnés à mort en 1991, et Musa Talibi et Dhabihu’llah Mahrami, arrêtés en 1994 et 1995 pour crime d’apostasie et condamnés à mort. Un cinquième, Ramadan-Ali Dhulfaqari, a lui aussi été condamné à mort pour apostasie. Bien que relâché en 1994, il reste toujours condamné.
Le professeur Copithorne a pris note des accusations d’apostasie qui sont parfois retenues quand un musulman se convertit à une autre religion. « Le Représentant spécial considère que le droit de changer de religion est un droit de l’homme clairement établi et défini dans la Charte internationale des droits de l’homme », écrit-il.
« Le Représentant spécial prie instamment le gouvernement de la république islamique d’Iran... de prendre les mesures appropriées pour prévenir de futures poursuites pour conversions et dénoncées ou pas comme une apostasie. »
Il existe encore d’autres formes de persécution contre les bahá’ís, poursuit le professeur Copithorne. « Être un membre actif de la communauté bahá’íe et assister à des réunions bahá’íes est dans la pratique considéré comme un délit », et il ajoute : « le fait de détenir des bahá’ís en prison, de ne pas respecter leurs biens privés, de les chasser de leurs maisons ou de confisquer celles-ci et enfin de détruire leurs lieux sacrés continuent d’être signalés. »
Depuis que le régime islamique révolutionnaire a pris le pouvoir en Iran, en 1979, les bahá’ís n’ont cessé d’être harcelés et persécutés uniquement au motif de leur foi. Plus de 200 bahá’ís ont été tués, pour la plupart au début des années 1980 et des centaines d’autres envoyés en prison. (Depuis décembre 1997, au moins 15 d’entre eux ont été emprisonnés pour ce seul motif.) Des milliers d’autres ont été privés de leurs biens et d’accès à l’éducation et toute la communauté a été privée du droit à la liberté de culte.
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