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Revue n° 36, 1999

Le dialogue entre la Banque mondiale et les religions ouvre de nouvelles perspectives à l’égard de la pauvreté

JOHANNESBURG, Afrique du Sud — Il serait trop simplificateur de dire que la première réunion de travail entre les religions et les spécialistes de la Banque mondiale s’est réduite à un débat sur l’importance relative des valeurs humaines par rapport aux faits et aux chiffres économiques pour comprendre les causes de la pauvreté et les remèdes nécessaires.

Au contraire, la réunion tenue du 12 au 14 janvier a fait apparaître clairement que le dialogue entamé en 1998 entre les principales religions du monde et la Banque mondiale rapproche de plus en plus les économistes de la Banque et les représentants des religions.

Intitulée « Valeurs, normes et pauvreté : consultation sur le Rapport 2000/1 sur le développement dans le monde », la réunion était la seconde d’une série organisée pour faire appel aux personnes intéressées par le processus du développement économique global afin qu’elles contribuent à l’édition 2000/1 du Rapport annuel de la Banque sur le développement, publication qui a une grande influence dans le monde sur la théorie et la pratique du développement.

Étaient également présents des universitaires intéressés par les questions du développement et des représentants d’organisations non gouvernementales africaines. A ce titre, les sujets et les débats engagés lors de cette consultation ont été très variés.

Pourtant, la présence de représentants des grandes religions a été, selon les participants, un élément nouveau qui a enrichi les discussions en les plaçant dans une perspective plus ouverte. En un mot, la principale contribution des religions a été de mieux préciser l’importance et la place des « valeurs » dans le développement.

« Le principal résultat de la réunion de Johannesburg a été l’inscription des valeurs à l’ordre du jour de celle-là » dit Wendy Tyndale, coordinatrice du World Faiths Development Dialogue (WFDD), nouvelle entité qui joue le rôle de secrétariat des religions du monde dans le cadre du dialogue avec la Banque mondiale. « Et, au bout du compte, j’ai le sentiment que les auteurs du Rapport sur le développement dans le monde reconnaissent l’importance des valeurs » ajoute-t-elle.

Pour les groupes religieux, la réunion de Johannesburg et la réunion préparatoire tenue en décembre 1998 à Rome, ont permis d’engager un dialogue approfondi sur les questions de la pauvreté et du développement. Selon les représentants des différentes religions, cela ne s’était jamais vu auparavant, surtout avec une telle intensité. Ce débat a renforcé leur compréhension mutuelle et leur unité, en particulier en ce qui concerne ces questions.

C’est ainsi, par exemple, que les religions élaborent un commentaire sur la version préliminaire du Rapport 2000/1 sur le développement dans le monde et que ce rapport qui, pourtant, n’est pas encore définitif, est considéré comme un pur produit du dialogue. En réalité, l’existence même d’un tel document, qui cherche à intégrer les vues des principales religions sur les questions de la pauvreté et du développement, est considéré par certains comme un grand pas vers la compréhension et l’entente interconfessionnelles.

« A presque chacune des réunions auxquelles j’ai participé, j’ai entendu des gens appartenant à d’autres religions que moi faire la réflexion suivante à propos de notre travail et de nos valeurs : “Tiens, il semble qu’il y ait beaucoup de points communs entre nous” », dit Azim Lakhani, représentant du réseau Aga Khan pour le développement, la branche ismaélique de l’Islam au WFDD. « Notre première constatation est donc que nous avons beaucoup de choses en commun. La deuxième est que nous portons un réel intérêt à nos expériences réciproques et je pense que tout ceci portera ses fruits mais qu’il faudra du temps. »

Rôle de James Wolfensohn

Le nouveau dialogue entre la Banque et les religions a commencé officiellement lors d’une réunion historique tenue en février 1998 à laquelle James Wolfensohn, président de la Banque mondiale, a invité des représentants de neuf grandes religions du monde au Lambeth Palace, à Londres, pour examiner comment la Banque et les religions peuvent s’entendre sur les problèmes de la pauvreté dans le monde.

Participaient à la réunion les autorités des religions bahá’íe, bouddhiste, chrétienne, hindouiste, islamique, judaïque, sikh et taoïste qui, ensemble, représentent les traditions religieuses suivies par environ 3 milliards d’individus. M. Wolfensohn en personne représentait la Banque mondiale.

A l’issue de cette réunion, une déclaration commune a été publiée et signée par M. Wolfensohn et le coorganisateur de la manifestation, l’Archevêque de Canterbury, George Carey, pour le compte des religions. Ils ont reconnu partager « un profond souci moral pour l’avenir et la dignité de l’humanité », confirmé « leur conviction que la définition et la pratique du développement souhaitable doivent s’appuyer sur des considérations spirituelles, éthiques, écologiques, culturelles et sociale » et engagé les parties « à poursuivre ce dialogue pour approfondir notre relation et explorer comment à l’avenir travailler ensemble à plusieurs
niveaux ».

Afin de poursuivre le dialogue, la Banque a, notamment, invité les communautés religieuses à « influer sur la pensée de la Banque mondiale en participant aux études et aux discussions consignées dans les rapports annuels de la Banque sur le développement dans le monde », en particulier le rapport 2000/1 qui sera axé sur la pauvreté.

La réunion de Johannesburg, qui a été organisée par la Banque et par l’Archevêque du Cap, le Révérend Njongonkulu Winston Hugh Ndungane, représente la première réunion de travail proprement dite entre des banquiers et des religieux au début d’un dialogue qui se veut permanent.

« L’une des principales difficultés a été d’assurer la communication entre les trois langues exprimées, entre les économistes, les banquiers et les professionnels du développement, et les représentants des religions » dit Jeffrey Solomon, président de Andrea et Charles Bronfman Philanthropies, qui représentait le judaïsme. « Mais, pendant la conférence, on aurait cru par moments deviner une illumination soudaine chez les gens, comme s’ils se disaient : “ça y est, je comprends” ».

Une grande partie des échanges entre les économistes et les représentants religieux a porté sur la question de savoir comment mesurer exactement la pauvreté. « Il est important de faire les bonnes mesures quand on s’adresse à des fonctionnaires de la Banque mondiale » dit Ronald Herring, professeur à la Cornell University (États-Unis) qui a participé à la réunion en qualité d’universitaire. Il a expliqué que le personnel de la Banque est conscient de devoir justifier sa position aux gouvernements et aux ministères des finances. « Et si vous n’avez pas les bons chiffres, personne ne vous respecte. Vous vous contenterez de dire que les gens sont plus heureux ou plus pauvres. »

Dans le même temps, les représentants religieux voulaient orienter la discussion sur la pauvreté et les mesures de lutte contre la pauvreté dans une direction qui reconnaisse plus explicitement l’importance des valeurs morales et spirituelles dans l’équation du développement.

« Le point de départ de toutes les religions est, entre autres, qu’on ne peut dissocier l’économie du reste de la vie et que le développement doit prendre en compte les aspects culturels, sociaux, spirituels et politiques de l’existence » dit Mme Tyndale, membre du WFDD. « Le développement a trait à la vie et aux individus et pas seulement à des concepts économiques abstraits. Par exemple, si les économistes préconisent un programme d’ajustement structurel, ils doivent savoir quelles conséquences il aura sur les populations concernées. »

Mme Tyndale, entre autres, a indiqué que les religieux avaient souligné que l’éducation et les transformations personnelles qui en résultent étaient vitales pour combattre la pauvreté, que les qualités de conduite morale (l’accent étant mis sur la lutte contre la corruption) étaient tout aussi essentielles ; enfin, qu’on ne pouvait objectivement éliminer la pauvreté sans la participation des pauvres eux-mêmes, seuls capables de déterminer quelles sont les meilleures solutions à leurs problèmes.

Bon nombre de ces points ont reçu un accueil favorable auprès des représentants d’ONG qui participaient à la réunion. « Beaucoup ont fait observer que la religion est si étroitement mêlée à la vie qu’elle guide nos valeurs morales, notre pensée, la façon dont nous réagissons » dit Uzo Egbuche, directeur du Centre pour les ressources de l’environnement et les écosystèmes durables et qui faisait partie des douze représentants d’organisations africaines universitaires et non gouvernementales. Quelques africains présents à la réunion se sont dits déçus par l’absence de représentants des religions autochtones.

Ravi Kanbur, directeur de l’équipe de la Banque mondiale qui rédigera le Rapport 2000/1 sur le développement, a précisé que ces premiers contacts avec des représentants religieux avaient beaucoup fait réfléchir l’équipe.

« En ce qui concerne la réduction de la pauvreté, les valeurs auxquelles les religions sont attachées renforcent clairement le devoir moral qui est le nôtre d’éliminer la misère et invitent particulièrement ceux qui ne sont pas démunis à viser cet objectif » a écrit M. Kanbur. « Johannesburg a également transmis le message suivant : la religion ne remplace pas le devoir de supprimer la pauvreté. Il faut maintenant aborder des questions spécifiques comme l’inégalité entre les sexes, les troubles civils, la réforme agraire, la libéralisation du marché, les filets de sécurité sociale, etc..., autant de questions qui sont au cœur du Rapport sur le développement dans le monde et sur lesquelles il sera important et intéressant d’avoir un point de vue religieux (tout en reconnaissant que les points de vue peuvent être différents selon les religions). »

M. Kanbur a également indiqué que son équipe espérait plus d’ « interactions » sur la « question des valeurs et des normes et sur ce que cela signifie pour la conceptualisation, l’identification et la mesure » de la pauvreté. « Encouragé par les premières approches engagées à Johannesburg » écrit M. Kanbur, « le Rapport insistera sur les méthodes d’évaluation de la pauvreté axées sur la participation et il ressort de l’étude préliminaire effectuée à ce jour que les questions de dignité, d’incapacité à se faire entendre et à agir sont importantes ».

Études de cas

Les représentants des religions ont présenté différentes études de cas, à partir de leur propre expérience en matière de développement économique et social pour montrer que l’approche fondée sur le spirituel peut être efficace et que des approches de ce type ont des éléments mesurables.

« La mesure de la dignité résume presque toutes les différentes dimensions de la pauvreté telles qu’étudiées par la Banque mondiale » dit M. Lakhani du réseau Aga Khan. « Et, si on prend en considération des éléments comme l’estime de soi, la conscience de sa propre valeur, la capacité à participer à la prise de décision, qui contribuent tous à la dignité, on obtient des choses mesurables. »

Le représentant bahá’í a présenté un document intitulée « Les valeurs religieuses et la mesure de la pauvreté et de la prospérité » qui, entres autres, suggère que la mesure de « l’amélioration de la capacité des membres d’une communauté à se consulter » pourrait être un premier élément de mesure du développement.

« Tant le processus que les résultats sont observables et donc d’une certaine manière mesurables » lit-on dans l’étude présentée par Matt Weinberg, directeur de la recherche au Bureau d’information publique de la Communauté internationale bahá’íe. « La consultation dans la prise de décision peut déboucher sur des solutions nouvelles aux problèmes communautaires ; elle peut engendrer une plus grande équité dans la répartition des ressources communautaires et, enfin, faire participer et élever socialement ceux qui ont toujours été exclus de la prise de décision, comme les femmes et les minorités.

« L’expérience a montré que la consultation permet aux communautés de soutenir et de modifier les initiatives dans le domaine du développement et ainsi contribuer à l’autonomie et à une meilleure qualité de vie. Le fait que des individus puissent se rencontrer dans le cadre de ces nouvelles formes de participation et d’interaction est, à certains égards, un résultat plus important à prendre en compte que les objectifs quantifiables traditionnellement associés aux projets de développement. »

L’étude bahá’íe souligne également l’importance du renforcement des capacités et en particulier de la formation, y compris l’éducation morale. Omettre la dimension morale ou spirituelle, c’est passer à côté de l’élément clé de la construction du tissu communautaire » dit M. Weinberg. « Nous avons essayé d’aller au-delà de la simple reconnaissance de l’importance des valeurs religieuses en elles-mêmes et nous soulignons qu’il faut intégrer les valeurs morales dans toute initiative de développement. Peut-être faut-il concevoir des projets qui mettent l’accent sur le service à la communauté et sur ses besoins ; apprendre à des individus à rechercher ensemble des solutions aux problèmes, ou encore s’attacher de façon systématique à concrétiser l’égalité entre les sexes. »

Au nom de la Banque, M. Kanbur a expliqué que son équipe était impatiente d’en savoir plus sur « les leçons qui peuvent être tirées des mesures de lutte contre la pauvreté fondées sur les religions et qui n’ont rien à voir avec les mesures traditionnelles ».

Apprendre les uns des autres

Le World Faiths Development Dialogue, qui est plus qu’un processus réunissant les économistes et d’autres spécialistes du développement, s’efforce lui aussi d’offrir un nouvel espace de compréhension et de collaboration interconfessionnelles.

« Il est inhabituel que les religions échangent leurs idées sur la question de la pauvreté » dit Swami Amarananda de la mission Ramakrishna qui représentait l’hindouisme à la réunion. « En effet, sur un plan théologique, chaque religion est un peu différente. Mais nous commençons à apprendre à nous parler et à coopérer. »

Swami Amarananda a aussi reconnu que certains représentants religieux commençaient à remettre en question leurs propres conceptions de la pauvreté et du développement. « La religion catholique romaine est très implantée en Afrique et en Amérique latine » dit Swami Amarananda. « Pourtant, ces régions sont pauvres. Pourquoi ? Les bouddhistes et les hindous ont posé les mêmes questions : pourquoi les pays bouddhistes et hindouistes ont-ils un tel retard ? »

Un résultat important du dialogue est que les religions, en s’attaquant ensemble à ces questions, ont produit un nouveau type de travail. A Johannesburg, M. Kanbur et son équipe ont demandé aux représentants des religions de présenter un commentaire détaillé sur un avant-projet du Rapport sur le développement dans le monde.

A titre de réponse, le secrétariat du WFDD a fait passer aux membres un commentaire provisoire intitulé : « Commentaire » sur l’orientation du Rapport sur le développement dans le monde. Ce « Commentaire » présente d’une façon remarquable les différents points de vue des religions tout en rendant hommage à chacun d’entre eux.

« Comme le disent les hindouistes, toutes les religions partent du principe que “toutes les activités de l’homme participent au cours sacré de l’univers” » lit-on dans un projet du « Commentaire » qui date de février 1999. « Il ne peut y avoir de séparation entre le matériel et le spirituel. Ainsi, le “développement” ou le “progrès” doivent-ils englober les aspects culturels, sociaux, spirituels et politiques de l’existence. Si on ne retient que le développement économique, ce dernier échouera aussi. “Quand il n’y a pas de pain, il n’y a pas de Torah et quand il n’y a pas de Torah, il n’y a pas de pain”, disent les Juifs. »

« Toutes les religions se préoccupent de la vie. Pour s’épanouir, le “développement” doit être axé avant tout sur la vie, sous toutes ses dimensions », lit-on encore dans l’avant-projet. « Le développement doit plus se préoccuper des personnes que des processus économiques. »



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