Revue n° 15, 1993
La citoyenneté mondiale : Une éthique globale pour un développement durable
Le texte ci-après est une version résumée d’un document présenté par la Communauté internationale bahá’íe à la Commission du développement durable Pour la communauté mondiale qui se mobilise pour appliquer Action 21, la plus grosse difficulté consiste à trouver les énormes ressources financières, techniques, humaines et morales nécessaires à la réalisation du développement durable. Ces ressources ne seront libérées que si les peuples se sentent pleinement responsables du destin de la planète et du bien-être de l’ensemble de la famille humaine.
Or, ce sentiment de responsabilité ne pourra venir que si on reconnaît l’unité de l’humanité et il sera soutenu par une vision commune d’une société pacifique et prospère. Sans cette éthique globale, les peuples ne pourront participer activement et de manière constructive au processus mondial du développement continu.
Si Action 21 représente un cadre scientifique et technique indispensable à la mise en œuvre du développement durable, il ne propose pas d’éthique globale personnelle, ce qui ne veut pas dire que l’éthique et les valeurs aient été ignorées pendant la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement (CNUED). La nécessité de reconnaître des valeurs communes n’a cessé d’être rappelée tout au long de cette Conférence, tant par les chefs d’Etat que par les fonctionnaires des Nations Unies, les représentants d’organisations non gouvernementales (ONG) ou des citoyens s’exprimant à titre personnel. En particulier, les concepts d’« humanité commune », de « citoyenneté du monde » et d’« unité dans la diversité » ont été évoqués comme étant le fondement éthique d’Action 21 et de la Déclaration de Rio.
La communauté mondiale a donc déjà conclu un accord de base sur la nécessité d’adopter une éthique globale pour dynamiser Action 21. L’expression « citoyenneté du monde », telle que nous la proposons, doit recouvrir l’ensemble des principes, des valeurs, des attitudes et des comportements que tous les peuples doivent adopter dans l’optique du développement continu.
Etre citoyens du monde, c’est commencé par reconnaître l’unité de la famille humaine et les liens qui unissent les nations de « la terre, notre patrie ». Si cette notion encourage un patriotisme sain et légitime, elle insiste également sur une loyauté plus large, l’amour de l’humanité. Elle n’implique pas cependant l’abandon de loyautés légitimes, la suppression de la diversité culturelle, l’abolition de l’autonomie nationale, ou l’uniformité à tout prix. Sa caractéristique est « l’unité dans la diversité ».
Etre citoyens du monde, c’est appliquer les principes de la justice sociale et économique, tant au sein des nations qu’entre elles; savoir prendre des décisions non-antagonistes à tous les niveaux de la société, reconnaître l’égalité des hommes et des femmes ; favoriser l’harmonie raciale, ethnique, nationale et religieuse et être prêts à se sacrifier pour le bien commun. C’est aussi promouvoir l’honneur et la dignité de l’homme, la compréhension, l’amitié, la coopération, la confiance réciproque, la compassion et le désir de servir les autres.
Encourager la citoyenneté mondiale est un moyen pour favoriser le développement. Aussi longtemps que les divisions, les rivalités et le provincialisme caractériseront les relations sociales, politiques et économiques au sein des nations et entre elles, il ne pourra y avoir de développement global durable. Il y a plus d’un siècle Bahá’u’lláh avait lancé cette exhortation : « Le bien-être de l’humanité, sa paix et sa sécurité ne pourront être obtenus si son unité n’est pas fermement établie. » Une société mondiale durable ne peut reposer que sur l’unité, l’harmonie et la compréhension entre les peuples et les nations du monde.
C’est pourquoi nous recommandons que la citoyenneté mondiale soit apprise dans chaque école et que chaque nation affirme constamment le principe de l’unité de l’humanité qui sous-tend celui de citoyenneté du monde.
Ce concept n’est pas nouveau. Il est à la fois implicite et explicite dans quantité de documents, chartes et accords des Nations Unies, y compris dans le préambule de la Charte elle-même : « Nous, peuples des Nations Unies ... ». Il est déjà répandu dans toutes les cultures du monde par l’intermédiaire des ONG, des universitaires, des groupes de citoyens, des animateurs sociaux, des programmes éducatifs, des artistes et des médias. Ces efforts doivent être encore intensifiés. Une campagne à long terme, bien préparée et bien orchestrée doit être lancée afin de promouvoir le concept à tous les niveaux de la société (local, national et international).
L’éducation, par exemple, scolaire et extrascolaire, est incontestablement le moyen le plus efficace pour transmettre aux individus les valeurs, les attitudes, les comportements et les compétences dont ils auront besoin pour servir les intérêts de la planète et de l’humanité à long terme. L’Organisation des Nations Unies, les gouvernements, et les organismes éducatifs devraient s’efforcer d’intégrer le principe de citoyenneté du monde dans l’éducation de chaque enfant.
En ce qui concerne les détails des programmes éducatifs et les activités intégrant ce principe, ils varieront beaucoup d’un pays à l’autre. Toutefois, pour que la citoyenneté du monde soit comprise comme un principe universel, tous les programmes doivent comporter certains principes communs. Fondés sur le principe de l’unité de la race humaine, ils devraient cultiver la tolérance et la fraternité, apprendre à apprécier la richesse et l’importance des différents systèmes culturels, religieux et sociaux du monde et encourager les traditions qui contribuent à une civilisation mondiale durable.
Ils devraient enseigner le principe de « l’unité dans la diversité » comme clé de la richesse et de la force des nations et de la communauté mondiale, encourager une éthique au service du bien commun et expliquer les droits et les devoirs qu’implique la qualité de citoyen du monde.
Ces programmes devraient souligner l’importance de l’Organisation des Nations Unies dans la promotion de la coopération et de la compréhension internationales, présenter ses buts, ses objectifs et ses programmes; son intérêt immédiat pour les peuples et les nations du monde, enfin montrer qu’elle joue un rôle de plus en plus important dans un monde qui se rétrécit de plus en plus.
On pourrait aussi lancer des campagnes de sensibilisation aux défis que soulève la notion de citoyenneté mondiale. Ces campagnes devraient utiliser tous les médias et les moyens artistiques possibles, télévision, vidéo, cinéma, radio, réseaux électroniques, livres et revues, affiches, annonces, théâtre et musique.
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