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Revue n° 37, 1999

Au Kenya, le succès du développement repose sur la consultation et le partenariat

Dans le district semi-aride de Kitui, des groupes de femmes s’avèrent être de formidables instruments au service du développement communautaire lorsqu’ils collaborent avec des ONG bien informées et utilisent une technologie appropriée.

KALIMANI, District de Kitui, Kenya — Sous un soleil de plomb, les femmes portent leurs fardeaux gravissant, lentement mais avec détermination, le chemin escarpé et poussiéreux qui monte du fleuve. Certaines les portent sur le dos, le front ceint d’un foulard, d’autres poussent avec un bâton leurs ânes courbés sous le poids de charges deux fois trop lourdes.

La plupart du temps, les femmes du village de Kalimani puisent l’eau de la rivière de Mutendea dans des jerrycans en plastique. En ce jour du mois de mai, elles remontent des sacs de sable, espérant en avoir assez pour être bientôt débarrassées de la corvée d’eau.

« Ça prend beaucoup de temps d’aller chercher l’eau et c’est très fatigant de la porter jusqu’à la maison ; si c’était plus près, nous pourrions faire autre chose dans la maison » dit Lydia Kitheka, 28 ans, qui fait partie du Groupe des femmes de Kalimani. Ce groupe a mis sur pied un projet de construction d’une nouvelle canalisation et d’un système de pompage pour acheminer l’eau de la rivière jusqu’au village. Elle-même a porté plusieurs sacs de sable lequel sera utilisé pour consolider les tranchées qui serviront de réservoirs. « Nous pourrons consacrer plus de temps à nos enfants, au jardinage et à travailler pour gagner notre vie. »

Il existe dans le monde de nombreux projets d’approvisionnement en eau de villages mais celui-ci est original en ce sens que ce sont les villageois eux-mêmes - en l’occurrence les femmes - qui ont déterminé leurs besoins et se sont organisés, en collaboration avec un soutien extérieur, pour concevoir, construire et gérer le système.

« On parle très souvent de participation communautaire mais la réalité est autre » dit M. Eliab Some, chef de la planification stratégique et du suivi pour l’AMREF qui fournit une assistance technique au projet. « Il s’agit d’une participation communautaire active et non pas de se croiser les bras en regardant les autres. La communauté a fait le point, cherché une solution et elle fournit aujourd’hui la main d’œuvre. C’est l’idéal. »

Il est difficile d’expliquer comment les femmes de Kalimani ont participé à la construction d’un système qui alimente en eau potable près de 6 000 habitants de deux villages, avec des partenaires à plusieurs niveaux. C’était d’autant plus compliqué qu’il s’agissait de barrages souterrains, technologie nouvelle mais appropriée, qui vise à créer un réservoir d’eau souterraine. Mais l’affaire est intéressante et instructive.

Les femmes ont non seulement fourni presque toute la main-d’œuvre, mais elles ont également convaincu les hommes d’assumer leur part. Alors qu’elles peinaient à porter des sacs de sable en haut de la colline, leurs maris et leurs fils creusaient les fondations du réservoir à coups de pics et de pioches.

Les hommes ne portent pour ainsi dire jamais l’eau et il est rare qu’ils travaillent directement pour les femmes. Ici, les femmes assument les vraies responsabilités. Comme elles, les hommes travaillent contre une
« rémunération » de deux kilos de maïs par jour, fournis par l’agence allemande pour le développement (GTZ). « Les femmes sont les cerveaux de l’opération » dit M. Some, « les hommes n’apportent que leurs muscles ».

L’attention de la communauté internationale

Ce projet, en même temps que d’autres projets élaborés par les femmes du district, ont attiré l’attention internationale par son caractère novateur et son succès. Le Groupe des femmes de Kalimani, avec le concours du Groupe des femmes de Matinyani, [voir page 13] a été sélectionné pour être présent à l’Expo 2000 de Hanovre (Allemagne). Une autre exposition, organisée par le centre d’Epcot à Disney World (Floride) à l’occasion de l’avènement du nouveau centenaire, présentera le projet de Kalimani ainsi que d’autres projets mis en œuvre par les femmes.

Elisabeth Dowdeswell est venue sur les lieux du projet, il y deux ans, alors qu’elle était directrice du Programme des Nations Unies pour l’environnement. Selon elle, ce projet est un exemple de développement durable, au sens propre du terme.

« Ce qui m’a frappée, c’est l’ingéniosité des femmes, leur enthousiasme et leur énergie hors du commun » dit Mme Dowdeswell. « C’est ce qui a fait le succès du projet ... en ce sens qu’elles ont compris les besoins de la communauté à court terme et à long terme. »

« Elles ont pesé les besoins environnementaux, économiques et sociaux et les ont mis en balance » ajoute Mme Dowdeswell. « Elles ont en effet cherché à développer les ressources en eau en respectant l’environnement, pris en compte les besoins de santé et d’éducation et elles se sont demandé comment rendre leur communauté économiquement viable. »

Il est intéressant d’examiner ce projet dans le détail parce qu’il compte parmi les plus récents et les plus dynamiques des projets lancés dans la région et qu’il est plus axé sur le développement communautaire que sur la génération de revenus. La vraie consultation au sein du groupe a joué un rôle important en aidant les femmes à identifier leurs besoins et leurs objectifs.

Le Groupe des femmes de Kalimani s’est formé peu à peu à partir de petits groupes constitués vers la fin des années 1980 et le début des années 1990. Il s’est inspiré en partie des succès remportés par les femmes de Matinyani, un village situé à une dizaine de kilomètres de là. Joséphine Mailu, qui est membre du Groupe des femmes de Matinyani mais habite à Kalimani, a joué un rôle déterminant et aidé les femmes à constituer leur propre groupe. Celui-ci compte aujourd’hui près de 600 membres.

« Ces groupes sont naturels ici » dit Mme Mailu, expliquant que la rudesse du climat et de la vie dans la région ont toujours obligé les gens - en particulier les femmes - à se regrouper dans les villages. « Nous devons nous entraider pour survivre. »

Au début des années 1900, le groupe a commencé à collaborer avec Rehema, organisation non gouvernementale parrainée par les bahá’ís qui a aussi travaillé avec le groupe de Matinyani. L’une des fondatrices de cette ONG, Géraldine Robarts, savait que les femmes de Kalimani avaient besoin d’aide.

Échanger les idées

Rehema a organisé des ateliers sur la santé et l’hygiène ainsi que sur la consultation, processus de prise de décision au sein du groupe que les communautés bahá’íes du monde connaissent bien. Certaines femmes de Kalimani reconnaissent que les principes de consultation les ont beaucoup aidées à se fixer des objectifs et des priorités.

« Les choses sont plus faciles quand on échange nos idées » dit Patricia Munanie qui a 42 ans, vit à Kalimani et est vice-présidente du comité responsable de l’eau. Reconnaissant l’impact des principes bahá’ís sur le groupe, elle précise : « Ils nous aident à écouter les autres et à retenir les bonnes idées, quel que soit celui qui les a eues ». A peu près à la même époque, une femme du groupe a fait un rêve prémonitoire : elle voyait un hôpital où des médicaments arrivés dans des conteneurs alimentaires étaient distribués. Ce rêve, ainsi que les leçons qu’elles avaient retenues à propos de la consultation, ont décidé les femmes à construire un centre de santé.

Rehema les a aidées à prendre contact avec des agences de financement du développement pour l’achat de matériaux de construction. Les femmes elles-mêmes ont fourni la main d’œuvre et même fabriqué les briques. Peu à peu, depuis le début des années 1990 à ce jour, le centre a pris forme. Dans un premier temps, un centre d’accouchement de deux pièces a été construit. Il a été terminé en 1995. Deux autres pièces et une véranda ont été ajoutées en 1996 et 1997. Un entrepôt et un laboratoire ont été achevés en 1998. Tout compris, le centre a coûté moins de 60 000 FF en financement extérieur.

Mme Mailu, qui est à la fois infirmière, nutritionniste et agent de santé communautaire, dirige le dispensaire. Celui-ci traite, nous dit-elle, entre 50 et 80 malades par jour. Mais depuis que le centre a été construit, les femmes n’ont pas seulement bénéficié de soins améliorés. Elles ont pu se retrouver au centre qui est devenu leur principal lieu de rassemblement. Le simple fait que ce centre existe leur a donné une plus grande confiance en elles-mêmes.

Mailu n’est pas la seule à avoir vite compris qu’une bonne partie des problèmes de santé du village étaient liés à la pénurie d’eau saine - et même d’eau tout court - et ce, pendant une bonne partie de l’année.

Les précipitations annuelles varient entre 600 et 1000 millimètres, réparties en deux saisons pluvieuses d’octobre à décembre et de mars à mai. Le restant de l’année, on relève en moyenne moins de 200 mm et pas plus de 25 mm pendant la saison sèche de juin à septembre.

Pendant la saison sèche, la Mutendea s’assèche complètement, ce qui oblige les habitants du village à aller chercher l’eau à un ou deux mètres de profondeur dans la rivière. Ils creusent ainsi des puits ouverts insalubres que les hommes et les animaux se partagent.

Les consultations avec Rehema ont permis au Groupe d’apprendre la technologie des barrages « souterrains », particulièrement appropriée au cas présent. Il s’agit en gros d’un barrage ordinaire, particulièrement robuste, épais et de forme particulière destinée à recueillir et à retenir le sable. Peu à peu, le sable retient l’eau de surface et crée dans le lit de la rivière un réservoir souterrain résistant à l’évaporation pendant la saison sèche et dans lequel on peut puiser pendant plus longtemps. L’idéal, c’est de rehausser la paroi chaque année afin de recueillir plus de sable et d’augmenter la capacité du réservoir.

La construction d’un tel réservoir était nettement au-dessus des moyens financiers et des compétences techniques des femmes du village mais Rehema les a aidées à intéresser plusieurs autres partenaires, dont l’IDRC, centre canadien de recherche-développement et le Fonds fiduciaire pour le développement communautaire de l’Union européenne qui a apporté le financement ; l’agence allemande pour le développement (GTZ), qui a innové en lançant son programme « Vivres contre travail » et l’ AMREF qui avait déjà participé à la création du centre de santé et a commencé à concevoir le système d’adduction d’eau. L’Organisation mondiale de la santé, le Ministère kenyan de la santé, le Club international des femmes de Nairobi, le Club des femmes hispanophones et d’autres ont aussi participé au projet.

En 1998, les femmes ont construit deux barrages et un système de pompage manuel ainsi qu’un réservoir pour le centre de santé. En mai 1999, elles travaillaient à l’amélioration d’un système perfectionné permettant d’acheminer plus d’eau en amont de la colline, plus près du village. Elles construisent également un nouveau barrage plus haut qui pourra retenir plus de sable et donc une plus grande quantité d’eau.

« Lorsque l’eau arrivera, nous pensons y ajouter un produit pour traiter les maladies comme la diarrhée et la bilharziose » dit Mme Munanie, membre du comité. Elle faisait allusion à l’emploi de produits chlorés qui tuent les bactéries et les vers responsables de la schistosomiase. « Les enfants seront en meilleure santé. »



Supplément:

Facteurs clés du succès


Ceux qui ont examiné le projet estiment que la capacité des femmes de Kalimani à bien s’entendre, entre elles ou avec d’autres personnes, s’explique par des facteurs complexes et liés entre eux. Le climat lui-même, avec ses longues périodes de sécheresse, les a obligées à travailler ensemble tout simplement pour survivre. Leur héritage tribal Akamba les a aussi aidées. Les femmes ont joué un rôle d’autant plus important que les Akamba ont de tout temps été des marchands partis souvent et longtemps.

« Le taux élevé d’alphabétisation de la communauté crée également une masse critique de femmes alphabètes qui sont capables de mener à bien un projet » dit Donna Pido, anthropologue qui a étudié le projet pour l’IDRC. « Ces femmes sont très habiles pour créer un comité de soutien à un projet » ajoute-t-elle. « Il est de notoriété que les femmes Akamba ont toujours su résister à la tentation des commérages et des critiques qui cassent les groupes de femmes dans d’autres parties du Kenya et de l’Afrique. »

Rehema et surtout Géraldine Robarts ont joué un rôle important. « Cela va à l’opposé de la pensée et de la mode : il vaut mieux ne pas dire que c’est une femme blanche qui fait bouger les choses dans ce groupe » dit Dr. Pido. « Mais c’est ainsi. »

« Les femmes de Kalimani aimeraient agir seules » poursuit-elle, « mais même si elles pouvaient aller à Nairobi et s’adresser aux organismes qui gèrent l’aide financière, ce qu’elles ne peuvent pas faire, elles ne pourraient comprendre leur langue. Peu importe, alors, qu’un groupe soit motivé ou bien organisé en Afrique de l’Est rurale - car si les femmes n’ont pas un intermédiaire pour les mettre en contact avec l’extérieur, elles n’auront aucune possibilité de réussir. »



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