Revue n° 42-43, 2002
En Tanzanie, une école s’est donnée pour mission d’éduquer les filles et de promouvoir les valeurs spirituelles
IRINGA, Tanzanie — Si on leur demande en quoi leur école est différente des autres écoles de ce pays tropical d’Afrique de l’Est, les élèves de l’établissement secondaire Ruaha n’hésitent pas à signaler une caractéristique qui leur tient très à cœur : l’absence totale de punition corporelle « à la baguette ».
« Quand l’enseignant tient sa baguette à la main, on hésite à répondre à une question de peur d’être battu », dit Clara Tomeka, âgée de seize ans et élève à Ruaha, un établissement privé à but non lucratif géré par la Communauté bahá’íe de Tanzanie.
Mais, lorsque l’on interroge les administrateurs, les enseignants, les parents et les autorités locales sur ce qui en fait une école à part, ils répondent que cette politique d’éducation particulière vise à créer un environnement fondé sur l’application des valeurs spirituelles et morales aux problèmes de la vie quotidienne.
Ceux qui connaissent Ruaha soulignent les qualités que l’école s’efforce d’inculquer en priorité aux élèves (patience, diligence, courtoisie, loyauté, compassion et justice) tout en les aidant à développer les capacités, les attitudes et les compétences (techniques agricoles, informatique, commerce, etc.) qui pourront les aider à survivre dans l’un des pays les plus pauvres du monde.
Enfin, ils parlent également de l’une des missions premières de Ruaha : parvenir à éduquer des filles, et notent avec fierté l’excellence académique de l’école.
« C’est une école modèle comparée aux autres », dit Merchant Mtandika, l’inspecteur national pour les mathématiques, délégué par le Ministère de l’éducation et de la culture. « Pour l’environnement et la discipline, c’est une très bonne école, l’environnement est très propice à l’étude. Elle a une bonne structure administrative et je suis impressionné par la cordialité du personnel et son esprit d’équipe. »
Bien que située dans une petite ville éloignée de la région d’Iringa, l’école accueille des élèves de toute la Tanzanie. Les quelque 400 élèves qui sont inscrits actuellement viennent de 17 des 21 régions de la Tanzanie.
Créée en 1986, l’école est administrée par l’Assemblée spirituelle nationale des bahá’ís de Tanzanie, l’organe administratif de la communauté, élu démocratiquement. Globalement, la première mission de l’école est de servir l’ensemble de la communauté tanzanienne en offrant une éducation de qualité à un coût abordable.
« Nous voulons donner aux élèves une éducation non seulement théorique mais aussi pratique pour qu’ils puissent contribuer à la transformation de leurs communautés, donner l’exemple de la rigueur morale, et avoir un niveau d’éducation très élevé, pour se mettre au service de leurs communautés en ayant le sens du service », dit Becky Fairley, directrice de l’école.
« Nos droits d’inscription sont peu élevés. Nous ne sommes pas là uniquement pour l’élite, bien que certaines familles appartenant à l’élite nous aient confié leurs enfants. Nous accueillons également les enfants issus de familles modestes. Nous sommes ouverts à des milieux économiques différents », ajoute-t-elle.
Priorité aux filles
Plus des deux tiers des élèves sont des filles, ce qui témoigne du succès de l’école dans la réalisation de l’un de ses buts primordiaux.
« Nous sommes très attentifs à l’éducation des filles qui est très importante ici où, traditionnellement, seuls les garçons allaient à l’école, tout au moins avant les filles », reprend Mme Fairley en précisant qu’à l’échelle nationale moins de la moitié des élèves des établissements secondaires sont des filles.
« Nous essayons d’encourager les filles à renforcer leurs capacités. Nous pensons que cela contribue à l’amélioration de la condition des femmes. Elles élèvent leurs enfants autrement et cela fait une grosse différence dans la communauté. »
Mme Fairley explique aussi qu’il faut passer un examen d’entrée et que les filles sont traitées plus favorablement. L’école a également institué un programme de bourses pour les filles et participe au Programme de soutien à l’éducation des filles au niveau secondaire, parrainé par le gouvernement. Ce programme financé par la Banque mondiale permet aux filles de familles modestes d’aller à l’école.
C’est difficile de donner une bonne éducation dans l’un des pays les plus pauvres du monde où la majorité des habitants luttent pour avoir de quoi manger. Les droits d’inscription à Ruaha sont plus élevés que dans les écoles gouvernementales mais moins que dans les autres établissements secondaires privés de même niveau.
« C’est difficile de faire comprendre aux élèves l’importance de l’éducation », dit Angresia Ginga qui enseigne l’agriculture à Ruaha. « Ils voient des membres de leur famille qui ont fait des études universitaires rester à la maison sans travail. »
L’école s’efforce de les motiver en leur proposant des sujets qui leur donneront plus de chances de trouver un emploi. En plus des matières classiques comme l’anglais, le kiswahili, la géographie, l’histoire, les mathématiques, la physique, la biologie et la chimie, le programme couvre aussi l’agriculture, le commerce, l’informatique et « l’autonomie ».
Le programme d’apprentissage de l’autonomie met notamment l’accent sur la pratique de l’agriculture. Chaque élève reçoit un lot de terrain et chaque classe produit des cultures différentes. Ces produits sont vendus à la cantine afin que les élèves apprennent à voir les « fruits » de leurs efforts.
« L’apprentissage de l’autonomie est utile car je peux aider mes parents à la maison, travailler aux champs et faire d’autres petits boulots », dit James Iddi, externe de 17 ans. « La classe d’informatique m’apporte aussi beaucoup parce que maintenant nous avons la messagerie électronique et l’internet. Si vous allez dans d’autres pays, ils utilisent des ordinateurs. Je pense que c’est mieux d’apprendre maintenant, ainsi je serai équipé plus tard. »
Esprit d’équipe
Un autre problème auquel se heurtent pratiquement toutes les écoles tanzaniennes est la motivation des enseignants. Dans les écoles gouvernementales, les enseignants sont mal payés et beaucoup s’absentent pour trouver des moyens supplémentaires de gagner leur vie.
Ruaha essaie de surmonter cet écueil en encourageant l’esprit d’équipe chez les enseignants, esprit d’autant plus fort que les salaires sont payés ponctuellement.
« A Ruaha, la directrice consulte les élèves et les enseignants », dit Boniface Mbungu, coordinateur des élèves. « Par ailleurs », poursuit M. Mbungu, « l’administration consulte fréquemment les enseignants et tient des réunions hebdomadaires pour les encourager à dire ce qui ne va pas. Au lieu d’avoir peur, de cacher leurs sentiments et d’agir par derrière, les gens se sentent libres de s’exprimer », dit M. Mbungu. « De ce fait, il y a plus d’unité, tous participent à la planification. »
Grâce notamment à l’esprit d’équipe du corps enseignant, le niveau académique de l’école est élevé. Cela est particulièrement remarquable compte tenu du fort pourcentage de filles qui fréquentent l’établissement puisque celles-ci, traditionnellement négligées en Tanzanie, arrivent souvent à l’école avec un niveau faible.
Les résultats obtenus à l’examen national de première en 1998 montrent que Ruaha est classée troisième dans la région, cinquième dans la zone et trente cinquième sur 611 écoles au niveau national.
Le succès de l’école se voit également à travers le pourcentage des élèves qui sont sélectionnés par le gouvernement pour passer de la première à la terminale. A l’échelle nationale, le pourcentage moyen d’admission est de 5%. Or, en 1998, 26 des 33 élèves de première ont été admis à Ruaha à passer en terminale, ce qui représente un pourcentage de 78%.
L’année dernière, l’école a reçu le prix du meilleur « Plan de développement académique » du Ministère de l’éducation et de la culture.
« Ici, les enseignants font tout pour obtenir de bons résultats », dit Mercy Mushi, élève pensionnaire de seconde âgée de seize ans. « Ils ont plusieurs méthodes. Dans d’autres écoles, il peut arriver qu’un seul enseignant soit présent sur une journée. »
Education morale
Ruaha est aussi connue pour ses cours de morale. Ce programme repose sur des activités pratiques, par exemple planter des arbres pour montrer l’importance de l’environnement et de l’écologie et prendre des décisions en équipe.
« L’accent est mis sur les qualités morales », dit Mme Fairley. « Par exemple, la persévérance. Dans toute activité, il faut apprendre le sens des valeurs ». L’école vise à intégrer l’éducation morale dans toutes les matières. « Chaque semaine, nous enseignons une vertu, par exemple l’honnêteté, dont nous soulignons les qualités pour attirer l’attention de l’élève. »
Les élèves apprennent à rendre service en nettoyant, à tour de rôle, les espaces qui entourent l’école, en jardinant et en exécutant des travaux d’entretien.
Le programme d’éducation morale souligne également l’importance de la religion, adopte une approche inter-religieuse en enseignant les grandes religions du monde. La population tanzanienne se compose à parts égales de chrétiens, de musulmans et d’adeptes des religions traditionnelles et l’enseignement des religions a appris la tolérance aux élèves de religions et d’ethnies différentes.
« Ruaha est une école différente car c’est une école religieuse », dit Moza Said, jeune élève de 17 ans. « Cette religion unit les peuples au lieu de les séparer. Notre cours d’éducation morale nous apprend à vivre en société avec des gens différents. »
Parents et tuteurs apprécient le fait que la morale ait une place prépondérante dans l’enseignement. « Outre la culture générale, on apprend beaucoup à devenir de bons citoyens », dit Cecilia Shirima, secrétaire administrative régionale qui a envoyé sa nièce à Ruaha. « Ces deux dernières années, ma nièce a beaucoup changé en bien. Elle est plus sérieuse et plus responsable et j’ai tout lieu de penser que l’école va dans la bonne direction par rapport aux autres écoles. »
Ruaha insiste aussi sur le service à la communauté en mettant en œuvre plusieurs projets de développement économique et social. Elle vient d’ouvrir une boutique pour les élèves et la communauté voisine. On y vend des produits à des prix comparables à ceux pratiqués en ville, ce qui permet aux étudiants de faire leurs achats au jour le jour. Une laiterie fournit du lait à la cantine, aux enseignants et à la communauté voisine.
Les cours d’informatique sont ouverts au public, le soir, pour une somme modique, et l’ensemble de la communauté en profite.
Tous les élèves et les parents interrogés ont salué ces particularités et bien d’autres encore. Pour beaucoup, c’est la suppression des châtiments corporels qui est le fait le plus marquant.
Bien que condamnés par le gouvernement, presque toutes les écoles continuent, depuis l’époque coloniale, à se servir de la baquette pour motiver les élèves.
« En donnant des coups de bâton, on effraie les élèves et on les inhibe parce qu’ils ont peur », dit Ola Jahanpour, interne de 16 ans lauréat du concours national d’anglais. « A l’école primaire, on était battu si on ne saluait pas le maître, si on faisait du bruit, si nos cheveux n’étaient pas tressés correctement et si on répondait mal aux questions. »
Claire Dawson, qui a enseigné l’anglais pendant six mois à Ruaha, a dit que toutes les écoles tanzaniennes frappaient les élèves, en dépit de l’interdiction du gouvernement. « Même dans les établissements secondaires, où la plupart des élèves ont entre 15 et 23 ans, on donne des coups de bâton », ajoute Mme Dawson.
« A mon avis, la principale caractéristique de Ruaha est que les élèves sont respectés en tant qu’êtres humains », souligne encore Mme Dawson. « Voilà en quoi l’école est différente. Le fait qu’on respecte l’autre et qu’on essaie de leur apprendre à être autonomes dans un pays où la vie est très difficile et où il n’existe aucune tradition de respect envers les enfants. »
L’Institut d’études sur la prospérité dans le monde rejoint la famille des bureaux de la Communauté internationale baha’ie
NEW YORK – Inauguré officiellement par la Communauté internationale bahá’íe, l’Institut d’études sur la prospérité dans le monde est chargé d’étudier les fondements spirituels et matériels du savoir et les processus du progrès social.
« La mission de l’Institut consiste à étudier les nouveaux concepts et modèles de la transformation de la société, » dit Matthew Weinberg, directeur de l’Institut. « L’Institut veut stimuler une nouvelle réflexion sur les questions sociales en examinant les relations entre les dimensions morales, spirituelles et matérielles de la vie. »
L’Institut prévoit non seulement de parrainer des conférences et des colloques sur des questions touchant aux processus qui façonnent et maintiennent la paix et la prospérité dans le monde, mais également de mener des recherches à des fins de publication.
L’Institut d’études sur la prospérité dans le monde rejoint la famille des bureaux de la Communauté internationale bahá’íe : le Bureau des Nations Unies, le Bureau d’information publique, le Bureau pour l’environnement et le Bureau pour l’avancement des femmes.
Pour contacter l’Institut : United Nations Plaza, Suite 120, New York, NY 10017-1822, USA – Tel : +1-212-803-2547 Fax : +1-212-803-2566 Email : isgp@bic.org - Site internet : http://www.isgp.bic.org.
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