Revue n° 40, 2000
Madame Rúhíyyih Rabbani, figure historique de la communauté bahá’íe, s’est éteinte
Auteur, réalisatrice et conférencière, soucieuse de l’environnement et des peuples autochtones, elle a occupé une place de premier plan en tant que représentante des bahá’ís. HAIFA, Israël — Madame Rúhíyyih Rabbani, éminente personnalité bahá’íe, s’est éteinte le 19 janvier 2000.
Auteur, poète, réalisatrice et conférencière, Madame Rabbani a lutté infatigablement et tout au long de sa vie pour la paix, la préservation de l’environnement et le respect des droits des peuples autochtones. Elle a également joué un rôle important dans la promotion de l’unité et de l’intégration de la communauté bahá’íe dans le monde.
Veuve de Shoghi Effendi, dernier chef historique de la foi bahá’íe de 1921 à 1957, et arrière petit-fils du fondateur de cette jeune religion mondiale, Bahá’u’lláh, elle représentait le dernier lien avec la famille du fondateur.
A la mort de son époux, elle se met au service de la Maison Universelle de Justice, conseil de neuf membres élus tous les cinq ans pour gérer de manière collective les destinées des bahá’ís du monde.
Madame Rabbani sera l’ambassadrice de cette institution et inlassablement, dans les instances internationales comme auprès des dignitaires et des chefs d’Etat, elle exposera et explicitera le rôle et l’action des bahá’ís à travers la planète : œuvrer à l’unification de l’humanité dans le respect de sa diversité.
Mais au delà de son lien de parenté avec le fondateur de la foi bahá’íe, ce sont sa personnalité et son œuvre qui lui vaudront d’occuper une place de choix dans le cœur des 6 millions de bahá’ís. A la disparition de Mme Rabbani, des milliers de réunions de commémoration ont été organisées par les communautés bahá’íes aux quatre coins du globe pour lui rendre un dernier hommage.
Fille unique de William Sutherland Maxwell, architecte renommé et de May Bolles, Madame Rabbani, d’origine canadienne, est née à New York le 8 août 1910. Ses parents étaient des bahá’ís très engagés. M. Maxwell était l’architecte du tombeau du Báb, situé sur le Mont Carmel à Haïfa, siège du Centre mondial de la foi bahá’íe. Quant à la mère de Madame Rabbani, elle a fondé en 1898 la première communauté bahá’íe d’Europe à Paris.
Madame Rabbani a étudié à l’université de McGill à Montréal et s’est très tôt mise à écrire des livres, pièces de théâtre et poèmes.
Le 25 mars 1937, Mademoiselle Maxwell a épousé Shoghi Effendi Rabbani, alors figure dirigeante de la foi bahá’íe, devenant ainsi Madame Rúhíyyih Rabbani.
Pendant près de seize années, elle a été la secrétaire principale de Shoghi Effendi, l’aidant à répondre à la volumineuse correspondance exigée par sa position et voyageant pour le représenter. En 1952, elle a été élevée au rang de « Main de la Cause », rang attribué aux individus chargés de préserver les intérêts vitaux de la communauté.
Dans toutes ses fonctions, elle a joué un rôle décisif en assurant la transition à la tête de la foi après le décès de son mari en 1957. Avec huit autres « Mains de la Cause », elle a géré les affaires de la communauté de 1957 à 1963, date de l’établissement de la Maison Universelle de Justice.
Des voyages à travers le monde
Dès 1963, Madame Rabbani entreprend une série de voyages auprès de milliers de communautés bahá’íes à travers le monde. Elle a ainsi consacré la majeure partie des 35 dernières années de sa vie à voyager dans 185 pays et territoires dépendants.
En 1964, elle se rend en Inde, au Sri Lanka, au Sikkim et au Népal totalisant plus de 88.000 kilomètres. En 1967-68, elle a visité chaque pays d’Amérique du Sud après avoir posé, à Panama, la première pierre du premier temple bahá’í dans la région.
De 1969 à 1973, Madame Rabbani a parcouru, en Range Rover, 58.000 kilomètres à travers l’Afrique et visité 34 pays.
Elle a aussi visité une trentaine de pays d’Asie et du Pacifique en l’espace de près de sept mois. Pendant un voyage en Amérique latine, en 1975, elle a produit un long-métrage intitulé « Expédition feu vert » qui relate ses visites auprès des autochtones d’Amérique du Sud, en particulier à travers la jungle du Suriname et de la Guyana ainsi que sa remontée de l’Amazone au Brésil. Ce documentaire est l’expression de son souci pour le sens moral aussi bien qu’écologique et met en scène des lieux ignorés jusque là et des populations traitées injustement depuis longtemps. « En ce jour, il n’est pas suffisant de croire, il faut agir », aimait-elle rappeler.
Au cours de ses voyages, elle a été reçue par de nombreuses personnalités, dont le secrétaire général des Nations Unies, Javier Perez De Cuellar, ainsi que par des chefs d’Etat et de gouvernement parmi lesquels figurent l’empereur d’Éthiopie, Hailé Selassié ; Malietoa Tanumafili II des Samoa occidentales, le président ivoirien, Houphouet-Boigny ; le président argentin, Carlos Menem ; Mme Indhira Ghandi, premier ministre de l’Inde ; ou encore le premier ministre jamaïcain, Edward Seaga.
Rapports avec les villageois et les peuples autochtones
Dans tous ses voyages, Madame Rabbani s’est particulièrement penchée sur la misère des villageois et des populations indigènes analphabètes. Tant dans ses discours que par écrit, elle n’a cessé de répéter que la bienséance, la spiritualité, l’intelligence et la droiture se rencontraient plus souvent dans les régions reculées que dans les civilisations matérialistes occidentales.
« Le plus grand crime qu’a commis l’homme blanc, dans sa folie et sa croyance orgueilleuse dans le pouvoir de la civilisation de l’argent, aura sans doute été de donner aux autres hommes un sentiment d’infériorité », écrit-elle en 1961. « Dans quelle mesure cet acide a brûlé les âmes des autres hommes, je pense que nous autres blancs ne le sauront jamais. »
Ses rapports avec les autochtones lui ont valu beaucoup d’amis. Les indiens Pieds noirs du Canada l’appelaient « Natu Ocsist » (Mère bénie) et elle a été adoptée par la tribu de l’aigle des indiens Tlingit de l’Alaska ainsi sous le nom de « Princesse jolie plume ».
Madame Rabbani était dans son état le plus heureux avec les villageois, partout où ils se trouvaient. Elle manquait rarement l’occasion de mettre en valeur les gens vivant à des endroits lointains et isolés et dont très peu de personnes avaient entendu parler.
Elle abordait instinctivement chaque être humain avec un cœur ouvert et sincère, sans la moindre gêne. Elle cherchait les qualités positives chez son interlocuteur et l’exprimait, ayant ainsi le don de redonner confiance aux plus découragés.
Une brillante conférencière
Dotée d’une curiosité et de talents prodigieux, Madame Rabbani était aussi bien administratrice que globe-trotter, auteur, poète, conférencière, et productrice de films. Parmi ses nombreux livres figurent La perle inestimable, biographie complète sur Shogi Effendi et Prescription for Living, qui montre comment appliquer les principes de la spiritualité dans la vie quotidienne.
Maîtrisant l’anglais, le français, l’allemand et le persan, elle donnait beaucoup de conférences. Sa maîtrise du mot juste à chaque occasion, sa capacité à obtenir une réaction du public et à toucher les cœurs des gens, sa logique claire et simple compréhensible par tous, ses traits d’esprit et son sens de l’humour, la rendaient très chère à son public, quel qu’il soit.
Elle a eu l’occasion de partager la tribune avec le Prince Philipp, duc d’Edimbourg, avec lequel elle partageait certaines actions en faveur de l’environnement. Elle a notamment activement soutenu les activités du Fonds mondial pour la nature (WWF).
En 1996, Madame Rabbani a été reçue par la Chambre des députés du Brésil. Au cours d’une cérémonie de deux heures destinée à commémorer le 75ème anniversaire de la foi bahá’íe au Brésil, 14 représentants des grands partis politiques ont rendu hommage à son action en faveur de l’environnement, de la paix et de l’unité dans le monde ainsi que des droits des peuples autochtones.
Des commémorations dans le monde entier
Dès l’annonce du décès de Madame Rabbani, les communautés bahá’íes du monde entier ont organisé des réunions de commémoration pour lui rendre un dernier hommage. Plusieurs chefs d’État et de gouvernement ont adressé des messages de condoléance. Le président Clinton a adressé aux bahá’ís des Etats-Unis le message suivant : « À en juger par l’éclectisme de Rúhíyyih Rabbani dans les domaines de la littérature, de l’environnement, de l’art et par ses nombreuses activités, nous pouvons comprendre en partie ce que sa perte signifie, non seulement pour vous mais pour le reste du monde. Sachez que nous pensons à vous et à toute la communauté bahá’íe. »
Madame Rabbani a été inhumée à Haïfa le 23 janvier 2000. Un millier de personnes ont assisté aux funérailles, dont de nombreuses personnalités israéliennes ainsi que des représentants d’environ 80 conseils nationaux bahá’ís venus des quatre coins du monde.
This is faith
To walk where there is no path
To breathe where there is no air
To see where there is no light
This is faith
To cry out in the silence
The silence of the night
And hearing no echo believe
And believe again and again
This is faith
To hold pebbles and see jewels
To raise sticks and see forests
To smile with weeping eyes
This is faith
To say: « God, I believe » when others deny,
« I hear » when there is no answer,
« I see » though naught is seen -
This is faith
And the fierce love in the heart,
The savage love that cries
« hidden thou are yet there!
Veil thy face and mute thy tongue
yet I see and hear thee, love
beat me down to the bar earth
Yet I rise and love thee, Love! »
This is faith
Ceci est la foi
Avancer là où il n’y a pas de chemin
Respirer où il n’y a pas d’air
Voir là où il n’y a pas de lumière
C’est la foi
Crier dans le silence
Le silence de la nuit
Et n’entendre aucun écho, croire
Et croire encore et encore
C’est la foi
Tenir des cailloux et y voir des gemmes
Planter des tiges et y voir des forêts
Sourire les yeux en larmes
C’est la foi
Dire : « Dieu, je crois » quand d’autres nient,
« j’entends » quand il n’y a aucune réponse,
« je vois » bien qu’il n’y ait rien à voir -
C’est la foi
Et l’amour ardent au cœur,
L’amour sauvage qui pleure
« caché alors que tu es encore là!
Et l’amour ardent au cœur,
L’amour sauvage qui pleure
« caché alors que tu es encore là!
voile ton visage et ne dis rien
pourtant je te vois et t’entends, amour
jette moi à terre
et pourtant je me lève et je t’aime, Amour! »
C’est la foi
(Traduction libre)
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