Revue n° 49-50, 2004
Des experts s’interrogent sur le rôle de la religion dans les pays dévastés par la guerre
NATIONS UNIES — L’aide que la foi et la religion peuvent apporter aux populations dévastées par la guerre a été reconnue comme un thème important lors d’une réunion d’experts organisée par des organisations non gouvernementales (ONG).
La réunion, qui avait pour thème « Sociétés en transition : Rôle de la Cour pénale internationale dans la paix et la réconciliation », a été organisée par le comité Foi et Ethique de la Coalition des ONG pour la Cour pénale internationale (CPI) et a réuni en mars 2004 des membres d’ONG, des représentants de la CPI et des fonctionnaires de l’ONU.
Olara Otunna, sous-secrétaire général pour les enfants et les conflits armés, qui était l’un des deux principaux intervenants, a souligné l’importance de la Cour et a expliqué que le rôle clé des organisations religieuses était de guérir les blessures et de réconcilier les populations. C’est ainsi, dit-il, que les chefs religieux et les femmes ont été les premiers à dénoncer les atrocités commises par les rebelles en Sierra Leone. De plus, selon lui, la foi et la religion, sont souvent le dernier recours d’innocents confrontés à une guerre violente.
Décrivant l’état des populations pendant les conflits qui ont secoué le Congo, l’Ouganda, le Soudan, la Sierra Leone, le Liberia et le Cambodge, il dit « vous vivez dans un enfer où la terre se dérobe sous vos pieds et où vous disparaissez dans ses profondeurs. Personne ne peut rien faire pour vous ».
En pareil cas, ajoute M. Otunna, les gens ne peuvent s’adresser qu’à Dieu. Lorsque la stabilité revient, l’une des premières aspirations de ces populations, c’est de prier Dieu et de lui rendre grâce.
Il raconte qu’il a demandé un jour à des réfugiés d’un camp en Erythrée quel était leur vœu le plus cher. « Deux ou trois vieillards se sont levés et ont dit ‘Ce qu’il y a de plus urgent et de plus important pour nous, c’est d’avoir une mosquée’. Ils n’avaient rien à manger et pas d’hôpital pour les soigner. Toutes les choses basiques de la vie leur manquaient. Mais leur premier souhait était d’avoir une mosquée ou une église car ils n’avaient pas d’endroit pour prier. Vous auriez du voir la panique sur le visage de la moitié des bureaucrates de l’ONU ! »
D’autres intervenants ont insisté sur le rôle concret que les organisations religieuses peuvent jouer pour aider les sociétés ravagées par la guerre et les réconcilier après un cessez-le-feu ou un règlement du conflit.
Wanda Hall, chargée des relations extérieurs au Bureau du Procureur de la CPI, a insisté sur la nécessité de construire des relations durables entre le Bureau du Procureur et les communautés locales. Selon elle, les organisations religieuses ainsi que d’autres secteurs de la société civile connaissent parfaitement les communautés dans lesquelles les enquêtes sont menées et peuvent créer un climat de confiance entre la CPI et la population locale, un facteur essentiel pour le succès de la Cour.
Entre l’exigence de justice et l’exigence de paix des sociétés ravagées par la guerre, la Cour pénale n’a pas la tâche facile. D’un côté, la crainte de poursuites pénales pousse souvent les chefs des armées à continuer à se battre. De l’autre, les amnisties généralisées entretiennent un climat d’impunité très malsain et empêchent les victimes de faire entendre leurs droits.
Pour Isaac Flattau, administrateur juridique à l’Unité d’aide et réparations aux victimes, les organisations religieuses peuvent aider la CPI à remplir son rôle. « Dans les pays visés par les enquêtes de la CPI, les organisations religieuses peuvent s’associer à la Cour pour soutenir et aider les victimes soumises à des interrogatoires et à des procédures traumatisantes », dit-il.
Le co-président du comité Foi et Ethique, Jeffery Huffines, dit que la réunion a été importante en ce qu’elle a permis d’aborder toutes les questions d’ordre moral et éthique auxquelles la CPI est confrontée alors qu’elle s’efforce de concilier les impératifs de justice et les efforts de réconciliation.
Jeffery Huffines, qui est également le représentant de la communauté bahá’íe des Etats-Unis auprès de l’ONU, dit encore que « la justice et la réconciliation ne nous paraissent pas être contradictoires mais plutôt l’endroit et l’envers d’une même médaille. L’un des principaux objectifs de la réunion était de rassembler différentes organisations religieuses afin que les hommes de foi coopèrent avec la Cour pour essayer de panser les plaies de ces sociétés traumatisées. »
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