Revue n° 53-54, 2005
Copenhague + 10 : maintenir le développement
NATIONS UNIES — En 1995, dans
l’euphorie de l’après-guerre froide qui
nous faisait croire que les grands problèmes
sociaux avaient pris le pas sur les problèmes
de sécurité dans l’agenda international, les
dirigeants du monde se sont réunis à
Copenhague pour forger un nouveau plan
mondial pour un développement « centré
sur l’homme ».
En 2005, lors de l’examen des dix années
écoulées depuis le Sommet mondial du
développement social, il est cependant
apparu aux yeux de nombre d’observateurs
que les problèmes de sécurité avaient une
fois de plus occupé le devant de la scène,
avant la compassion et la justice sociale.
Dans son rapport à la Commission du
développement social, le Secrétaire général
des Nations Unies, Kofi Annan, indique :
« Un élément nouveau et regrettable du
climat international est apparu à propos du
développement social : la réapparition des
problèmes de sécurité au centre des débats
nationaux et internationaux ».
D’aucuns ont donc considéré comme
une victoire la publication, à l’issue de la
43ème session de la Commission, d’une
déclaration réaffirmant simplement les
grands principes adoptés dix ans auparavant
à Copenhague, sans aucune modification
ni suppression.
Les 46 pays qui composent la Commission
ont publié une déclaration dans laquelle
ils soulignent que les engagements pris à
Copenhague et les Objectifs du Millénaire
pour le développement « se renforcent mutuellement
» et sont « indispensables à une
approche du développement cohérente et
axée sur l’être humain ». Ils renouvellent leur
« engagement à promouvoir l’intégration sociale
en favorisant l’instauration de sociétés
caractérisées par la stabilité, la sécurité et la
justice ».
Le Sommet pour le développement
social, tenu en mars 1995 à Copenhague, a
été à l’époque le plus grand rassemblement
de dirigeants du monde jamais organisé. 115
chefs d’Etat se sont engagés à faire de la lutte
contre la pauvreté, du plein emploi et de
l’intégration sociale les principaux objectifs
des efforts de développement.
La Déclaration et le Programme d’Action
de Copenhague lancent plus précisément
un appel en faveur d’une approche du
développement économique et social
globale, juste et centrée sur l’homme. Ils
insistent surtout sur la nécessité de donner
aux femmes et aux catégories défavorisées
les moyens de se prendre en main et
somment les pays industrialisés à consacrer
davantage aux plus nécessiteux.
Par ailleurs, il est demandé instamment
aux gouvernements de renforcer le partenariat
entre la société civile et l’entreprise privée
et de reconnaître l’importance du rôle des
populations locales dans la formulation des
politiques de développement local et régional.
Conclusions du Secrétaire général
Dans son rapport à la Commission, Kofi
Annan conclut que les progrès dans la mise
en oeuvre des objectifs de Copenhague sont
mitigés. Certains indicateurs font certes état
d’une réduction de la pauvreté et d’un
meilleur accès à l’éducation primaire, mais
l’objectif qui sous-tend tous les autres, celui
de la création d’un environnement
durablement axé sur l’être humain et
favorable au développement social, reste en
deçà des espérances, dans la mesure où la
tendance générale est de se préoccuper
davantage de l’économie que de se pencher
sur les êtres humains et leurs besoins.
« L’approche globale du développement
mise en avant au Sommet a été perdue de
vue ou a perdu de sa consistance dans
l’arène politique internationale. » Si la
pauvreté a pris la place qui lui revient,
l’explication socio-économique de la
pauvreté, telle qu’elle est présentée au
Sommet, contraste avec le concept plus étroit
qui prévaut aujourd’hui. En outre, les deux
autres thèmes centraux du Sommet, à savoir
le plein emploi et l’intégration sociale, ont
été peu à peu laissés de côté sinon ignorés. »
Et le rapport d’ajouter que dans certaines
régions, les statistiques ont peu évolué,
certains indicateurs ayant même reculé. Alors
même que l’assistance internationale au
développement de l’Afrique subsaharienne a
été renforcée de quelques points de
pourcentage, entre 1995 et 2001, le revenu
par habitant a reculé de 440 à 400 euros.
Malgré la promesse des bailleurs de
fonds de renforcer l’aide internationale au
développement, la plupart d’entre eux ont
failli à la promesse d’octroyer 0,7% de leur
PNB à cette assistance.
« L’aspect positif, c’est que la démocratisation
et le rôle croissant des organismes de
la société civile en tant que partenaires pour
le développement social ont permis de
renforcer la transparence et l’obligation de
rendre des comptes. Mais la mise en oeuvre
de la politique laisse encore à désirer. »
Dans la déclaration de la Commission,
les gouvernements s’en sont également pris
aux échecs les plus flagrants dans la réalisation
de ces engagements, en particulier la
propagation du sida et l’extrême pauvreté
en Afrique. Ils ont reconnu que « dix ans
après Copenhague et en dépit des efforts
qui ont été faits et des progrès réalisés dans
le domaine du développement économique
et social, la situation de nombreux pays en
développement, en particulier en Afrique,
et celle des pays les moins développés et
des pays en transition économique, exige
une attention et une action plus soutenues ».
Les gouvernements prennent la parole
Plus de 20 ministres ont pris la parole,
un nombre inhabituellement élevé pour une
réunion de la Commission, ce qui témoignait
du sérieux avec lequel l’ONU entendait
examiner les accords de Copenhague.
La nécessité de relier la vision d’un
développement global exposée à Copenhague
aux objectifs du Millénaire pour le
Développement adoptés en 2000 par les
dirigeants du monde a été au centre de
nombreuses déclarations des gouvernements,
organisations gouvernementales ou
agences des Nations Unies.
Aussi importants que soient les objectifs
du Millénaire pour le Développement, la
Commission a jugé qu’ils manquaient dans
l’ensemble d’envergure.
Le forum de la société civile
Parallèlement, la société civile a tenu un
forum sur le thème de la vision globale de
Copenhague, auquel 150 représentants
d’ONG ont participé.
« Copenhague a tracé un cadre général
qui nous donne une vision d’ensemble »,
dit Huguette Redegel, vice-présidente du
mouvement international ATD Quart
Monde. « L’extrême pauvreté n’est pas
seulement une question de revenus ; elle
inclut aussi, par exemple, l’accès à la santé
et elle est inséparable des droits de l’homme.
Nous devons avoir la certitude que les
objectifs du Millénaire pour le Développement
ne représentent pas un pas en arrière
par rapport à la Déclaration de Copenhague. »
Dans leur déclaration, les ONG disent
ceci : « Nous pensons que les gouvernements
du monde ont négligé les engagements pris
il y a dix ans. En cette période de richesse
extraordinaire et de progrès technologique
rapide, il est honteux de constater que 1,2
milliards de gens vivent dans une pauvreté
extrême et chronique. »
Participation des bahá’ís
La Communauté internationale bahá’íe
a participé activement au Forum et à la
réunion de la Commission.
Bahiyyih Chaffers, représentante de la
Communauté internationale bahá’íe auprès
de l’ONU, a présidé l’une des principales
table rondes du Forum. Selon Mme
Chaffers, le « vieux rêve de paix mondiale »
ne peut se réaliser sans une « vision
dynamique de la prospérité globale »
marquée par « le bien-être matériel et
spirituel » de tous les habitants du monde.
Haleh Arbab Correa, représentante de la
FUNDAEC, organisation de développement
d’inspiration bahá’íe, a participé à un
groupe de travail sur le thème « La
promotion du plein emploi ». Elle a insisté
sur l’importance de prendre en compte la
nature spirituelle de l’homme. Rappelant
que l’éducation est la clé de voûte du plein
emploi, elle a insisté sur la formation des
jeunes qui doit leur donner les compétences
et les capacités dont ils auront besoin plus
tard pour rendre le monde meilleur.
« Notre programme est centré sur les
aspects spirituels, intellectuels et sociaux de
l’être humain », dit-elle. L’objectif premier
de cette formation est de mettre l’accent sur
le service à l’humanité plutôt que sur
l’enrichissement personnel pur et simple.
Madame Arbab Corrrea a aussi participé
à une manifestation parallèle sur le thème
: « La participation, ça marche : exemples
réussis de lutte contre la pauvreté », à
laquelle elle a présenté la FUNDAEC. « L’être
humain ne doit pas être pensé comme un
problème mais comme une richesse dont la
participation est nécessaire pour promouvoir
son propre développement. S’il reçoit
une éducation suffisante, l’homme peut
prendre en main son développement. »
La FUNDAEC, acronyme espagnol pour
« Fondation pour l’application et l’enseignement
des sciences », est une ONG ayant
30 ans d’expérience en Colombie rurale.
Trop souvent, dit Mme Arbab Correa,
l’être humain est considéré comme un
consommateur, un élément du marché. Or
la société n’est pas une jungle, et les
programmes de développement devraient
viser la coopération plutôt que la
concurrence. Et de conclure « l’être humain
porte en lui une part de noblesse et de
spiritualité. Le rôle de l’éducation et du
développement est d’exploiter ce
potentiel ». |