Revue n° 4, 1990
Les organisations privées jouent un rôle vital dans le reboisement d’Haïti
LILAVOIS, Haïti — A la saison des pluies, l’on dit que d’immenses rivières de boue brune s’éloignent des côtes de l’île pour se perdre dans les eaux céruléennes de la mer des Caraïbes. La cause en est le déboisement massif du pays, un des pires de l’hémisphère Ouest, qui laisse les pluies raviner le sol, entraînant le précieux humus à la mer.
« Les estimations oscillent entre 50 et 60 millions d’arbres coupés chaque année », affirme Arlin Hunsberger, Directeur du projet de développement agro-forestier d’Haïti de la Fondation pan-américaine de développement (FPAD) l’un des principaux organismes de reboisement d’Haïti. « Malheureusement, on estime à seulement 6,7 millions le nombre d’arbres replantés l’an dernier par les fermiers. »
La pauvreté d’Haïti en arbres remonte au début du 19e siècle, lorsqu’au cours de révoltes d’esclaves, des régions entières furent brûlées. Une grande partie de la population chercha refuge dans les montagnes, construisant des fermes qui réduisirent d’autant la forêt. L’exploitation commerciale incontrôlée du bois en accéléra le déclin qui fut entretenu par l’utilisation du charbon de bois et le déboisement par les fermiers. Sur une île qui fut jadis verdoyante, il ne reste que 5 % de forêt.
Pendant des dizaines d’années, les appels du gouvernement pour protéger la forêt restèrent lettre morte. Malgré les efforts de nombreuses organisations d’aide internationale pour remplacer les arbres dans l’une ou l’autre partie du pays, la tendance ne put être renversée.
En dépit de cela, M. Hunsberger est optimiste quant au résultat du projet de la FPAD, qui s’attaque au problème d’une manière originale. « Notre but, dit-il, est de travailler avec les organisations volontaires privées, comme la communauté bahá’íe haïtienne et d’autres groupes religieux, pour changer la manière dont les paysans perçoivent les arbres. »
« Nous voulons que les fermiers fassent pousser leurs propres arbres et qu’ils comprennent qu’on doit récolter le bois comme on récolte le maïs ou les haricots : on ne peut récolter le maïs de quelqu’un d’autre, de même ne devrait-on pas couper les arbres des autres. »
La FPAD encourage aussi les fermiers à planter des arbres à croissance rapide qui ont des usages utiles et pratiques : nourriture animale, amélioration de la qualité du sol, bois de charpente ou production de charbon de bois.
Ce programme cadre bien avec le concept bahá’í d’intégration entre environnement et développement. L’école Anís Zunúzí participe à ce projet de la FPAD depuis 1985. Elle commença par construire une pépinière. Aujourd’hui, cette pépinière produit environ 120 000 plants par an qui sont distribués aux fermiers de la région. Une autre pépinière, installée au Nord du pays par le conseil bahá’í local de Liancourt, produit environ 80 000 arbres par an.
M. Hunsberger explique : « L’école Anís Zunúzí est un excellent exemple de la manière dont agit la FPAD : nous ne travaillons qu’avec des organisations volontaires privées (OVP) telles que l’école bahá’íe, la mission baptiste et d’autres. Environ 70 organisations sont impliquées. »
En travaillant avec ces groupes, la FPAD atteint les couches de la société haïtienne où l’éducation sur le reboisement et la plantation d’arbres peut faire la différence. « Les OVP ont tendance à avoir les pieds sur terre, affirme M. Hunsberger, et il est probable qu’elles seront là bien plus longtemps que nous. »
Victor Dumay est un des fermiers qui a bénéficié du programme. Il y a quatre ans, il planta des arbres autour de chez lui. Aujourd’hui, ils ont déjà plus de six mètres de haut, donnent de l’ombre et améliorent l’humidité du sol.
« Les arbres augmentent la valeur du terrain » dit M. Dumay dont les arbres furent procurés par Desanges Exama, agent de développement du programme extra-scolaire de l’école Anís Zunúzí. « Une fois que vous avez de bons arbres, vous êtes sûr d’avoir de la pluie, parce que les arbres attirent la pluie. »
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