Revue n° 6, 1990
Une fin de siècle cruciale
La Grande Bifurcation
Par Ervin Laszlo
Préface d’Ilya Prigogine
Editeur Tacor International
Paris, 1990
Les années quatre-vingt dix, seront vues par les historiens du futur comme le moment où l’Histoire a bifurqué. C’est la thèse que développe Ervin Laszlo dans son dernier ouvrage.
Il faut considérer ce concept de bifurcation, non seulement dans le sens couramment accepté d’un embranchement, mais aussi dans le sens que lui donnent les branches les plus récentes de la science contemporaine (théorie des systèmes dynamiques et thermodynamiques des déséquilibres) où il prend un sens nouveau en termes d’évolution : celle d’un changement soudain dans l’évolution d’un système.
Nous sommes à la fin d’une époque et au début d’une autre. C’est une période de bifurcation. Comment s’en assurer ? Aux changements imprévisibles qui se manifestent tous côtés. En un rapide survol, l’auteur montre que ce n’est pas la première fois que l’humanité se trouve devant un seuil à franchir, le précédent nous ayant fait pénétrer dans l’ère moderne.
Condensant en quelques pages son ouvrage précédent, « Le monde moderne et ses limites » (Ed. Tacor International), Ervin Laszlo dresse un tableau des croyances fondamentales de l’homme moderne qui en ont un être désuet, voué à la transformation ou à la disparition.
Surpopulation, mégapoles, exploitation excessive des forêts pluviales, pollutions de tous genres, effet de serre, couche d’ozone, sont en passe de devenir des titres courants de nos quotidiens. En analyser les conséquences possibles et probables démontre la nécessité pour tous de changer de cadre conceptuel.
Pour éviter les erreurs passées, il faut tenter d’identifier les responsables de la situation actuelle : la technique ? la science ? les arts ? les religions ? l’éducation ? Tous ces domaines qui forment l’esprit humain, oui, mais aussi le citoyen moyen qui, par ignorance, désintérêt ou égoïsme, renforce les tendances aujourd’hui dangereuses de l’âge moderne. Homo modernus doit céder la place à Homo post-modernus, plus ouvert, moins violent, rendant la technique moins agressive, la science plus humaniste, l’art plus concerné par la société et les religions moins renfermées sur leurs dogmes. Tous devraient avoir comme première préoccupation de forger une alliance holistique, c’est-à-dire, complète et universelle.
Pouvons-nous influencer notre futur ? Sommes-nous des esclaves de nos gènes ? Quelles sont les formes de futur possibles ? Le système non-linéaire est celui qui cadre le mieux avec nos toutes dernières découvertes mathématiques. Il en découle que ce futur n’est pas prévisible dans le détail, mais que sa tendance générale peut être influencée par un « mutant culturel », l’homme de l’après-modernisme. Dans une période instable de bifurcation, comme celle que nous vivons, le moindre des événements peut prendre une importance immense. Nous pouvons influencer notre futur, mais rien n’est joué d’avance.
Au-delà du libéralisme et du socialisme, tous deux produits de l’âge moderne, il nous faut élaborer une troisième stratégie. Dans ce qu’il appelle une vision de l’an 2020, Ervin Laszlo élabore les actions élémentaires qui lui paraissent nécessaires pour que, du chaos créateur d’une grande bifurcation, émerge une civilisation mondiale, unie et diversifiée, humaine et adaptée à de nouvelles conditions. Il en appelle à tous pour enrichir encore ces prévisions.
L’ouvrage se termine par deux annexes. Dans l’une, l’auteur expose les concepts de base de la théorie des systèmes, nouvelle science qui l’a guidé dans ses réflexions. L’autre, est le contenu d’une entrevue entre Ervin Laszlo et Joseph Schaeffer, parue en 1988 dans la revue Zygon, revue de science et de religion.
L’introduction par Ilya Prigogine, prix Nobel, montre que la science, la philosophie et l’humanité sont à l’aube d’une ère nouvelle, que sous nos yeux s’élabore un nouveau paradigme et que demain sera ce que nous en ferons.
Ervin Laszlo, musicien, philosophe, scientifique, membre du Club de Rome, a travaillé notamment pour l’ONU et l’Unesco. Rédacteur de World Futures, le journal trimestriel du Groupe de recherche sur l’évolution générale et rédacteur en chef de L’encyclopédie de la paix, ouvrage de référence en quatre volumes commémorant l’Année internationale de la paix décidée par les Nations Unies. Il est également membre de l’Académie internationale de philosophie et de science et dirige aujourd’hui l’Académie de Vienne pour l’étude du futur qui applique les idées exprimées dans cet ouvrage.
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