Revue n° 12, 1992
A contre courant, les bahá’ís des Etats-Unis défendent une nouvelle idée de l’unité de la race humaine
Aux niveaux national et local, les communautés bahá’íes ont lancé une série de programmes comme modèle d’intégration raciale WILMETTE, Illinois, Etats-Unis — De plus en plus inquiète de la polarisation de la société américaine sur les problèmes raciaux, la communauté bahá’íe des Etats-Unis a enfourché un nouveau cheval de bataille : la défense d’une nouvelle idée de l’harmonie interraciale.
Cette campagne, qui a derrière elle des années d’activité silencieuse, met en particulier l’accent sur la vraie intégration par rapport à la fréquentation souvent superficielle des blancs et des noirs qui caractérise aujourd’hui la société américaine.
L’objectif est de proposer un modèle d’unité interraciale entre les blancs et les noirs qui s’associeraient librement et volontairement à tous les niveaux, non seulement dans la vie professionnelle et dans les écoles mais aussi dans la prière, les loisirs et les relations personnelles.
« En tant que nation constituée de blancs et de noirs, nous nous sommes tellement polarisés sur les conflits raciaux que nous avons complètement négligé la question à savoir comment atteindre l’unité », dit Robert Henderson, Secrétaire général de l’Assemblée spirituelle nationale, organe directeur des bahá’ís des Etats-Unis. « Comment l’unité se fait-elle ? Comment se maintient elle ? A cet égard, la contribution des bahá’ís est importante. »
Pour défendre cette vision à l’échelle nationale, l’Assemblée spirituelle nationale, dont le siège se trouve dans une banlieue de Chicago, a entrepris une série de projets, à savoir :
* Rédaction et diffusion d’une déclaration de 12 pages intitulée « Vision de l’unité des races : le plus grand défi de l’Amérique ».
* Co-parrainage d’un projet visant à recenser les exemples d’unité entre différents groupes raciaux, ethniques et religieux dans Chicago et ses faubourgs.
* Parrainage d’une série de conférences et réunions sur les relations raciales, notamment d’une conférence sur « la vision de l’unité des races » au Centre Carter d’Atlanta en avril.
Plus récemment, la même Assemblée spirituelle nationale a adressé une lettre ouverte au président des Etats-unis, George Bush. La lettre, publiée dans les grands quotidiens, invitait les institutions publiques et privées, les écoles, les médias, les entreprises et les citoyens à déployer un « effort maximum » pour essayer d’éliminer toutes formes de préjugés, de haine et d’injustice et à œuvrer en faveur de « la paix et l’unité de tous les peuples, les races et les croyances ».
Tout aussi importantes ont été les nombreuses activités des communautés bahá’íes locales en faveur de la promotion de l’égalité des races.
Ces activités sont très diverses : organisation de causeries et de discussions en groupes ou production de pièces de théâtre encourageant les relations interculturelles, organisation de simples pique-niques pour « l’unité des races » dont le but est de permettre le mélange des races dans une ambiance sympathique et détendue, ou, enfin, dialogue approfondi où chacun peut s’exprimer librement au sujet du racisme.
« Au niveau local, les bahá’ís ont pris des centaines d’initiatives », dit M. Henderson. « Ce qui est peut-être plus important, s’agissant de la plupart de ces projets, c’est que les bahá’ís se sont ouverts aux autres, aux groupes d’action sociale, aux églises, aux écoles et aux municipalités. C’est un mouvement qui, sans aucun doute, veut mobiliser l’ensemble de la société américaine en faveur de l’unité des races. »
La plupart de ces activités ont commencé bien avant les émeutes de Los Angeles, en avril. Ces émeutes ont d’ailleurs incité les médias américains à repenser le problème des relations raciales. En fait, la défense de l’unité et des relations harmonieuses entre les races préoccupe tout particulièrement la communauté bahá’íe des Etats-Unis depuis les années 20, date à laquelle elle a organisé à travers le pays une série de conférences sur « l’entente raciale ».
Ces dernières années, cependant, la communauté bahá’íe est devenue plus active tandis qu’en mûrissant elle s’inquiétait de plus en plus des tendances négatives qui se font jour dans la société.
« La situation de l’ensemble de la société s’est détériorée de façon critique », dit M. Henderson. « Les bahá’ís ont senti la nécessité d’affirmer hautement et clairement l’idée d’unité de l’humanité et de défendre leur principe fondamental, celui de l’unité des races. »
Il existe aux Etats-Unis environ 110 000 bahá’ís répartis dans plus de 5 000 localités. 30% environ de la communauté bahá’íe des Etats-Unis sont constitués d’Afro-américains. Elle compte aussi un nombre non-négligeable d’Indiens d’Amérique, d’Asiatiques et d’Hispano-américains, ainsi que plus de 10 000 Iraniens qui ont fui les persécutions religieuses pendant les années 80.
L’intégration raciale au sein de la communauté est relativement bien réussie, tant au niveau de la direction qu’à la base. Depuis 1969, au moins le tiers des individus élus chaque année à l’Assemblée spirituelle nationale bahá’íe appartient à des groupes raciaux ou ethniques minoritaires. La composition des organes directeurs des communautés locales bahá’íes, connues sous le nom d’Assemblées spirituelles locales, reflète aussi la diversité de l’ensemble de la communauté bahá’íe. Ces organes sont également élus chaque année.
Ce degré d’intégration n’est pas passé inaperçu. Après le défilé à la mémoire de Martin Luther King à Atlanta, en 1991, où la présence des bahá’ís était très remarquée, la veuve de Martin Luther King, Coretta Scott King a déclaré : « J’ai observé aujourd’hui que la communauté bahá’íe était très bien représentée aux niveaux national et international. Cette communauté a toujours été multiraciale et je pense que c’est ainsi que Dr. King voudrait nous voir vivre comme des frères et des soeurs. »
Par leur exemple, les bahá’ís souhaitent montrer qu’en Amérique l’unité est possible entre des groupes raciaux et ethniques très divers.
« La communauté bahá’íe a accumulé plus d’un siècle d’expérience en ce qui concerne la création de modèles d’unité qui transcendent la race, la culture, la nationalité, la classe sociale et les différences entre les sexes et les religions ; elle montre à l’évidence que l’humanité dans sa diversité peut vivre sous la forme d’une société mondiale unifiée. » Tels sont les termes de la déclaration prononcée en juin 1991 par l’Assemblée spirituelle nationale dans « Vision de l’unité des races ». « Les bahá’ís considèrent l’unité comme la loi de la vie ; en conséquence, ils perçoivent tous les préjugés comme des maladies qui menacent la vie ».
Les activités des bahá’ís ont attiré l’attention non seulement de ceux qui les approuvent mais aussi de ceux qui sont opposés à l’intégration et à l’unité, telles que les proposent les bahá’ís. A plusieurs reprises, ces dernières années, les rassemblements pour l’unité des races, parrainés par les bahá’ís, ont soulevé des protestations des membres de Ku Klux Klan, organisation qui prône la suprématie de la race blanche et est connue par ses robes blanches à capuchon et ses croix enflammées.
La lutte des communautés bahá’íes pour la reconnaissance de l’unité entre les races repose sur les enseignements les plus élémentaires de la Foi bahá’íe qui proclame l’unité de l’humanité et encourage des actions spécifiques pour la promotion de l’unité des races. Lors des élections, les minorités ont la préférence en cas de ballottage. Enfin, les mariages interraciaux sont non seulement autorisés mais aussi encouragés.
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