Revue n° 12, 1992
L’héritage de Rio : une nouvelle vision globale
Le Sommet de la Terre et le Forum mondial ont tracé un nouveau chemin pour l’humanité. L’accent a été mis sur : l’unité entre les hommes, l’action communautaire, la spiritualité RIO DE JANEIRO — Le Sommet de la Terre et son pendant, le Forum mondial 92, furent sans aucun doute des événements historiques.
Le simple fait que plus de 100 chefs d’Etat se soient rencontrés pour discuter de problèmes aussi vastes et complexes que ceux de l’environnement et du développement marque une étape dans l’histoire de l’humanité. Parallèlement à ce sommet, la réunion de quelque 20 000 représentants d’organisations non gouvernementales (ONG) a aussi été un événement unique, non seulement par le nombre des participants mais par leur diversité.
Des résultats concrets ont été enregistrés. Les délégations gouvernementales à la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement (CNUED), nom officiel donné au Sommet de la Terre, ont approuvé deux grands traités relatifs au réchauffement de la terre et à la préservation de sa diversité biologique.
Les gouvernements ont également adopté les principes d’« Action 21 », plan d’action qui, en 800 pages et 121 chapitres vise à aider la communauté mondiale à entrer dans le 21ème siècle ; ils ont convenu par ailleurs de créer une Commission des Nations Unies pour le développement durable.
Les organisations non gouvernementales présentes au Forum mondial peuvent aussi faire valoir de nombreux résultats. Elles ont réussi à négocier plusieurs propositions de traités et ont adopté une Charte de la Terre – déclaration de principes sur l’environnement et le développement. Les relations intersectorielles et inter frontières entre les différents groupes ont été excellentes et ont jeté les bases d’une collaboration future.
Bien sûr, tout le monde n’est pas d’accord sur l’ampleur de ces résultats. Beaucoup d’observateurs ont eu le sentiment que les gouvernements auraient pu faire plus.
Certains thèmes secondaires importants, à peine soulignés par les médias, se sont cependant dégagés de Rio; ils font apparaître certaines des idées sous-jacentes les plus fortes des deux conférences, par exemple la communauté de destin et l’unité fondamentale de l’humanité.
Warren Lindner, coordonnateur du Forum mondial 92, l’a exprimé succinctement en citant une phrase inscrite sur le « monument pour la paix » inauguré à Rio le dernier jour du Sommet. [Voir article sous le titre «Les contributions bahá’íes à Rio... ... » dans le même numéro]
« Le Forum mondial 92 et le Sommet de la Terre n’étaient pas réellement consacrés à l’environnement et au développement », dit M. Lindner. « Il s’agissait en fait de prouver ce qui est inscrit sur le monument, à savoir que la terre n’est qu’un seul pays et tous les hommes en sont les citoyens. »
Pour beaucoup, ce thème était essentiel pour la mise en œuvre d’un développement durable. « Rio et le Brésil sont devenus des étapes sur le chemin qui mène les hommes vers un monde unique », dit S. E. Ruud F. M. Lubbers Premier ministre des Pays-Bas, dans son discours à l’intention des dirigeants du monde au Sommet de la Terre. « Maintenant que le conflit Est-Ouest est terminé, nous devons consacrer plus vigoureusement encore tous nos efforts aux relations Nord-Sud et à la coopération mondiale dans son ensemble. »
« Considérons le un devoir sacré, car nous savons bien que nous faisons tous partie d’une seule humanité et qu’aucune nation ne peut connaître de paix durable et de bien-être si elle ne se considère pas comme un membre de la famille humaine respectueux de l’intégrité de la création et soucieux de faire régner l’harmonie entre tous », a ajouté M. Lubbers. « En conséquence, de nouvelles formes de coopération et de partenariat s’imposent au niveau mondial. »
Ce thème de l’interdépendance a aussi été évoqué lors des différents entretiens. « Avant la CNUED, nous séparions les secteurs – faune sauvage, forêts, commerce – », dit M. Raymond Kwerepe, délégué du Botswana. « Nous essayons désormais de les intégrer. C’est le village mondial qui nous intéresse – au Sud, au Nord, à l’Est et à l’Ouest. C’est cela le vrai thème de la conférence. »
Un rôle accru pour les ONG
Pendant le Sommet de la terre, les gouvernements ont salué avec respect les compétences et les capacités des organisations non gouvernementales. De nombreuses délégations gouvernementales à la CNUED comprenaient des représentants d’ONG. Plus de 3 000 représentants d’ONG étaient accrédités à la CNUED elle-même sans compter les plus de 20 000 membres qui sont venus au Forum mondial.
« L’une des premières idées qui se dégage de cette conférence est qu’il faut coopérer davantage avec les ONG », dit Mme Lansiri Nana Haidara, membre de la délégation malienne à la CNUED. « Les ONG sont réellement les seules à travailler avec les populations à la base. Et les gouvernements reconnaissent qu’ils doivent coopérer avec elles. »
« Cela pourrait être le point de départ d’un dialogue mondial entre partenaires sociaux plutôt qu’entre bureaucrates internationaux », dit Sir Shridath, président de l’Union internationale pour la conservation de la nature et de ses ressources (UICN).
Une Assemblée spirituelle
D’emblée, les communautés religieuses du monde se sont particulièrement intéressées au processus de la CNUED et les deux conférences de Rio ont montré à de nombreux égards que la dimension spirituelle de la vie ne pouvait être dissociée des problèmes de l’environnement et du développement.
Ce point de vue a été souligné dans de nombreux ateliers et colloques du Forum mondial. Une nuit entière de prière, le 6 juin, date de la Journée mondiale de l’environnement, a été l’une des manifestations les plus fréquentées avec plus de 16 000 participants.
« Ceux qui sont restés toute la nuit ont été réellement touchés par un merveilleux sentiment de coopération et par le mélange des différentes croyances », dit Nancy Moshe, coordinatrice du Comité international de coordination sur la religion et la terre.
Le rôle de la spiritualité dans le changement des attitudes humaines est apparu clairement comme un sous thème important.
« Ce qui s’est passé en dehors du Sommet de la Terre, par exemple au Forum mondial, a été en quelque sorte plus important que le Sommet lui-même, en ce sens que c’est le point de vue spirituel qui a prévalu dans de nombreuses discussions » dit S. E. Narendra Jain, ancien ambassadeur de l’Inde aux Nations Unies et représentant de la Mission internationale Mahavir Jain.
Nombre d’observateurs pensent que le legs le plus durable de la CNUED sera la promotion des valeurs et des attitudes nouvelles promulguées dans le monde non seulement par les médias qui ont couvert les conférences de Rio mais aussi par les représentants des gouvernements et des organisations à leur retour chez eux.
« Le Sommet de la Terre et le Forum mondial représentent visiblement une nouvelle manière de concevoir les problèmes interdépendants de l’environnement et du développement », dit Lawrence Arturo, directeur du Bureau de l’environnement de la Communauté internationale bahá’íe. « Une nouvelle vision globale se dégage de ce processus. La nécessité de l’unité des peuples et des nations du monde a commencé à être examinée par les gouvernements, les ONG et d’autres. Beaucoup la considèrent désormais comme le fondement de la construction d’un avenir durable. En définitive, cette idée se révélera être la plus grande contribution de Rio à la civilisation mondiale. »
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