Revue n° 19, 1994
Au Palais St-Jalles, une plaidoirie pour les arbres du monde
LONDRES — Le palais historique de St-James, depuis longtemps un point de repère au coeur de Londres, semble être un lieu inattendu pour une réunion ayant pour thème les forêts du monde.
Néanmoins, le palais, qui est depuis toujours le siège statuaire des souverains royaux (les ambassadeurs en Grande Bretagne sont toujours accrédités auprès de la cour) est situé en plein milieu du cercle diplomatique de Londres.
Puisque c’est l’homme et ses activités qui menacent le plus les forêts du monde, c’est dans ces cercles que des appels pour la préservation des forêts doivent être faits.
Cette idée a donné naissance à la Réunion de 1994 de la Charte mondiale des forêts. La Réunion voulait non seulement encourager les gouvernements et les décideurs d’aller au-delà des Principes de la forêt, adoptés au Sommet de la Terre de 1992 à Rio de Janeiro, mais aussi aider à faire comprendre l’urgence morale et spirituelle de la tâche de préserver et de protéger les forêts du monde.
La Réunion a eu lieu le 28 juillet au Palais St-James et les deux intervenants principaux étaient S.A.R. le Prince Philip, Duc d’Edimbourgh, président du Fonds mondial pour la nature (WWF) et Mme Mary Rabbani, une figure éminente de la Communauté internationale bahá’íe, qui a toujours été un défenseur ardent de l’environnement.
Dans son intervention, le Duc d’Edimbourgh a demandé l’adoption d’une Convention mondiale des forêts qui aurait force de loi. Il a souligné qu’une telle Convention devrait établir des règles de commerce international et de concurrence sur les produits dérivés du bois, afin de limiter l’exploitation outrancière des forêts du monde.
« La base d’une telle Convention devrait être que les règles de commerce international et de concurrence pour le bois et les produits dérivés du bois doivent être les mêmes pour tout le monde », a dit le Duc d’Edimbourgh. « Les gouvernements ne devraient admettre aucune déviation de leurs règles nationales qui rendrait l’industrie des forêts plus concurrentielle. Il incombe à la communauté internationale de décider comment régler le marché au mieux pour s’assurer qu’il soit équitable pour tous les producteurs. »
Madame Rabbani a demandé que de plus grands efforts soient faits pour apprendre aux enfants et aux jeunes à mieux respecter et protéger la terre. « Ce dont nous avons besoin c’est un plus grand amour pour la planète », a-t-elle dit. « J’espère que nous pourrons tous trouver des moyens d’aider la planète, de préserver notre très précieuse mère la Terre pour les générations futures. »
Une tradition historique
Semblable aux Réunions historiques de la Charte mondiale des forêts organisées dans les années 40, 50 et 60 par le regretté Richard St. Barbe Baker, la Réunion de 1994 a été organisée par la Communauté internationale bahá’íe avec l’aide de la Fondation internationale pour les arbres, le Fonds mondial pour la nature (WWF) et le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE).
Environ 160 ambassadeurs, hommes d’affaires et délégués des organisations non-gouvernementales venus de plus de 30 pays ont assisté à la Réunion de cette année. C’était une réception suivie de divers discours puis d’un déjeuner privé avec le Duc d’Edimbourgh.
Dix-sept gouvernements ont envoyé des messages officiels à la Réunion. Parmi eux se trouvaient huit déclarations provenant des chefs d’États ou des gouvernements eux-mêmes : le
Président de l’Argentine Carlos Menem ; le Président du Brésil Itamar Franco; le Président d’Israël Ezer Weizmann; le Président du Kenya Daniel Arap Moi; le Président de la Roumanie Ion Iliescu ; le Premier ministre du Royaume-Uni John Major; le Président des États-Unis Bill Clinton et le Président du Venezuela Rafael Caldera.
Plusieurs messages ont souligné l’interdépendance essentielle du système écologique du monde et le besoin d’un effort commun pour protéger les forêts.
« Comme pour beaucoup des défis concernant l’environnement, il n’existe plus de frontières lorsqu’il s’agit de protéger et gérer les forêts du monde de façon durable », a dit le Président Clinton dans son message. « Nous réussirons seulement si les gouvernements, les organismes privés et les personnes concernées coopèrent étroitement. »
Les Principes de la forêt comme centre d’attention
Beaucoup de spécialistes de l’environnement ont été déçus quand les gouvernements du monde n’ont pas réussi à négocier une Convention des forêts, qui aurait été applicable par la loi suite au Sommet de la Terre de 1992. Ils ont dû se contenter de l’adoption d’un ensemble non-exécutoire de Principes de la forêt.
Les organisateurs espéraient que la rencontre de représentants des gouvernements, du monde des affaires et des secteurs de l’environnement et de la religion puisse aider à construire les bases d’une telle Convention, et à contribuer aux discussions de la Commission des Nations Unies pour le développement durable, qui reprendra le problème des forêts en 1995.
« Le but de la Réunion était de continuer dans les lignes qui avait été tracées à Rio et de donner une nouvelle impulsion à la question d’un accord exécutoire concernant la forêt pour tous les pays », a affirmé Guilda Walker, mandatée par le Bureau de l’environnement de la Communauté internationale bahá’íe pour l’organisation de la Réunion.
«Notre but était de placer le problème des forêts dans un contexte mondial, pour faire accepter l’idée que les forêts du monde sont l’héritage commun de toute l’humanité, afin de les préserver de façon efficace et de les gérer de façon durable», a souligné Mme Walker. « C’est pour cette raison que nous avons organisé la Réunion sous forme de déjeuner diplomatique.»
Le bien fondé de cette décision fut montré non seulement par l’appel du Duc d’Edimbourgh, mais aussi par les engagements pris par les gouvernements pour donner leur aide et leur soutien.
Le Président Arap Moi a écrit que « le rôle que jouent les forêts dans le bien être de l’humanité prend une envergure plus grande que de fournir simplement les matières premières ... ».
« J e suis sûr que cette réunion aidera à produire une Convention des forêts, avec comme but la préservation et le rétablissement de notre héritage commun: les forêts du monde », a affirmé le Président Arap Moi.
Selon Sir Alexander Stirling, le président de SOS Sahel, une association de diverses organisations de volontaires qui travaille pour promouvoir le développement durable dans les régions du Sahel et de la Corne de l’Afrique, un des rôles-clés de la Réunion était d’obtenir de tels engagements de la part des dirigeants du monde.
« Ce que j’espère c’est que nous pourrons nous fier aux déclarations faites par les dirigeants et qu’ils seront prêts à nous donner une assistance concrète pour, par exemple, la Convention des forêts », a dit Sir Alexander, qui a assisté à la Réunion de 1994.
Il y a cinq ans, les Réunions ont été reprises par la Communauté internationale bahá’íe en collaboration avec l’exécuteur littéraire de Richard St. Barbe Baker, Hugh Locke, pour commémorer le centième anniversaire de sa naissance. Cette Réunion a rassemblé les diplomates de Londres, des spécialistes de la forêt et des représentants des ONG ; son thème central était le Plan d’action en faveur des forêts tropicales.
Pour celle de 1994, selon Mme Walker, l’appui du Duc d’Edimbourgh a été sollicité en novembre 1993. « Il a été enthousiasmé à l’idée d’aller au-delà des Principes de la forêt. »
La Fondation internationale de l’arbre, qui est le successeur de l’organisation « Men of the Trees », fondée par M. Baker, a donné son appui dès le début.
« En mettant en contact des personnes d’influence, de tels événements deviennent un lieu idéal pour sensibiliser l’opinion aux problèmes de l’environnement et pour construire sur les bases du travail pionnier de notre fondateur, Richard St. Barbe Baker», a souligné John Caunce, directeur de la Fondation.
Une convergence des intérêts
Selon M. Cimarra, l’un des cadres de la compagnie pétrolière TAMOIL qui a parrainé la Réunion : « L’humanité doit comprendre que sa façon de vivre et les moyens qu’elle emploie pour maintenir ce style de vie ne sont plus possibles dans leur forme actuelle. Si nous voulons éviter d’être jugés coupables des dommages irrémédiables que nos actes et/ou nos négligences ont infligé à la nature en général et aux forêts en particulier, nous devrions agir immédiatement pour renverser le cours actuel des événements. »
Kerry Brown, le conseiller religieux auprès de WWF International, a trouvé que la Réunion était de grande portée parce qu’elle a mis en contact des personnalités des secteurs de l’aristocratie, du monde des affaires, du domaine de l’environnement et de la religion.
« Comme il a été dit maintes fois, la crise de l’environnement est en vérité une crise humaine », a affirmé Mme Brown, l’une des invités à la Réunion. « Et cela veut dire qu’elle est en premier lieu une crise de valeurs spirituelles et éthiques.
« Nous devons trouver un moyen de se réunir en tant qu’êtres humains, et engager le dialogue. »
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