Revue n° 19, 1994
A la Barbade des petites îles prennent des grandes dimensions
BRIDGETOWN, Barbade — L’Espoir et l’Horreur, deux marionnettes hautes de 6 mètres, étaient en train de parler de la défense de l’environnement à l’entrée du Village de l’Espoir, un parc d’exposition construit avec le concours des organisations non-gouvernementales (ONG), pour la Conférence des Nations Unies sur le développement durable des îles indépendantes en voie de développement, qui a eu lieu à Bridgetown du 25 avril au 6 mai.
L’Espoir, faite de tissu ondulé avec grâce et de matériaux naturels trouvés sur la plage, représentait ce qu’il y a de mieux dans la nature et l’esprit humain. Elle était en train patiemment d’instruire l’Horreur, qui était fabriquée de pièces détachées d’automobile, d’un téléviseur cassé et d’autres détritus. Elle représentait la cupidité, la méfiance et l’égoïsme.
« Tu n’as jamais entendu parler de réduit, recyclé et réutilisé ? » a demandé l’Espoir. « Tu pourrais diminuer la quantité d’eaux que tu utilises, réduire tes voyages en voiture et réparer tes affaires pour ne pas les jeter et en acheter d’autres. »
« C’est vrai, mais mon voisin ne le fait pas, donc moi je ne peux pas le faire non plus », a répondu l’Horreur. « Il utiliserait ce que j’aurais essayé d’économiser. J’ai intérêt de l’avoir avant lui. »
Bien qu’elle soit un peu simpliste, cette conversation, tirée d’un sketch qui démontre comment harmoniser la conservation de l’environnement avec la concurrence du marché, montre bien le genre de problèmes auxquels les participants de cette Conférence doivent faire face. La rencontre a été organisée pour examiner les vulnérabilités des îles indépendantes en voie de développement et des régions côtières à basse altitude, revoir de près les tendances actuelles de leur développement social et économique, et recommander un programme d’action pour leur développement durable.
Les résultats de la Conférence furent:
• L’adoption de la Déclaration de la Barbade, un document en deux parties qui parle de la condition et des problèmes des îles indépendantes en voie de développement ; reconnaît leur vulnérabilité face aux désastres naturels, la pollution et les effets de changement climatique; il recommande la mise en oeuvre de pro¬grammes de développement de ressources humaines, d’assistance technique, de mécanismes de partage d’informations et une plus grande aide de la part de la communauté internationale.
• La création d’un Programme d’action qui définit à peu près 14 problèmes auxquels les petites îles et les régions côtières à basse altitude doivent faire face et qui fait des recommandations précises sur les actions à entreprendre aux niveaux régional, national et international.
• Le renforcement de l’Alliance des petits états insulaires (AOSIS), un groupe de 36 membres et 5 observateurs, qui a le potentiel de devenir un interlocuteur fiable pour les négociations au sein du système des Nations Unies.
• Un degré de coopération relativement nouveau entre les gouvernements et les ONG. Ces dernières sont à l’origine du fait que l’aspect humain du développement durable n’a été jamais négligé.
Mandaté par l’Agenda 21
Les représentants de 111 gouvernements, plus de 90 ONG, des représentants de diverses agences des Nations Unies, des organisations intergouvernementales et les média ont assisté à la Conférence, qui a été mandatée par l’Agenda 21, plan d’action adopté lors du Sommet de la Terre de Rio de Janeiro, Brésil.
« Nous pensons que c’est le premier effort des Nations Unies pour mettre en oeuvre l’Agenda 21 », a dit Marina Lent, responsable du programme pour le Service de liaison non-gouvernementale des Nations Unies: « C’est un exemple où elles ont amené le développement durable à un niveau plus haut en prenant un cas spécifique – les îles indépendantes en voie de développement – et en précisant ce qu’il faut faire. »
Comme c’est presque toujours le cas à de telles conférences internationales, le problème des finances était un des plus difficiles à résoudre. Néanmoins, les dernières lignes du Programme d’action disent que pour sa mise en oeuvre il faudra « des ressources financières adéquates, prévisibles et nouvelles en accord avec le Chapitre 33 de l’Agenda 21 », et il recommande une utilisation plus efficace des ressources déjà existantes.
« Si vous prenez en compte la récession mondiale, il y avait une certaine réticence, de la part des pays donateurs, à contribuer plus d’argent », a souligné Lelei Lelaulu, un coordinateur de la conférence. « Mais à la Barbade, le succès a été remarquable. Les pays se sont tous mis d’accord pour trouver de nouvelles sources de financement qui seront régulières. Beaucoup d’observateurs pensaient que très peu de choses sortiraient de cette conférence, mais le fait qu’ils aient pu prendre cet engagement est significatif. »
Le Programme d’action reconnaît l’ampleur des conséquences pour des îles indépendantes en voie de développement, de problèmes tels que le changement climatique, l’augmentation du niveau de la mer, les désastres naturels, et les déchets toxiques. Certaines recommandations portaient sur la formation, le développement de technologies appropriées, des capacités et des talents des citoyens. Le Programme a aussi comme but de sauvegarder les ressources naturelles, d’encourager l’utilisation de sources renouvelables d’énergie, de dresser un plan de développement durable pour le tourisme et de souligner l’importance de la biodiversité.
Un résultat inattendu, mais d’une grande importance pour les participants, était le renforcement de l’Alliance des petits états insulaires (AOSIS). Constituée à l’origine pour s’occuper d’une seule question, source de beaucoup d’inquiétude pour toutes les petites îles -les conséquences du changement climatique et l’augmentation du niveau de la mer – l’Alliance a évolué pendant les neuf mois des préparatifs pour la Conférence, pour devenir un interlocuteur fiable pour les négociations au sein du système de l’ONU défendant les intérêts des îles indépendantes de régions lointaines.
« Ils sont tous d’accord sur le fait que leur développement devra être durable », a dit M. Lelaulu. « C’est exactement ce que le Sommet de la Terre souhaitait pour toutes les régions de la planète. En faisant un petit pas, nous assurons le succès à long terme. »
La Conférence a bien mis en évidence les problèmes auxquels les îles indépendantes et les régions côtières à basse altitude doivent faire face, tels que l’augmentation du niveau de la mer, les désastres naturels, la destruction des récifs de corail et des forêts tropicales ainsi que le traitement des déchets toxiques transportés par des navires de passage. Mais, selon les participants, le fait le plus important est que ces questions ont été vues, dans un contexte plus large, comme des défis économiques et environnementaux, microcosme de la situation mondiale. Beaucoup de personnes ont remarqué que les solutions trouvées à ce niveau pourraient contribuer à résoudre les problèmes à l’échelle mondiale.
« Les petites îles souffrent des problèmes écologiques dont elles ne sont pas responsables, tels que le changement climatique et l’augmentation du niveau de l’océan », a affirmé Mme Lent du NGLS. « Il serait extrêmement coûteux pour elles de résoudre ces problèmes seules. Elles subissent les conséquences de quelque chose dont elles ne sont absolument pas responsables. Ceci était un test pour voir comment fonctionne la communauté internationale. C’est une chose de se mettre d’accord pour un programme d’action; c’en est une autre de le mettre en pratique. »
Un rôle-clé pour les ONG
Bien que certains participants aient exprimé quelques réserves, d’autres ont été encouragés par la démarche et par le rôle joué par les ONG. « Pour la première fois, à un niveau international, les problèmes de petites îles ont été pris en considération, non seulement par les gouvernements mais aussi par la communauté non-gouvernementale », a souligné le Dr. Waldaba Stewartdu Mouvement pan africain, qui présidait la délégation de la diaspora du sud et qui a participé à la rédaction du Plan d’action. « Pour beaucoup de choses, les gouvernements et les ONG ont tendance à ne pas collaborer. Ils ont l’habitude de penser ‘ceci est mon domaine, ceci est le vôtre’. La Conférence de la Barbade a démontré que la participation des ONG pouvait être significative et constructive. »
Les organisations non-gouvernementales ont aussi crée deux parcs d’exposition, SusTech ‘94 et le Village de l’Espoir, où étaient exposées des technologies appropriées et des oeuvres artistiques. Une conférence parallèle, le Forum des ONG des îles ‘94 comprenait des sessions plénières pour les ONG, des briefings avec des représentants de gouvernements et des agences de l’ONU et des ateliers sur des sujets tels que le colonialisme, le militarisme, la gestion des ressources naturelles, et les aspects culturels, religieux et spirituels du développement durable. Les marionnettes l’Espoir et l’Horreur ont été offertes par la Communauté bahá’íe de l’Ile de Barbade.
Joseph Dolphin, un des représentants de la Communauté internationale bahá’íe auprès de la section gouvernementale de la Conférence a dit que le succès majeur de la réunion était qu’elle a rassemblé des personnes venant des îles du monde entier - des Seychelles au Japon - et elle leur a permis de voir que leurs problèmes étaient semblables.
« Un des bienfaits de la Conférence était de partager cette expérience d’inquiétude », a ajouté M. Dolphin. « Malgré la diversité des cultures, les problèmes restent plus ou moins les mêmes. »
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