Revue n° 19, 1994
La vision mondiale de Richard St. Barbe Baker
L’un des plus visionnaires des premiers écologistes, Richard St Barbe Baker a parcouru le monde à partir de la fin des années 20 jusqu’au début des années 80. Il a mis en garde les hommes contre les dangers de détruire la forêt tropicale, de raser les forêts et de consommer de façon excessive les ressources naturelles de notre planète.
Expert des forêts, défenseur de l’environnement et auteur renommé, sa vision de la planète comme organisme vivant a anticipé la théorie moderne de Gaia. Son aptitude à impliquer les habitants des villes et des villages dans la protection de l’environnement laissait prévoir nos théories modernes sur le développement durable.
Au Kenya au début des années 20, par exemple, M. Baker a convaincu des milliers de Kikuyu d’aider à protéger l’environnement en plantant des arbres. Leur organisation fut connue plus tard sous le nom de « Men of the Trees » (Hommes des Arbres). Son succès était fondé, en partie, sur sa compréhension des traditions et des croyances comme pouvant servir de base pour soutenir une telle cause.
Parmi ses legs figure la création de la Réunion de la Charte des forêts du monde, qui fut l’une des premières réunions internationales à avoir une vue mondiale de l’écosystème de la planète.
La première Réunion a eu lieu en 1945, suivie par d’autres à intervalles réguliers pendant les années 50 et 60. Comme leur prestige et leur renommée ne faisaient que croître, les Réunions ont été à l’origine de plusieurs exemples de coopération mondiale, y compris la proclamation internationale d’un Front vert contre le désert et l’appui de la Première expédition universitaire dans le Sahara.
Dans les années 70, le sentiment général était que les Réunions de la Charte avaient été remplacées par d’autres conférences et réunions internationales sur l’environnement de nature plus formelle. Les Réunions, par conséquent, furent interrompues.
Néanmoins, comme l’ont amplement démontré les développements à travers le monde, les différents pays n’ont pas encore suivi l’appel de M. Baker pour protéger et préserver nos forêts, qu’il a appelées « la peau de la terre ». En 1989, pour commémorer le 100ème anniversaire de la naissance de Richard St. Barbe Baker, la Communauté internationale bahá’íe a décidé de réinstaurer la Réunion de la Charte. Celle de 1994 semblait toujours être d’actualité.
M. Baker pensait que les arbres et les forêts étaient une ressource internationale vitale. Il croyait que tous les efforts pour les protéger et les replanter fournissaient des moyens considérables d’avancement social et de développement économique.
« Le reboisement mondial est vital parce que c’est la plus constructive et la plus pacifique des entreprises que peuvent entreprendre les nations », a écrit M. Baker en 1949, parlant de l’importance des Réunions. « Cela aiderait à freiner et à renverser l’avancée des déserts sur les terres fertiles du monde, en réduisant ainsi la pénurie de nourriture. »
Les opinions de M. Baker concernant le rôle que les croyances spirituelles doivent jouer pour donner une motivation de base aux efforts de conservation, étaient assez nouvelles pour l’époque. Membre de la Foi bahá’íe, il fut guidé par ses enseignements concernant l’unité du genre humain et, par conséquent, il apporta un esprit de conscience mondiale à tout projet qu’il entreprit.
Le thème de la Réunion de la Charte de cette année fut les « Principes de la forêt », qui furent adoptés, avec le plan de gestion des forêts de l’Agenda 21, par les gouvernements du monde au Sommet de la Terre de 1992 à Rio de Janeiro. Nombre d’idées promulguées par M. Baker tout au long de sa vie, dans ses écrits, dans ses conférences et aux Réunions de la Charte des forêts du monde, sont à l’origine de ces principes.
Les « Principes de la forêt » reconnaissent la nécessité de protéger les forêts du monde pour « satisfaire les besoins sociaux, économiques, écologiques, culturels et spirituels des hommes, des générations actuelles et futures ... ».
Ils parlent aussi de l’importance de l’engagement des populations dans « le développement, la réalisation et l’élaboration de la politique nationale concernant les forêts ».
Ils reconnaissent que « tout type de forêt comprend des processus écologiques complexes et uniques qui sont à la base de leur capacité présente et potentielle de produire suffisamment de ressources pour satisfaire les besoins humains et les valeurs liées à l’environnement ... ».
Malgré cela, beaucoup ont été déçus du fait que la communauté internationale ait été incapable de produire une Convention des forêts d’une plus grande portée. Les conférenciers à la Réunion de cette année ont essayé de traiter ce problème. S.A.R. le Prince Philip, Duc d’Edimbourgh, en particulier, a lancé un appel urgent pour l’adoption d’une telle Convention.
L’objectif de la Réunion de 1994 de la Charte des forêts du monde était aussi de susciter un sentiment d’urgence morale et spirituelle parmi les nations dans leur mise en pratique des Principes’ de la forêt et le Plan de gestion de la forêt de l’Agenda 21. Elle voulait aussi cheminer vers une Convention et même au-delà.
Il y a environ quarante ans, quand Richard St. Barbe Baker a inauguré les Réunions de la Charte des forêts du monde, il a demandé aux diplomates du Palais St. James non seulement de faire un rapport sur l’état des forêts dans leurs pays, mais aussi de faire des suggestions sur les moyens de coopérer, en tant que citoyens du monde, pour préserver, rétablir et gérer cet héritage commun. A l’époque, cette idée était tout à fait nouvelle.
Aujourd’hui, dans un monde qui devient de plus en plus interdépendant, une gestion durable des forêts de la terre est indissociable d’un éventail de solutions mondiales – y compris l’établissement d’une justice sociale et économique dans tous les pays du monde, l’égalité des sexes, le concept d’un gouvernement démocratique à l’échelle mondiale et le droit international.
S’il est intégré au sein d’une politique internationale et dans des plans de développement durable, ce concept de responsabilité planétaire et de citoyenneté mondiale défini par Bahá’u’lláh il y a plus d’un siècle, et que M. Baker a, plus tard, appliqué à la question des forêts, peut devenir la base d’une nouvelle éthique mondiale dans ce domaine.
Pendant que les écologistes réfléchissent sur les meilleurs moyens de susciter des changements d’attitude et d’activités que nécessite la création d’une civilisation humaine durable, le travail de Richard St. Barbe Baker – plus spécifiquement ses idées sur le fait qu’une croyance religieuse peut être une vraie motivation pour la conservation de l’environnement – sera de plus en plus reconnu.
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