Revue n° 22, 1995
La Conférence de Beijing approuve un « Programme d’action pour renforcer la responsabilisation des femmes »
BEJING — Reconnaissant que l’égalité des droits des femmes et des hommes est un préalable essentiel de l’édification d’un « monde pacifique, juste, humain et équitable, » des représentants de 189 nations présents à la Quatrième Conférence mondiale sur les femmes, ont adopté une Déclaration générale et un Programme d’action visant à lancer une campagne mondiale afin de faire participer les femmes pleinement, et sur un pied d’égalité, au développement dans tous les domaines de la vie publique et privée.
«Le Programme d’action vise à renforcer la responsabilisation de la femme » lit-on à la première ligne du document principal de la conférence. « Il affirme le principe du partage des pouvoirs et des responsabilités entre femmes et hommes dans les foyers, sur les lieux de travail et, plus largement, au sein des communautés nationales et internationales. L’égalité entre femmes et hommes relève des droits de l’homme et est l’une des conditions de la justice sociale; c’est aussi un préalable nécessaire et fondamental de l’égalité, du développement et de la paix. »
Tenue du 4 au 15 septembre, la Conférence a été la plus importante réunion internationale jamais organisée sous les auspices de l’Organisation des Nations Unies. Elle a accueilli près de 17 000 personnes. Son objectif était de faire le bilan de la question de la femme depuis la troisième Conférence mondiale sur les femmes tenue à Nairobi en 1985 qui avait adopté les « Stratégies prospectives d’action pour l’avancement des femmes, » et d’arrêter des actions prioritaires pour les cinq années à venir.
A cet égard, il a été reconnu à l’unanimité que la version finale du Programme d’action représentait en effet un progrès dans la mise au jour des questions les plus préoccupantes pour les femmes du monde entier et l’établissement de priorités nouvelles ainsi qu’un consensus pour promouvoir leur avancement.
« Chers frères et sœurs, nous avons gagné ! » s’est écriée Gertrude Mongella, Secrétaire générale de la Conférence dans son allocution de clôture, le 15 septembre. « Nous avons réussi à dépasser les complexités de l’histoire et des cultures; nous avons gommé les disparités et diversités socio-économiques; nous avons maintenu avec force notre vision commune et notre objectif dans les domaines de l’égalité, du développement et de la paix. Dans bon nombre de domaines, nous avons considérablement élargi les horizons des conférences précédentes. »
Le Programme d’action a défini 12 problèmes préoccupants: la pauvreté, l’éducation, la santé, la violence à l’encontre des femmes, les conflits armés, les structures économiques, le partage du pouvoir et la prise de décisions, les mécanismes permettant l’avancement de la femme, les droits de l’homme, les médias, l’environnement et les petites filles.
Sujets tabous à l’ordre du jour
S’agissant de certains de ces points, le Programme d’action examine des questions jusqu’ici évitées - dans les conférences internationales tout au moins comme l’exploitation domestique et sexuelle, la procréation forcée et le rôle des images dégradantes et pornographiques dans le déclenchement de la violence à l’encontre des femmes. Ces questions, comme d’autres questions relevant des droits de l’homme, de la santé génésique et de l’orientation sexuelle, ont souvent été très controversées avant et pendant la conférence.
Les gouvernements ont cependant fini par s’entendre sur toutes ces questions et suscité ce que nombre d’observateurs espèrent être un nouvel élan international pour examiner non seulement ces sujets mais aussi celui de l’égalité et des droits de la femme en général.
« Le fait que près de 189 gouvernements aient accepté, après bien des désaccords et un débat approfondi, de présenter un tel document et d’établir un programme d’action mondial en faveur du renforcement de la responsabilisation de la femme, doit être considéré comme historique, » dit Mary Power, directrice du Bureau de la Communauté internationale pour l’avancement de la femme.
Nombre des mesures présentées dans le Programme d’action visent à faire accéder les femmes à des postes de responsabilité et d’influence, dont elles ont été largement exclues à ce jour. Il est noté par exemple que les femmes ne représentent que 10% de tous les législateurs élus du monde.
Pour corriger ce déséquilibre, le Programme d’action enjoint les gouvernements de « s’engager à fixer l’objectif d’un nombre égal d’hommes et de femmes dans les organes et commissions gouvernementaux, ainsi que dans les entités d’ administration publique et dans les services judiciaires, notamment fixer des objectifs précis et mettre en œuvre des mesures visant à augmenter substantiellement le nombre des femmes afin de réaliser l’égalité de la représentation des femmes et des hommes à tous les postes gouvernementaux et de l’administration publique, au besoin par l’action positive ».
Participation massive des ONG
Tant pendant la conférence elle-même que dans les recommandations du Programme d’action, le rôle des organisations non-gouvernementales (ONG) a été plus que jamais souligné. Les ONG ont joué un rôle déterminant en poussant les gouvernements à prendre des engagements précis et en suggérant que les documents finaux tiennent compte des compromis; ces documents considèrent également les ONG comme des acteurs décisifs de la mise en œuvre des recommandations.
La Déclaration de la conférence, sorte de préambule du Programme d’action, affirme que « la participation et la contribution de tous les acteurs de la société civile, en particulier des groupes et réseaux de femmes et d’autres organisations non-gouvernementales et communautaires, qui, agissant à la fois en pleine autonomie et en coopération avec les gouvernements, sont importantes pour mettre en œuvre et suivre effectivement le Programme d’action ».
Pendant la Conférence elle-même, et pour répondre à une suggestion faite au début de l’année par le gouvernement australien, les ONG ont commencé à enregistrer les promesses ou “engagements” des délégations gouvernementales dans les discours prononcés en séance plénière. Un bureau des “engagements” a été installé dans une allée centrale et chaque promesse des gouvernements a été affichée. Ces engagements hors programme enregistrés par les 0 N G vont d’une promesse de la Côte d’Ivoire d’inscrire 100% de filles dans les écoles d’ici l’an 2 000 à celle de l’Inde de porter à 6% du PIB (Produit Intérieur Brut) les investissements dans l’éducation en mettant l’accent sur les femmes et les filles et de créer une commission des droits de la femme.
« Les ONG jouent un rôle prépondérant et influent dans cette conférence, » dit Christabel Motsa, membre de la délégation gouvernementale du Swaziland. « Les gouvernements ont besoin d’être stimulés par des gens proches du peuple et le fait qu’ils commencent à écouter attentivement les ONG est un pas positif. »
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