Revue n° 5, 1990
Dans sa nouvelle conception, le poêle traditionnel « jiko » offre une solution au problème du déboisement en Afrique orientale.
MOMBASA, Kenya — A Mombasa comme dans les autres grandes villes du Kenya, chaque foyer ou presque est équipé d’un simple brasier, le jiko, qui fonctionne au charbon de bois. Même dans les maisons dotées de poêles électriques ou à gaz, le jiko garde sa place, et les autres appareils bien plus onéreux demeurent souvent inutilisés. Les kenyans disent que la nourriture cuite sur un jiko a meilleur goût, sans compter la délicieuse saveur fumée de la viande et des légumes cuisant sur le charbon brûlant.
Malheureusement cette tradition, si elle n’est pas maîtrisée, va dénuder les forêts du Kenya. Le combustible ligneux – charbon de bois et bois de chauffage – représente environ 75 % des besoins énergétiques de base du Kenya; c’est là une donnée statistique qui a peu de chance de se modifier sensiblement dans l’avenir, étant donné le coût de l’importation de combustibles fossiles. Or, une grande part du charbon de bois qui rentre dans cette équation est utilisée comme combustible dans les jikos.
Une association de groupements écologiques kenyans, connue sous le nom d’ « Organisations écologiques non gouvernementales du Kenya » (KENGO), a lancé un programme national visant à remplacer le jiko traditionnel par un modèle rénové, consommant peu d’énergie. Bien que les jikos perfectionnés soient plus onéreux, ils permettent à la ration journalière de charbon de bois de durer deux fois plus longtemps. La chaleur étant concentrée au-dessous de la casserole, la nourriture cuit deux fois plus vite, et l’on réalise ainsi une économie de temps et de combustible.
Depuis quelques années, la communauté bahá’íe de Mombasa participe à ce programme. « KENGO incite la population à utiliser le nouveau modèle de jiko et c’est ainsi que nous avons commencé à le fabriquer dans le cadre d’un effort communautaire », dit Vincent Wanjara, coordinateur bahá’í du projet jiko. « Ils ont invité les bahá’ís à participer à ce projet, et cela a été une expérience enrichissante pour nous. »
« Bien qu’il s’agisse d’un projet à petite échelle réalisé depuis une arrière-salle du centre bahá’í de Mombasa, le projet jiko bahá’í illustre cependant bien le genre d’initiative adopté par des communautés locales bahá’íes pour s’attaquer aux problèmes de l’environnement et du développement », déclare M. Lawrence Arturo, directeur du Bureau de l’environnement récemment créé par la Communauté internationale bahá’íe.
« C’est le genre d’activité que nous encourageons », ajoute-t-il. « Même s’il s’agit d’un petit projet à Mombasa, il est né d’une véritable préoccupation quant aux problèmes auxquels est confronté le Kenya. »
Cet état d’esprit a impressionné bien des kenyans. « Lorsque je pense aux bahá’ís, ce n’est pas la dimension de leurs entreprises qui compte, mais l’impact qu’ils exercent », dit M. Jimoh Omo-Fadakah, directeur général du Réseau africain d’ONG écologiques (ANEN). « Sans exagérer, ils constituent l’un des principaux groupes ici. »
Selon M. Omo-Fadakah, même les projets de développement les plus modestes, tels que l’initiative bahá’íe pour la fabrication des nouveaux poêles jiko, contribuent non seulement au mouvement écologique, mais aussi à la cause de la paix. « La paix est la condition préalable à toute sorte de développement humain », dit-il. « La paix peut être trouvée au sein de toutes les communautés locales et, dans la manière dont les individus communiquent entre eux. »
« Ceci me semble être l’essence même de la philosophie bahá’íe, et il se trouve que je suis d’accord avec cette idée : éveiller la population à l’importance de la paix, et au fait qu’il est essentiel d’agir de la manière qui lui est propre, dans les communautés locales, et sans hostilité envers quiconque », ajoute M. Omo Fadakah.
Il estime que les nouveaux jikos apportent l’une des solutions au problème de l’énergie, car ils sont plus efficaces en terme de consommation de combustible. « En utilisant le jiko et du charbon de bois, l’on peut conserver un plus grand nombre d’arbres que si on en abattait continuellement pour alimenter les anciens poêles inefficaces. »
La communauté bahá’íe de Mombasa a appris la fabrication des nouveaux jikos grâce à des cours de formation dispensés à l’Institut de formation des agriculteurs, dépendant du gouvernement local qui participe au programme élaboré par KENGO pour les groupements et organisations locaux.
Caroline Jeza, membre de l’Assemblée spirituelle locale de Mombasa, le conseil administratif de neuf membres de la communauté bahá’íe, utilise un jiko consommant peu d’énergie pour sa cuisine journalière. « Il conserve la chaleur et, ainsi, on consomme beaucoup moins de charbon de bois. L’utilisation et la fabrication de jikos nous fournissent un moyen de contribuer à la fois à l’économie nationale et à la protection de l’environnement. »
Les nouveaux jikos possèdent plusieurs caractéristiques qui les rendent plus efficaces. Tout d’abord, ils ont un revêtement en vermiculite ou en argile et environ 2,5 cm de ciment au fond, sur lequel est allumé le feu sous le charbon de bois, afin de conserver la chaleur.
Chaque jiko est également équipé d’une petite porte latérale avec loquet, où est introduit le papier destiné à faire prendre le feu. Cette porte bloque la chaleur à l’intérieur du poêle.
En outre, le nouveau modèle dure plus longtemps. Les anciens poêles sont rapidement rongés par l’action corrosive de la cendre et les hautes températures; il faut les remplacer tous les six mois, alors que le nouveau jiko peut durer jusqu’à quatre ans.
Mme Sara Tesha, qui travaille à plein temps pour une compagnie locale de services publics et s’occupe en outre de sa famille nombreuse, est très satisfaite de son nouveau poêle, non seulement parce qu’il permet d’économiser de l’énergie, mais aussi parce qu’il est pratique. « Au lieu d’avoir à le remplir de charbon de bois trois fois de suite, je ne le remplis qu’une fois pour cuire un repas entier », dit Mme Tesha. « Mon nouveau jiko m’a facilité la vie car, à présent, je consomme moins de charbon de bois. »
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