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Revue n° 20, 1995

Au Panama, des Indiens Guayamis tracent un nouveau chemin

En dépit des fortes pressions venant de « l’extérieur » , un peuple isolé découvre des ressources spirituelles qui l’aide à maintenir son identité et à progresser.

SOLOY, Province de Chiriqui, Panama — Comme c’était le cas avec beaucoup de peuples indigènes, l’influence de la société « extérieure » sur les Guayamis a été inévitable et presque toujours négatif.

Vaguement liés par une langue commune et diffusément établis dans la rude chaîne des Cordillères centrales dans l’ouest du Panama, les Guayamis vivent en marge de la société panaméenne. Ils ont toujours été parmi les peuples les plus démunis.

Pendant des années, leurs terres ont été peu à peu absorbées par les « Latinos » (c’est ainsi que les Guayamis appellent les panaméens d’origine espagnole) à la recherche de terres à cultiver et de pâturages. Repoussés de plus en plus loin dans les terres hautes isolées et moins productives, les quelque 80 000 Guayamis ont du mal à vivre avec les techniques agricoles rudimentaires qu’ils utilisent depuis des siècles.

Pour survivre, les familles envoyaient leurs jeunes garçons dans les grandes exploitations de banane et de café pour travailler pendant quelques mois de l’année. Mais ceci a coûté très cher à leur communauté et à leur structure familiale.

Très vulnérables à l’exploitation à cause de leur manque de connaissances de la langue et de la culture espagnole, les Guayamis ont souvent été obligés de travailler dans des conditions dangereuses pour des salaires très bas. Et les longues séparations de leurs familles ont ouvert la porte à l’abus d’alcool et à une perte d’identité culturelle.

Certains Guayamis sont devenus plus méfiants envers les étrangers, malgré le risque d’encourir un niveau de vie plus bas. D’autres ont adopté les us et coutumes des Latinos et ils ont essayé de s’adapter au monde de l’extérieur, malgré le fait que ces derniers les éloignent encore plus de leurs origines.

Puis il y a les Guayamis bahá’ís qui se sont lancés sur un chemin audacieux qui semble leur permettre de préserver des éléments de cette culture dont ils sont si fiers et de leur donner les moyens de prendre en main leur propre destin.

Pendant les dernières 30 années, quelque 8 000 Guayamis sont devenus membres de la Foi bahá’íe, attirés, selon certains, par le fait que leurs prophéties annoncent une nouvelle religion de l’unité et que c’est le message de base de la Foi bahá’íe. Ainsi, les bahá’ís guayamis ont construit une communauté de caractère particulier à l’intérieur d’une plus grande communauté, qui renforce sa propre culture et en même temps qui apporte des principes « progressistes » tels que l’égalité des hommes et des femmes, la tolérance raciale et ethnique et l’éducation universelle.

« Entre nous, nous sommes accueillants et nous passons beaucoup de temps en société », a dit Tahireh Sanchez, une jeune Guayami de 23 ans dont les parents étaient parmi les premiers Guayamis à devenir bahá’ís. « Avec les personnes de l’extérieur, nous avons très peur de leur parler et de tisser des liens. Mais dans ma famille on m’a appris à être sociable et à traiter tout le monde de façon égale. Ceci m’a permis de devenir amie avec tous. Je fais ceci parce que je pense que les femmes sont égales aux hommes – et aussi que les Indiens sont égaux. »

Ce processus de construire une communauté, accompli avec très peu d’aide de l’extérieur, est un cas assez extraordinaire de développement social avec une participation universelle.

Les fruits de cet effort – qui est encore trop récent pour être évalué complètement – peuvent se voir dans le réseau d’écoles de travaux pratiques que les bahá’ís guayamis ont établi dans plus de 11 villages.

Il est évident que ces écoles ont eu une influence sur toute la communauté. Elles ont non seulement augmenté le nombre de personnes sachant lire et écrire, mais leur programme moral a aidé à donner à toute une génération une appréciation de sa propre culture ainsi qu’un moyen d’évaluer ce qui est bon et ce qui est mauvais dans le monde extérieur.

D’autres aspects de ce processus communautaire de développement peuvent être aperçus dans la série de projets sous le patronage du Centre culturel Guayami, à Soloy. Ce Centre culturel, construit par les Guayamis eux-mêmes avec des matériaux et des conseils techniques provenant des communautés bahá’íes nationales et internationales, sert de centre régional de conférences et de formation pour les Guayamis. Il sert non seulement d’élément crucial d’appui mais il offre aussi la possibilité de lancer d’autres projets communautaires.

Géré par un comité composé de bahá’ís guayamis et latinos, le Centre culturel a mis sur pied un certain nombre de projets dont un plan d’études de nouvelles techniques agricoles, un forum pour créer et pour encourager de nouvelles capacités de « leadership » parmi les jeunes Guayamis et le parrainage de festivals culturels et folkloriques. Le Centre s’est aussi associé avec Radio bahá’íe Panama, un projet radiophonique communautaire qui a eu un grand impact sur la sauvegarde de la culture et de la langue Guayami.

Les Ecoles de travaux pratiques

Des écoles de travaux pratiques ont été établies par les bahá’ís guayamis, qui se sont rendus compte que leur communauté pourrait progresser et gérer ses affaires uniquement à travers une instruction solide.

Ruth Pringle était une des premières bahá’íes à parler de sa foi aux Guayamis. Pendant un entretien récent, elle a raconté comment deux frères, Luis Cuevas et Cirilo Sanchez, ont ouvert les premières écoles de travaux pratiques après sa visite et celle de son mari en 1961, quand ils leur ont laissé quelques livres de base pour apprendre à lire et quelques livres de travaux pratiques.

« Après un an et demi environ, nous avons revu Luis et il nous a annoncé qu’il avait établi une école dans sa communauté pour que les enfants puissent apprendre à lire et à écrire et pour qu’ils n’aient jamais à faire face à la situation humiliante qu’il a vécue parce qu’il ne savait ni lire ni écrire », relate Mme Pringle, qui vit maintenant à Costa Rica. « C’était la première école de travaux pratiques de la région et elle a été une source d’inspiration pour les autres communautés pendant des années. Donc les Guayamis ont commencé très tôt à s’occuper de leurs propres problèmes. »

Cirilo Sanchez, qui avec son frère a été parmi les premiers Guayamis à devenir bahá’ís, se souvient que lui et son frère avaient été motivés parce que la Foi bahá’íe donnait beaucoup d’importance à l’instruction – et également à cause des expériences pénibles qu’il a vécu quand il a dû fréquenter les écoles latinos.

« Quand nous sommes devenus bahá’ís, il n’y avait pas d’écoles publiques dans la région, donc nous avons commencé, mon frère et moi, à apprendre aux enfants de notre communauté à lire et à écrire », a dit M. Sanchez, qui a 64 ans et qui vit à Soloy.

Bien qu’il existe maintenant des écoles publiques dans la région Guayami, le système d’écoles bahá’íes continue à prospérer.

« Il existe encore des endroits où il n’y a pas d’autres écoles », a dit Alfaro Mina, 39 ans, spécialiste du développement, originaire de Colombie. Il travaille maintenant à plein temps comme consultant auprès des Guayamis. « Et dans les localités où il y a une école publique, nos écoles commencent plus tôt avec des classes maternelles. »

M. Mina a précisé que les écoles de travaux pratiques ont toujours comme enseignants des volontaires de la communauté. Ce sont généralement des jeunes hommes qui consacrent une année de service à leur communauté. Ceci représente un énorme sacrifice pour des personnes aussi pauvres parce que le travail d’enseignement les empêche de prendre un travail rémunéré pendant cette période.

« La communauté aide aussi en fournissant de la nourriture, et nous arrivons même à donner un salaire d’environ 100 francs français par mois, qui vient de la Communauté internationale bahá’íe », a ajouté M. Mina. « Nous avons un comité de programme scolaire qui donne une formation de trois à quatre semaines, qui a lieu ici à Soloy, dans le Centre culturel Guayami. Les bâtiments de l’école sont rudimentaires. Des fois ce sont juste de petites cabanes ou des refuges, la plupart ouverts, avec quatre piliers et un toit. »

L’importance de l’instruction morale

Bien que la partie la plus importante du programme ait toujours été consacrée à l’apprentissage de la lecture et aux mathématiques, les écoles de travaux pratiques ont aussi mis en avant l’éducation morale. En plus de l’enseignement de principes de base de l’éthique, le programme moral des écoles bahá’íes offre une série de principes progressistes tels que l’égalité des femmes et des hommes, l’importance d’éliminer toutes formes de préjugés et le concept de l’unité de l’humanité.

Plus de 30 ans d’expérience dans ce domaine ont eu un impact particulier sur les bahá’ís guayamis, qui ont essayé d’incorporer ces principes moraux dans leur vie de tous les jours.

Les jeunes Guayamis de la région de Soloy, où ce réseau d’écoles a été le plus développé, parlent ouvertement de la nouvelle conscience de leur propre identité et de la confiance en leurs capacités qui leur ont été transmises par leur éducation.

Mme Sanchez, par exemple, travaille comme journaliste à Radio bahá’íe. Elle conçoit des émissions et elle présente les informations dans la langue Guayami, Ngäbere. Radio bahá’íe est une station non commerciale d’un kilowatt qui touche la plus grande partie de la Province de Chiriqui, contribuant ainsi au prestige croissant du Ngäbere dans la région.

Mme Sanchez pense que son travail à la radio est très important parce qu’il aide à protéger et à préserver sa culture. Elle pense aussi, néanmoins, que certains aspects de sa culture, par exemple la domination traditionnelle des femmes par les hommes, devraient être abolis.

Elle est mariée à un jeune bahá’í Guayami et ils ont essayé d’appliquer le principe de l’égalité de l’homme et de la femme, enseigné à l’école bahá’íe, chez eux.

« A la maison, c’est parfois lui qui fait la cuisine ou c’est parfois moi », dit-elle. «Et des fois c’est moi qui fais la lessive, parfois c’est lui. »

Carbila Cuevas, qui a 23 ans et qui travaille avec Tahirih à la radio, pense aussi qu’il faut préserver les aspects de leur culture dont ils sont fiers et qu’il faut éliminer ceux qui sont oppressifs.

« Mon père me disait qu’il fallait empêcher le monde extérieur de venir chez nous parce qu’il allait nous détruire», se souvient M. Cuevas. « Il pensait que nous étions en train d’oublier notre vieille langue et nos traditions.»

« Mais Radio bahá’íe a aidé à préserver beaucoup de ces vielles traditions et nous essayons d’aider les gens pour qu’ils ne les oublient pas. Donc depuis les dernières 10 ou 15 années, la plupart des Guayamis apprennent à aimer non seulement leur langue, mais aussi leurs traditions et leurs contes », ajoute-t-il.

Néanmoins, toutes les vieilles traditions ne sont pas forcément bonnes. M. Cuevas parle d’une forme traditionnelle de combat rituel qui s’appelle « balseria », où les hommes de villages entiers se battent en frappant les chevilles de leurs adversaires avec des grosses bûches de peuplier. Les coups et les blessures sont fréquents et la balseria se passe toujours dans un état avancé d’ébriété. Elle est souvent suivie de sentiments de haine ou de ressentiment de la part de certains, surtout s’ils estiment que leurs adversaires n’ont pas été équitables.

« Nous ne faisons plus ça dans les communautés bahá’íes », a rajouté M. Cuevas. « Nous dansons de façon traditionnelle pour célébrer les fêtes. Mais étant donné que l’ivresse et les bagarres sont proscrites dans les enseignements bahá’ís nous évitons la balseria, et les divisions qu’elle cause. »

Les structures de l’unité

Les bahá’ís guayamis forment une communauté au sein d’une autre grâce à leur engagement vis à vis de certains principes et leur participation dans des activités communes. Néanmoins, bien que la plus grande partie des bahá’ís guayamis vive dans des villages près de Soloy, ils ne vivent pas séparés de leurs parents. Ce sont plutôt des familles bahá’íes qui se sont dispersées un peu partout dans la région.

Un réseau de conseils locaux, connu sous le nom d’Assemblées spirituelles locales, les unit et guide leurs activités. Les Guayamis ont établi environ 25 Assemblées spirituelles locales d’un bout à l’autre de la Province de Chiriqui.

Comme les autres 20 000 Assemblées spirituelles locales dans le monde bahá’í, ces conseils locaux sont élus tous les ans selon des principes démocratiques et ils emploient une méthode originale et non-agressive de délibération qui s’appelle la consultation.

Le fait de se réunir et d’élire de telles institutions locales a largement contribué à donner un nouveau sens d’identité et une nouvelle confiance aux bahá’ís guayamis.

« Jusqu’à récemment, le concept d’une ethnicité Guayami était probablement très faible», souligne Mme Whitney Lyn White, un anthropologue américain qui a passé trois mois à étudier les bahá’ís guayamis en 1993. Elle a été une des seules étrangères à bien analyser leur situation.

« Mais les Guayamis sont sous une pression constante de survie et de résistance à l’empiétement des étrangers. Et une bonne solution se trouve dans l’établissement de l’unité parmi les Guayamis qui sont bahá’ís. »

« La Foi bahá’íe a donné un autre modèle d’organisation sociale à travers ses institutions, qui a contribué à rehausser l’identité du groupe. Elle donne aussi des principes spirituels qui aident à maintenir l’unité dans les groupes pour qu’ils puissent agir ensemble. Des principes comme l’élimination des préjugés raciaux et ethniques aident à empêcher des divisions entre les familles et les clans », ajoute Mme White.

Les bahá’ís guayamis disent que les enseignements de leur Foi les aident à mieux s’entendre avec leurs voisins.

« Beaucoup de mes voisins ont des problèmes avec leurs familles », dit Mariano Rodriguez, un agriculteur de 53 ans qui habite près de Soloy et qui est bahá’í depuis 1963. Il explique que des querelles entre familles et entre mari et femme sont assez fréquentes. « La différence est que les bahá’ís, avec leur nouvelle vision du monde, essaient de vivre en paix. »



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