Revue n° 20, 1995
Les bahá’ís en Australie travaillent pour promouvoir l’harmonie interculturelle
CABRAMATTA, Australie — En raison de sa forte densité d’Asiatiques, ce faubourg de Sydney est considéré comme le banc d’essai de l’harmonie et de la tolérance entre les cultures.
Plus de la moitié des 57 000 résidents de la région de Fairfield, dont Cabramatta fait partie, sont des ressortissants étrangers, en majorité originaires d’Asie. Les natifs du Vietnam, par exemple, représentent 21 % de la population totale de la ville ; il existe aussi un nombre important de ressortissants chinois, cambodgiens, laotiens, philippins, indonésiens, malaisiens, ainsi que de Hong Kong.
Comme dans de nombreuses régions du monde, les minorités ont été à la fois intégrées et exclues. Si une large majorité des 17 millions d’Australiens a toujours bien accueilli les nouveaux venus, quelle que soit leur origine raciale, un petit pourcentage a nourri des sentiments hostiles à leur égard.
Sous sa forme la plus légère, l’expression du sentiment de discrimination transparaît à travers des programmes de radio intitulés « questions-réponses », où les auditeurs prennent la parole pour exprimer parfois leur vive inquiétude devant l’arrivée massive d’immigrés asiatiques ; selon eux, ils risquent de semer la violence et de prendre les emplois et les possibilités des Australiens autochtones ou de souche anglaise.
Toutefois, des incidents violents se sont aussi produits. Récemment, un politicien éminent qui exprimait clairement sa vision d’une société australienne pluriculturelle, a été assassiné. L’origine du crime n’a pas été élucidée mais certains pensent que le membre du parlement d’Etat John Newman a été assassiné parce qu’il s’était prononcé contre des gangs asiatiques opérant en Australie.
Dans ce contexte, la communauté bahá’íe d’Australie, qui compte 10 000 personnes, a essayé ces dernières années de promouvoir une nouvelle vision de la tolérance multiraciale et interculturelle. Bien que de faible envergure par rapport à l’ensemble de la population, cette initiative est significative car elle met distinctement l’accent à la fois sur l’action concrète et sur une vision claire de la dignité et de l’unité humaines. Elle offre aussi un exemple de ce qui peut être fait au niveau local, lorsque des individus s’efforcent par eux-mêmes de promouvoir l’intégration sociale.
A Cabramatta, cette initiative a pris la forme d’un projet d’enseignement de l’anglais aux immigrés asiatiques afin de les aider à s’intégrer dans la société australienne. On peut mentionner d’autres projets récents, qui ont tous été signalés par les médias australiens :
• Le co-parrainage, avec un groupe aborigène, d’un grand festival culturel à Alice Springs en 1993. Organisé en hommage à la force et à la diversité des cultures autochtones, le festival a attiré des participants de la région du Pacifique et a présenté différents spectacles, ateliers, recettes culinaires, contes, art et artisanat.
• Différentes initiatives locales destinées à soutenir et financer certaines manifestations pendant la « Semaine nationale des réfugiés » qui se tient chaque année en Australie. Parmi ces manifestations ont figuré différentes activités allant de séminaires sur les problèmes auxquels les réfugiés doivent faire face à l’organisation de simples collations et de services de prière interreligieux.
• Création d’un programme d’échange d’étudiants « entre la ville et la campagne » à Victoria. Le programme, qui vise à mettre en contact des jeunes des villes d’origines diverses avec d’autres jeunes de la campagne facilite les échanges d’étudiants entre la ville rurale de Donald, dont la population est largement européenne et diverses communautés ethniques de Melbourne, à 280 km de là.
• Formation d’un « Groupe de travail anti-préjugés » dans la Nouvelle Galles du Sud. Lancé à l’initiative de la communauté bahá’íe de Kiama, le projet vise à contribuer à la mise en œuvre des mesures antiracistes prises par le Département de l’éducation dans une petite ville assez conservatrice, et à promouvoir l’idéal pluriethnique à travers des manifestations communautaires tels que des pique-niques pluriculturels.
« Nous nous sommes engagés à promouvoir l’unité de l’humanité », dit Arini Beaumaris, secrétaire du Conseil national des bahá’ís d’Australie. « Nous constatons que toutes les différentes races ont beaucoup à s’apporter mutuellement. »
La promotion de la tolérance et de l’unité à Cabramatta, comme la plupart des autres projets entrepris par les bahá’ís d’Australie, est une initiative locale – et elle relie les questions pratiques à une vision spirituelle. Fondé sur le principe du bénévolat, à savoir que des cours d’anglais sont donnés gratuitement à des immigrants asiatiques, le projet se déroule au Centre bahá’í local.
La maîtrise parfaite de l’anglais, langue nationale australienne, est la clé du succès économique et social pour les immigrés. Elle diminue les risques de fanatisme et de racisme en permettant aux immigrants de réellement communiquer avec les Australiens.
Zhang He-Ping fait partie de ces nouveaux venus en Australie où il est arrivé en 1989 en provenance de la République populaire de Chine. Il était professeur en droit à l’université de Shangaï et savait écrire en anglais sans toutefois posséder une maîtrise suffisante de cette langue pour mener une carrière de juriste en Australie.
Bien que M. Zhang ait suivi un cours d’anglais pendant six mois à Sydney peu de temps après son arrivée, il lui manquait cependant ce qui manque à tous les étudiants en langues – et qu’il est difficile de trouver : une pratique régulière avec des amis sympathiques et patients. C’est ce qu’il a trouvé au Centre bahá’í et il a commencé à suivre les cours gratuits cinq soirs par semaine.
« Si ce n’avait pas été gratuit, je ne serais pas venu », dit M. Zhang, qui recevait un petit salaire et devait rembourser un emprunt important contracté pour venir en Australie. Son anglais est maintenant suffisant pour suivre des études universitaires avancées dans l’une des grandes universités de Sydney.
Géré par la communauté bahá’íe de Fairfield, le projet est réalisable grâce au bénévolat. John Walker, chimiste écologiste et ancien enseignant, y a enseigné l’anglais un soir par semaine pendant environ trois ans.
M. Walker estime qu’outre des notions pratiques d’anglais, les cours dispensent un sens de communauté et d’acceptation. Par exemple, il a lui-même essayé d’encourager la coopération entre les élèves de sorte que si l’un d’entre eux ne comprend pas un mot, un autre lui en explique le sens.
Bien que les cours d’anglais constituent l’essentiel du service offert dans le cadre de ce projet – et ils continuent de le faire –, des cours sur la fiscalité, le lancement d’une entreprise et l’informatique ont également été proposés. Il y a eu également des cours en japonais et en mandarin et des cours de tai-chi.
De l’autre côté du continent, à Perth, la communauté locale bahá’íe a lancé un projet similaire de cours d’anglais pour les immigrants chinois, venus à Perth après les dramatiques événements de Tienanmen. Le projet, qui a été interrompu une fois que les immigrants étaient bien intégrés dans la société australienne, les a également aidés à trouver un logement et un emploi.
« C’est le regard qu’ils portent sur la dimension spirituelle de la vie qui différencie les bahá’ís », dit Mme Beaumaris, membre du Conseil national des bahá’ís d’Australie. « Plus on arrive à se connaître mutuellement, plus on est courtois et tolérant les uns envers les autres. »
« Beaucoup d’Australiens s’efforcent d’atteindre cette tolérance », poursuit Mme Beaumaris. « Nous ne considérons pas les personnes des autres cultures et des autres races comme des êtres différents, nous soulignons nos points communs – notre unité – tout en revendiquant notre originalité. »
— Reportage de Michael Day
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