Revue n° 20, 1995
Le Forum ’95 des ONG propose des modèles alternatifs de développement
COPENHAGUE — La symbolique du choix du lieu du Forum 95 des ONG n’échappe à personne. Depuis les années 1700, l’île Holmen est l’une des premières bases militaires et le principal chantier naval de la Marine royale danoise.
Lors du Sommet mondial pour le développement social, Holmen est devenu un « village mondial » animé par des ex-posés et des débats sur les stratégies qui, selon les vœux de toutes les organisations non gouvernementales, devraient aider les dirigeants du monde à concevoir un nouveau modèle de développement social plus efficace.
Pendant dix jours, du 3 au 12 mars, les ONG et leurs représentants ont participé à plus de 1 400 ateliers, réunions et colloques. Au total, plus de 5 500 personnes, représentant 2 780 organisations différentes, se sont inscrites au Forum. Les visiteurs, y compris ceux qui ne venaient que pour une journée, étaient plus de 130 000.
Les personnes inscrites au Forum représentaient tout l’éventail de la société civile, depuis les grands groupes internationaux, comme le Conseil international des Affaires sociales, jusqu’aux organisations locales comme le Centre pour le développement de l’éducation du Nigeria. Les ateliers et séminaires ont porté sur une gamme également variée de sujets allant de l’expérience des peuples autochtones de l’Arctique jusqu’à des propositions en faveur d’un fédéralisme mondial.
Comme l’a dit un représentant de la presse, M. Bo Simonsen, ce furent « dix jours intensifs de réunions, discussions, relations publiques, expériences culturelles et – naturellement – d’échanges chaleureux ».
Modèles alternatifs de développement
Quelques thèmes majeurs sont ressortis de la variété d’activités et d’événements qui ont eu lieu au forum.
Avant tout, il faudrait peut-être mentionner la volonté de donner forme et substance à des modèles alternatifs de développement économique et social. Au fil des discussions, des séminaires et des déclarations, les représentants des ONG au Forum ont exprimé leur préoccupation face au statu quo dans les affaires du monde et ils ont soumis une série de suggestions et plans alternatifs.
La Déclaration de Copenhague, concoctée pendant le Forum lors d’une série de réunions, type réunions municipales, critique le fait que les gouvernements soient prêts à adopter le système économique «néo-libéral dominant» fondé sur la loi du marché comme réponse au développement, préférant lui opposer une approche très décentralisée.
D’autres groupes d’ONG se sont déclarés favorables à une coordination renforcée au niveau mondial pour résoudre les problèmes sociaux et ont privilégié le concept de citoyenneté mondiale qui s’est dégagé du Forum comme un thème secondaire important. D’autres se sont cantonnés à une échelle plus petite soulignant l’importance des initiatives locales et/ou régionales.
« Je ne pense pas qu’il existe un seul modèle de développement social », dit Eloy Anello, directeur de l’Association internationale pour l’apprentissage du développement, ONG basée en Bolivie. « Nous parlons de modèles de rechange adaptés aux différents écosystèmes de la planète. C’est un des problèmes que pose le modèle actuel. »
« Nous ne pouvons pas parler de développement social durable avec un modèle qui ne l’est pas », dit M. Anello. « Le monde entier adopte pour la croissance économique ce modèle qui épuise rapidement toutes les ressources naturelles de la planète tout en engendrant la pauvreté. Or, si nous voulons parler de la promotion du développement social, nous devons rechercher un autre modèle. »
Selon M. Anello et d’autres, les modèles de développement de rechange proposés par les ONG devraient comporter les caractéristiques suivantes : être axés sur la démocratisation et la participation du peuple à tous les niveaux ; utiliser la technologie appropriée ; faire participer les femmes ; respecter les peuples autochtones ; et mettre l’accent sur l’éducation. Ce qui est également important, disent-ils, c’est de comprendre que les méthodes de développement doivent être différentes selon les régions tout en tenant compte de la nécessité d’une coordination mondiale dans un monde interdépendant.
« Il devrait y avoir de nombreux modèles de développement différents », dit Victoria Tauli-Corpuz, présidente du réseau asiatique des femmes autochtones, basé aux Philippines. « Il existe dans le monde des systèmes qui ne suivent pas la loi du marché. Dans nos communautés autochtones, par exemple, nous échangeons nos marchandises selon les possibilités. Mais ces pratiques sont battues en brèche parce qu’elles ne correspondent pas au modèle planétaire. »
« Nous devons donc impérativement étudier tous les modèles existants, même à une échelle réduite, et voir comment on peut les renforcer et en tirer des leçons », dit Mme Tauli-Corpuz.
Participation bahá’íe
La Communauté internationale bahá’íe a présenté au Forum et au Sommet une déclaration intitulée Vers une humanité prospère qui énonce certains principes généraux à prendre en considération dans la recherche de nouveaux modèles de développement économique et social.
Par ailleurs, la Communauté internationale bahá’íe et ses affiliations nationales ont organisé plus de 20 ateliers et séminaires dans le cadre du Forum afin de présenter l’expérience bahá’íe sur les questions figurant à l’ordre du jour.
Les bahá’ís ont également organisé une série de manifestations culturelles nocturnes pendant le Forum, dont un ballet intitulé « Le refuge et la caverne », une comédie et un spectacle des musiques du monde, une pantomime pour les jeunes intitulée « Fleurs d’un jardin » et un récital de musique africaine.
La communauté bahá’íe a également participé au programme d’ouverture du Forum des ONG, le 3 mars, à travers une artiste renommée dans le domaine de la musique classique contemporaine, la norvégienne Anne-Lise Bernsten. Outre un chant de Noël norvégien traditionnel, Mme Berntsen a chanté sur les musiques du compositeur norvégien Lasse Thoressen, qui reprend des paroles des Ecritures saintes bahá’íes.
Devant un auditoire de plus de 1 000 personnes rassemblées dans le hall principal du « Village mondial » du Forum, Mme Bernsten a chanté « Louons Dieu », une prière de Bahá’u’lláh, fondateur de la Foi bahá’íe et « Prière pour l’humanité » d’‘Abdu’l-Bahá, fils de Bahá’u’lláh.
« L’un de nos principaux objectifs, en participant aux manifestations de Copenhague, est d’apporter un message d’espoir », dit Lawrence Arturo, qui était à la tête de la délégation de la Communauté internationale bahá’íe au Sommet. « Nous considérons le Sommet comme faisant partie d’un processus collectif et consultatif par lequel l’humanité toute entière s’efforce d’atteindre sa maturité, un âge qui ouvrira la voie à une nouvelle ère de prospérité générale.»
« Au Sommet, nous avons défendu, entres autres, le concept de “citoyenneté mondiale” qui, selon nous, peut servir de base à la coordination et à l’unité dont l’humanité aura besoin dans les années à venir si elle veut résoudre ses vastes problèmes sociaux et parvenir à un développement social le plus complet possible », rajoute M. Arturo.
Au total, plus de 240 bahá’ís venus d’une quarantaine de pays se sont retrouvés à Copenhague pour le Sommet et le Forum. La délégation bahá’íe était l’une des plus grandes du Sommet.
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