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Revue n° 51-52, 2005

Au Royaume-Uni, les bahá’ís favorisent le dialogue sur la mixité raciale

Répondant aux préoccupations nationales, la communauté bahá’íe du Royaume-Uni a lancé un débat approfondi sur les mesures à prendre pour apaiser les tensions qui se font jour alors que le pays devient de plus en plus multiracial.

HACKNEY, Royaume-Uni — Connu autrefois comme une cité d’ouvriers britanniques immigrés pauvres, ce quartier de l’East End de Londres est aujourd’hui l’un des endroits où la mixité raciale est la plus forte en Angleterre.

Selon l’un des derniers recensements, 38 % seulement de la population du quartier de Hackney Central se réclament de « race britannique traditionnelle ‘blanche’ ». Les 62 % restant revendiquent, en partie au moins, des origines asiatiques, africaines, caraïbes ou autres.

Cette mixité est de plus en plus fréquente au Royaume-Uni. La mondialisation, qui s’accompagne de tendances croissantes à l’immigration et à l’ouverture des frontières, a fait naître ici un débat sur la signification du terme
« britannique » et sur les mesures à prendre pour faire face aux défis que pose la mixité de la société.

Durant l’été 2002, par exemple, des troubles ont éclaté dans plusieurs villes du nord de l’Angleterre. Une vingtaine de personnes ont été blessées lors d’un affrontement entre des jeunes pakistanais et bangladais d’un côté, et des britanniques de l’autre. Les tensions raciales ainsi que la dimension religieuse comptaient pour beaucoup dans ces affrontements.

Ces troubles ont suscité une profonde réflexion du gouvernement britannique qui a engagé un débat sur la signification de la « cohésion sociale ».

Cette expression, qui était nouvelle à l’époque, est désormais couramment utilisée dans les documents officiels. Environ une année avant les troubles, certains membres de la communauté bahá’íe du Royaume-Uni avaient déjà engagé leur propre réflexion sur la manière dont ils pouvaient contribuer le plus efficacement au bien-être de l’ensemble de la société britannique.

Cette initiative a débouché sur la création, en 2000, de l’Institut pour la cohésion sociale qui a pour but d’aider la société britannique à renforcer son sentiment d’unité en dépit de sa diversité croissante.

« Nous voulions contribuer à ce que cette société trouve son équilibre », dit Nazila Ghanea, membre du bureau de l’Institut. « L’idée de renforcer la cohésion sociale était au cœur de toutes nos préoccupations. »

La communauté bahá’íe du Royaume-Uni a été la première communauté religieuse à lancer un débat approfondi sur les mesures à prendre pour apaiser les tensions qui se font jour alors que le pays devient de plus en plus multiracial. Ainsi, l’Institut pour la cohésion sociale a parrainé une série de séminaires et d’ateliers rassemblant des dirigeants communautaires et des hommes politiques de tous bords pour engager un dialogue très ouvert.

Ces initiatives ont reçu l’aval du gouvernement. Dans une interview accordée à One Country, le Secrétaire d’Etat britannique, David Blunkett, a dit : « Du fait de sa situation très particulière – personne ne la ressent comme une menace, elle ne cherche à inféoder personne et, comme vous le diriez peut-être vous-mêmes, elle donne le meilleur de ce qu’une religion peut offrir - la communauté bahá’íe peut être invitée à faire cela de telle sorte que les autres acceptent de coopérer avec elle. »

2001 : Inauguration de l’Institut

L’Institut pour la cohésion sociale a été inauguré officiellement à la Chambre des députés le 31 janvier 2001, à l’occasion d’un séminaire organisé par le groupe parlementaire « Les amis des bahá’ís ».

A cette inauguration, différents groupes d’experts ont posé la question de la cohésion sociale, dont Gurbux Singh, alors président de la Commission de l’égalité raciale, et Yasmin Alibhai Brown, écrivain et journaliste à la radio et à la télévision.

Depuis, l’Institut a organisé cinq autres séminaires parlementaires, deux grandes conférences, et une réunion spécialisée. Des intervenants et des participants de tous horizons s’y sont retrouvés pour parler de thèmes tels que la cohésion sociale, les modèles de justice, l’égalité entre les hommes et les femmes, l’immigration, et la citoyenneté.

« Ce que nous apportons, c’est la capacité de rassembler des gens d’origines différentes pour qu’ils se
parlent », dit Barney Leith, secrétaire du conseil national des bahá’ís du Royaume-Uni. « C’est ainsi que nos colloques ont réuni des membres du gouvernement central, d’organisations bénévoles ou militantes, de communautés religieuses et du monde des affaires », dit encore M. Leith.

Il ajoute : « L’un des principes bahá’ís que nous souhaitons partager est le principe de consultation, processus sans confrontation par lequel on essaie d’aboutir à une conclusion après avoir fait la synthèse des points de vue individuels. Il s’agit d’appliquer la réflexion critique mais de manière constructive sans critique destructrice. »

Ce processus a été mis en œuvre lors d’un séminaire spécialisé de l’Institut tenu au Centre national bahá’í sur le thème « La famille et la cohésion sociale ». Parmi les intervenants figuraient Ceridwen Roberts, chargée de recherche à l’université d’Oxford et ancienne directrice du Centre d’études sur la politique de la famille. Y participaient des représentants des différentes communautés religieuses, chrétiens, bouddhistes, musulmans, et bahá’ís. Mme Roberts a parlé de l’évolution des familles qui a pour origine la transformation des valeurs.

Le rôle de la religion

Les participants ont conclu que les groupes religieux étaient dotés de davantage de leviers que le gouvernement pour promouvoir des valeurs familiales positives.

« Nous devrions faire appel aux organisations religieuses car elles ont des liens plus étroits avec la famille », dit Jenny Angstrom, éducatrice à « Conflict and Change », une ONG londonienne spécialisée dans la médiation locale.

Le gouvernement a reconnu que les organisations religieuses jouent un rôle important dans le renforcement de la cohésion sociale et a lancé plusieurs études après les affrontements de 2001. Selon l’une d’entre elles,
« Cohésion communautaire », menée par une équipe indépendante, la séparation des systèmes existant dans de nombreuses villes britanniques en ce qui concerne l’enseignement, les organismes locaux et bénévoles, l’emploi, les lieux de culte, la langue et les réseaux sociaux et culturels, a créé une polarisation importante. « Ce qui veut dire que nombre de communautés mènent des vies parallèles. »

Une deuxième équipe, le « Groupe d’étude sur la cohésion de la communauté », a publié un rapport intitulé
« La fin des vies parallèles ? ». Il propose un ensemble de recommandations sur la façon dont le gouvernement ou d’autres acteurs pourraient infléchir ce sentiment de polarisation de la société. Le rapport recommande notamment que les institutions gouvernementales appuient l’action des différentes communautés religieuses. « Elles doivent prendre une part beaucoup plus active à la politique sociale sous tous ses aspects et, en particulier, aider les communautés à se comprendre. »

L’importance de la coopération entre les religions dans la promotion de la cohésion sociale a aussi été reconnue par le département du Ministère de l’Intérieur en charge des affaires sociales. Pour le Ministre de l’Intérieur David Blunkett, la cohésion sociale est la question « fondamentale » pour la promotion de la stabilité et de la sécurité au Royaume-Uni.

Il affirme : « Les groupes religieux peuvent jouer un rôle décisif en aidant les populations à promouvoir le respect des religions et des opinions et en aidant les gens à reconnaître ce qu’ils ont en commun. Le gouvernement a fait tout ce qui était en son pouvoir pour favoriser le développement des groupes
interreligieux. »

L’expérience de l’Est de Londres

La communauté locale bahá’íe de l’Est de Londres reflète la diversité de l’ensemble de l’agglomération. Une centaine de bahá’ís y vivent actuellement originaires de plus de 16 pays. Ces dernières années, ils ont participé activement à un programme de « cercles d’études » conçu autour de manuels d’enseignement élaborés par une ONG d’inspiration bahá’íe, l’Institut Ruhi. Le programme vise notamment à développer les capacités des participants et leur permet de tisser des liens entre eux.

Le projet, dont s’inspirent également d’autres communautés du Royaume-Uni, a considérablement renforcé le sentiment de cohésion entre les participants et accueille des personnes de tous les horizons religieux, culturels et sociaux.

« Avant d’étudier les livrets Ruhi, les gens ne se connaissaient pas très bien », dit Saman Rahmanian, un jeune homme qui vient d’Australie et fait ses études à Londres. « Mais, quand on a terminé un livret Ruhi, c’est très différent. Les liens d’amitié qui nous soudent les uns aux autres ont quelque chose de très spécial. »

Alors qu’on lui demandait quelle était l’origine des autres bahá’ís de sa communauté, Helena Hastie, une britannique de 25 ans, hésite avant de répondre : « Je pense que le fait que nous ayons du mal à nous souvenir que nos amis viennent de pays différents est le signe manifeste que pour nous la nationalité importe peu. »



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