Revue n° 23, 1996
Réunies à Berlin, les ONG examinent les possibilités de gouvernance globale
BERLIN — Des représentants d’organisations non-gouvernementales (ONG) européennes ont préconisé toute une série de mesures visant à réformer et restructurer l’Organisation des Nations Unies et l’ordre international à l’occasion d’un forum d’une journée sur la gouvernance globale tenue à Berlin le 20 septembre 1995.
Ces mesures devraient comporter de plus grands efforts pour encourager la démocratie à travers le monde, dirent-ils, ainsi que pour mettre au point de nouvelles institutions et des programmes d’enseignement susceptibles de promouvoir le concept de citoyenneté mondiale et les changements structurels de l’Organisation des Nations Unies afin que cette organisation soit plus représentative des peuples du monde.
Plus de 200 personnes ont participé à cette manifestation lors de laquelle une quarantaine d’ONG ont pris la parole. Tenue dans la Maison de la démocratie à Berlin (Haus der Demokratie), cette réunion était organisée par l’Académie de Landegg, institution d’enseignement supérieur affiliée aux bahá’ís qui se trouve à Wienacht (Suisse). Elle a eu lieu à l’occasion du 50ème anniversaire de l’Organisation des Nations Unies.
« Au cours des dernières décennies, l’humanité n’a cessé de subir des ondes de choc; elle a commencé à prendre conscience des dangers croissants qui pèsent sur la planète par la faute de l’homme, depuis la menace des armes nucléaires, biologiques et chimiques jusqu’à la surexploitation des ressources mondiales au point de risquer une catastrophe écologique, » dit en introduction Peter Spiegel de l’Académie de Landegg. « Il est clair qu’il existe un fossé toujours plus grand entre la nécessité d’entreprendre une action au niveau mondial, d’une part et la capacité d’entreprendre cette action mondiale, d’autre part. »
Le forum s’est ouvert par des discours liminaires de représentants de cinq ONG particulièrement actives dans la promotion du débat sur la gouvernance globale en Europe germanophone; Burkhard Koenitzer, administrateur de la Fondation pour le développement et la paix (SEF) basée à Bonn; Yehezkel Dror, membre du Club de Rome; Stefan Mögle-Stadel du Réseau Un seul monde « Terra »; Fritz Wilmar du Mouvement fédéraliste mondial et Saba Khabirpour de la communauté bahá’íe d’Allemagne.
Des propositions concrètes et spécifiques ont été faites et un appel en faveur d’un changement massif et généralisé a été lancé.
« Nous avons connu pendant longtemps un état mondial de facto mais un état mondial de jure n’existe pas encore, » dit M. Mögle-Stadel. Il résulte de ce « déficit de légitimité » que les structures de gouvernance globale qui existent en fait aujourd’hui présentent des caractéristiques si peu démocratiques et si arbitraires qu’aucune société civilisée ne peut les tolérer dans son gouvernement.
« Le “désordre international du monde” doit donc rapidement céder la place à un ordre mondial fédéral, coopératif, légitimé démocratiquement de sorte que la société mondiale puisse atteindre la souveraineté nécessaire au règlement des problèmes du monde, » affirma M. Mögle-Stadel.
M. Koenitzer précisa que la réforme de l’Organisation des Nations Unies dépendait de la reconnaissance d’un système mondial de valeurs privilégiant les droits de l’homme et la démocratie auxquels tous les membres de l’ONU doivent adhérer. Il lança également un appel en faveur de l’adoption d’un impôt mondial destiné à renforcer l’indépendance des organes de l’ONU vis à vis des États membres; ajoutant que ces réformes devaient être présentées aux puissances du monde comme du « gagnant-gagnant » car « réformer l’ONU sans l’appui des puissances du monde est une entreprise vouée à l’échec ».
Le professeur Dror, auteur d’un récent rapport intitulé « La capacité à gouverner » suggéra trois voies possibles pour parvenir au nouveau système de gouvernance globale: 1)un « état d’urgence mondiale, déclenché par une ou plusieurs catastrophes planétaires »;2) un « grand progrès dans le domaine de l’éthique mondiale, » par exemple l’avènement d’une nouvelle religion qui, selon l’« expérience historique » serait imminente; et, 3) un « mouvement général, au niveau politique national, vers un état d’esprit plus mondial ». Le changement, a-t-il ajouté, peut venir de ces trois directions.
Le professeur Dror plaida aussi en faveur d’un renforcement des efforts visant à assurer le succès de l’Union européenne qualifiée d’expérience la plus ambitieuse dans le domaine de l’intégration internationale au niveau économique, sociale et politique. Si l’Europe se concrétise, elle sera un modèle pour le reste du monde.
Mme Khabirpour recommanda une plus grande prise de conscience de ce que représente la citoyenneté mondiale, « fondement indispensable de toute action responsable sur le plan mondial ». Elle demanda également que la société civile soit renforcée dans tous les pays, en particulier à travers une plus grande participation des ONG et des femmes à la prise de décision à tous les niveaux.
L’après-midi, une quarantaine d’ONG prirent la parole sur le thème de la gouvernance mondiale. La plupart des thèmes déjà traités furent repris.
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