Revue n° 28, 1997
Profondément enracinée en Russie, la communauté bahá’íe de ce pays a survécu à une longue période de persécution communiste
Les liens entre la Russie et la foi bahá’íe remontent à plus d’un siècle. Vers le milieu des années 1800, des diplomates russes sont intervenus avec fermeté pour défendre les bahá’ís qui subissaient une première vague de persécution en Iran. Au début du siècle, des intellectuels russes attirés par ses idées progressistes ont étudié la foi bahá’íe et publié de nombreux écrits. Avant la révolution, les premiers adeptes ont établi une communauté florissante dans le Turkestan russe et construit la première Maison d’adoration bahá’íe du monde.
La foi a été fondée en Iran par Bahá’u’lláh qui se proclamait messager de Dieu au même titre que Mahomet, Jésus et les autres grands prophètes et enseignait que toutes les religions du monde ne sont qu’une. Accusé d’hérésie, il fut emprisonné à Téhéran en 1852. Le prince Dolgoruki, alors ambassadeur de Russie en Iran, lança un appel au Shah pour sa libération, proposant de lui offrir un refuge en Russie. Bien que Bahá’u’lláh ait refusé l’offre du prince Dolgoruki, il fut libéré et exilé.
Plus tard, d’éminents orientalistes et chercheurs russes, dont M. Gamazov, V. Rosen, Mirsa Kasembeg, Alesander Tumanski, Bernard Dorn et V. Zhukovski, se sont mis à étudier le mouvement bahá’í , à décrire ses principes, à retracer les étapes de son histoire, à traduire ses écrits et, d’une manière générale, à jouer un rôle important en faisant connaître la nouvelle religion au reste de l’Europe.
En 1904, un journaliste, S. Umanets, a été l’un des premiers à reconnaître la foi en tant que religion indépendante. Ivan Tourgeniev et Leo Tolstoï se sont tous deux penchés sur les enseignements de la foi bahá’íe et en ont souvent parlé. Vers la fin de sa vie, Tolstoï en fait mention plusieurs fois dans sa correspondance; il partageait livres et informations avec ses collègues et a même qualifié la foi bahá’íe de « la forme de religion la plus pure et la plus élevée ». Les artistes ont eux aussi été touchés par les épisodes dramatiques des débuts de la foi. Une poétesse de St. Petersbourg, Isabella Grinevskaya, a écrit des pièces sur son établissement qui ont été jouées non seulement dans les théâtres de St. Petersbourg mais aussi à Paris, Londres et Berlin jusqu’au début des années 20.
Dans le Turkestan russe, la communauté bahá’íe avait atteint au début de ce siècle un niveau de développement très élevé. Juste avant la révolution de 1918, plus de 4 000 fidèles vivaient à Ishqabad où ils avaient érigé une Maison d’adoration bahá’íe, construit une école élémentaire, deux jardins d’enfants et un dispensaire et où la vie de la communauté était particulièrement riche avec de nombreuses bibliothèques, des clubs sociaux et diverses associations théâtrales, sportives et autres.
Après la révolution, tout comme d’autres communautés religieuses sous le régime communiste, les bahá’ís de Russie ont été obligés de réduire considérablement leurs activités publiques. Tous ceux qui sont restés actifs ont été systématiquement persécutés et emprisonnés. La Maison d’adoration a été confisquée par le gouvernement en 1928 et sa structure ébranlée par un tremblement de terre en 1948; elle a été détruite en 1963. Pendant les années 1930, presque tous les adultes mâles ont été exilés dans des camps où la plupart ont trouvé la mort. Pourtant, certains ont pu enseigner les principes de la foi à leurs enfants et, pendant les périodes où le gouvernement se montrait plus clément, la communauté a connu des moments de plein épanouissement. D’une manière générale, cependant, l’activité bahá’íe en Russie a pratiquement disparu sous le régime communiste.
|