Revue n° 34-35, 1998
Après des mois de discussions préliminaires, les travaux sur le « Forum des ONG du millénaire » démarrent
La réunion, qui se tiendra conjointement avec le « Sommet du millénaire » des Nations Unies en l’an 2000, vise à mobiliser l’attention des dirigeants du monde et à souligner l’importance de la société civile. NATIONS UNIES — Après plusieurs mois de discussions, les organisations non gouvernementales décident de tenir en l’an 2000 un « Forum des ONG du millénaire » afin de souligner l’importance que peut avoir la société civile dans la résolution des grands problèmes du 21ème siècle.
Si le plan reçoit l’appui escompté par ses organisateurs, des milliers d’ONG du monde entier pourraient se réunir, en même temps que « l’Assemblée du millénaire » des Nations Unies prévue pour septembre 2000 au siège des Nations Unies. Cette réunion se tiendrait sans doute elle aussi à New York. Son objectif est de consolider le travail accompli par les ONG dans les années 1990 lors des différentes conférences de l’ONU et de jeter les bases d’une activité et d’un partenariat renforcés avec les Nations Unies au cours des prochaines décennies.
Le plan, esquissé lors d’une réunion tenue à l’ONU le 15 juillet 1998, a été arrêté après plusieurs réunions et consultations. Il s’agissait pour la plupart de réunions spéciales, auxquelles des ONG et réseaux d’ONG appartenant à de nombreux secteurs ont soumis leurs idées, mais le processus formel de planification a été entrepris dans le cadre du groupe de travail de la conférence des organisations non gouvernementales dotées d’un statut consultatif auprès de l’ECOSOC (CONGO) chargé de la réforme des Nations Unies.
A l’issue de la réunion du 15 juillet, à laquelle participaient plus de 100 représentants d’ONG, un comité directeur par intérim a été désigné par consensus. Le processus de planification a été renforcé par la suite avec la nomination d’un conseil consultatif et l’élection d’un comité exécutif lors de réunions en décembre 1998 et février 1999.
L’organisation d’un Forum des ONG du millénaire répond en partie à l’appel lancé l’an dernier par Kofi Annan, Secrétaire général des Nations Unies, en faveur de la tenue d’une assemblée des peuples parallèlement à l’assemblée de septembre 2000, dite « Assemblée du millénaire ». Dans une résolution votée en 1997, l’Assemblée générale des Nations Unies a approuvé le principe d’une assemblée du millénaire qui se tiendrait en même temps que l’Assemblée générale de septembre 2000 et l’organisation parallèle d’un « Sommet du millénaire ». L’idée d’une assemblée parallèle des ONG n’a toutefois pas encore été officiellement examinée par les Etats-membres.
En même temps, le plan vise à regrouper et à analyser toutes les propositions en faveur d’un rassemblement des membres de la société civile à la fin du millénaire et qui vont dans le sens de l’appel lancé en faveur de la création d’une assemblée internationale permanente des peuples aux Nations Unies.
L’un des aspects clé du travail entrepris par le groupe de travail CONGO chargé de la réforme des Nations Unies a été le soutien offert par différents groupes non gouvernementaux et individus qui ont apporté un grand nombre d’idées et de propositions.
« Nous espérons maintenant avoir constitué la base de l’unité de tous nos efforts » dit Harry Lerner, directeur de la Campagne pour une organisation plus démocratique (CAMDUN), l’une de nombreuses ONG qui travaille déjà à l’organisation d’une assemblée des peuples du millénaire.
« CAMDUN », dit Dr. Lerner, « a travaillé étroitement avec d’autres depuis le Sommet de la terre + 5 à l’ONU à New York en juin 1997 afin de créer un groupe d’action en faveur de la terre ». Elle a été appuyée par quelque 1600 ONG de 130 pays et ce réseau est devenu ce qu’on appelé le Réseau de l’assemblée des peuples pour le millénaire qui soutient le plan du Forum des ONG du millénaire.
D’autres groupes visant des objectifs similaires ont aussi apporté un soutien tacite à la proposition concernant ce forum. Un groupe d’ONG travaillant à Genève et au Canada, par exemple, prévoit de tenir une « Conférence mondiale de la société civile » à Montréal en décembre 1999, tandis qu’un groupe d’ONG basées en Corée a prévu une grande conférence sur « le rôle des ONG au 21ème siècle » à Séoul en octobre 1999, dit Angus Archer, chef d’un projet intitulé « La société civile et les Nations Unies ».
Selon M. Archer, ces deux rencontres sont susceptibles de devenir des conférences « préparatoires » afin de parvenir à l’événement culminant qu’est le Forum des ONG du millénaire. Etant donné le nombre de discussions à travers le monde à propos des ONG, de la société civile et de l’importance de leur participation ainsi que l’intérêt général suscité par le millénaire, un tel Forum au Nations Unies qui lierait tous ces éléments « pourrait prendre beaucoup d’ampleur » dit M. Archer.
Tourner le dos au passé
Le plan élaboré par le groupe de travail CONGO propose aux ONG de tenir une grande réunion deux ou trois mois avant le Sommet du millénaire de septembre afin de préparer un rapport des ONG sur l’état du monde et sur l’opinion de la société civile et de le présenter aux gouvernements au Sommet du millénaire.
Il s’agirait d’une nouvelle approche par rapport aux précédents forums des ONG tenus dans le cadre des conférences des Nations Unies : les ONG faisaient alors des propositions à la fin de la réunion, souvent juste au moment où les représentants des gouvernements rentraient chez eux.
« La proposition permet d’étudier les problèmes à l’avance, de telle sorte que lorsque le Secrétaire général des Nations Unies examinera son rapport aux gouvernements au milieu de l’été, il connaîtra déjà notre point de vue » dit Techeste Ahderom, qui présidait le groupe de travail CONGO sur la réforme des Nations Unies à la réunion de juillet 1998. « Lorsque les chefs d’États et de gouvernements se réuniront en septembre 2000, nous les sensibiliserons sur les préoccupations des ONG du monde à travers une déclaration. »
Les ONG sont également invitées à tenir une série de réunions régionales avant l’an 2000. Comme certains l’ont fait remarquer, de nombreuses réunions d’ONG ayant des buts semblables sont déjà prévues. La proposition vise donc à synthétiser les résultats des différentes consultations. Le plan prie aussi instamment les ONG locales de tenir d’autres réunions au niveau local sur des questions en rapport avec le millénaire. Les résultats de ces consultations seront retransmis à l’occasion des réunions nationales et régionales et finalement au Forum des ONG du millénaire qui en sera le point culminant.
Une naissance difficile
C’est en partie à cause de la grande diversité des intérêts des ONG, des désaccords au sujet de la façon d’aborder les problèmes du monde et de l’absence d’un mécanisme formel permettant aux ONG de collaborer et de coordonner leurs efforts qu’il a fallu beaucoup de temps pour que la proposition en faveur d’un Forum du millénaire se concrétise. Si un certain nombre de groupes et d’individus ont présenté différents projets et propositions, aucun consensus n’avait pu être trouvé entre les ONG avant la réunion du 15 juillet 1998, surtout parmi celles qui sont les plus actives à l’ONU.
CONGO, l’une des associations formelles d’ONG la plus ancienne et peut-être la mieux organisée est alors entrée en scène. Fondée en 1948, elle se compose d’environ 300 ONG internationales et confédérations d’ONG reconnues par l’ONU et dotées d’un statut consultatif auprès du Conseil économique et social (ECOSOC). Par le biais de son groupe de travail sur la réforme des Nations Unies, elle a commencé à accueillir d’autres ONG aux réunions au début de 1998.
M. Ahderom, principal représentant de la Communauté internationale bahá’íe a joué un rôle clé dans la participation d’autres groupes d’ONG au processus de planification, depuis les groupes reconnus par le Département d’information du public des Nations Unies jusqu’aux alliances comme le Réseau d’assemblée des peuples intéressé par ce type de manifestation.
« Avec une multitude d’objectifs et plusieurs groupes qui essaient d’intégrer et de relier leurs différents objectifs en un forum du millénaire des ONG, les choses vont dans la bonne direction » dit William Pace, directeur du Mouvement fédéraliste mondial qui a suivi de près le processus. « Techeste a pu, me semble-t-il, harmoniser un certain nombre d’initiatives qui normalement auraient été concurrentes et se seraient probablement neutralisées. »
Selon M. Pace, le grand problème qui se posera par la suite pour ce qui est de l’organisation du Forum du millénaire sera d’y faire participer un grand nombre de représentants d’ONG en dehors du cercle habituel des ONG axées sur l’ONU, en particulier celles des pays du Sud, ainsi que les groupes dont le centre d’intérêt est tourné vers des questions spécifiques, comme les ONG qui s’occupent des femmes ou de l’environnement.
« Dans le passé, certains comités d’organisation des forums des ONG n’ont pas été efficaces » dit Anita Nayar, directrice adjointe de l’Organisation des femmes pour l’environnement et le développement (WEDO), ONG la plus active et la plus efficace lors des récentes conférences des Nations Unies. « Ils n’ont pas vraiment créé un processus souple et ouvert, en particulier en ce qui concerne la participation des pays du Sud. »
C’est pour éviter ces écueils que le principal organe de planification du Forum comprend autant de représentants de groupes et réseaux d’ONG que possible afin d’obtenir une participation massive au Forum du millénaire.
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