Revue n° 15, 1993
Au Swaziland, l’entreprise New Dawn fabrique du matériel approprié sans économie de main d’œuvre
MANZINI, Swaziland — Remarquable inventeur, Crispin Pemberton-Pigott, avait sa calculatrice en main alors qu’il nous faisait visiter son usine dans cette petite nation d’Afrique australe.
Bien qu’il l’ait toujours utilisée pour faire des calculs comme celui de la résistance d’un tube en acier ou de la charge utile d’une brique en terre cuite, M. Pemberton-Pigott est tout aussi compétent pour estimer la rentabilité des machines que fabrique son entreprise.
Attirant notre attention sur un pressoir à huile, qui ressemble à quelque chose près à un presse ail géant, il nous explique que le pressoir permet à un seul ouvrier d’extraire des graines de tournesol ou de l’huile de ménage de première qualité pressée à froid.
« C’est un pressoir Bielenberg de conception radicalement nouvelle », dit-il en consultant sa calculatrice. « Nous le vendons environ 6 600 FF et c’est un prix très avantageux. »
Les calculs de rentabilité sont la clé du succès de l’entreprise New Dawn dont la réputation grandit dans la région pour ses idées novatrices, adaptées à la situation du pays et sans nuire à l’environnement. La société fabrique environ une douzaine de machines relativement bon marché, à forte proportion de main-d’œuvre et qui peuvent être utilisées par des petites entreprises fabriquant des produits comme de l’huile de ménage, des clôtures métalliques ou des briques en terre cuite.
L’entreprise a eu cette année l’honneur de figurer parmi les quatre finalistes du Prix de sauvegarde de l’environnement en Afrique australe.
« Certes, toutes les sociétés qui ont participé au concours ont montré qu’elles utilisaient des techniques appropriées, très nouvelles et sensibles pouvant être utilisées par un grand nombre d’industries locales », dit le professeur Brain Huntley, directeur administratif de l’Institut botanique d’Afrique du Sud et l’un des membres du jury du concours. « L’entreprise fabrique des machines qui n’exigent pas de gros investissements et c’est ce qu’il nous faut dans cette région du monde. »
C’est précisément ce que veut M. Pemberton-Pigott, propriétaire et patron, avec sa femme Margaret, de l’entreprise New Dawn: fabriquer des machines de qualité qui mettent en valeur l’une des plus grandes ressources de l’Afrique: la main-d’œuvre – tout en respectant le mieux possible l’environnement.
« A mon avis, une technologie appropriée consiste à tirer parti des ressources disponibles dans une région pour créer le maximum de richesses », dit M. Pemberton-Pigott. « Nous vivons dans un pays où la main-d’œuvre est excédentaire. C’est pourquoi, ne pas l’utiliser ce serait gaspiller ses ressources. »
« Nous connaissons des gens qui importent du matériel à des prix très élevés », poursuit M. Pemberton-Pigott. « Ce matériel entraîne la mise au chômage des ouvriers. Je peux vous démontrer qu’il est plus rentable de produire en faisant appel à la main-d’œuvre car on investit moins, on emploie davantage de personnel et les profits sont plus élevés. »
Les Pemberton-Pigott ont créé New Dawn en 1984, alors qu’ils vivaient dans le Transkei. En 1985, ils ont déménagé au Swaziland où le couple avait déjà vécu pendant deux ans vers la fin des années 70 tout en s’occupant de l’installation d’un système d’approvisionnement en eau pour les communautés rurales.
Jusqu’en juillet 1993, l’entreprise a vendu plus de 1 500 machines. Les plus demandées sont celles qui fabriquent les clôtures métalliques qui représentent environ 75 pour cent des ventes. New Dawn produit du matériel pour la fabrication manuelle de clôtures métalliques à mailles en losanges ou carrées, de fil de fer barbelé, de grillage pour les élevages de porcs ou les poulets. L’entreprise a vendu également plusieurs centaines de presses à briques et une centaine de pressoirs à huile.
« Nous construisons actuellement, à l’aide de l’une des machines Crispin, un poulailler très bon marché », dit Arne Utemark, directeur de la Mission chrétienne pour aveugles qui dirige le Réseau Ekululameni de rééducation des adultes à Mzimpofu (Swaziland). « Ca marche à merveille. On a simplement besoin de terre et d’un peu de ciment, ce qui réduit considérablement les dépenses. »
M. Utermark dit que sa mission, dont le but essentiel est de former des aveugles à être autonomes utilise également les machines à clôtures à grillage carré fabriquées par New Dawn; ce ne sont guère plus que de simples instruments autour desquels on peut enrouler du grillage pour en faire des clôtures très pratiques.
« Nos stagiaires aveugles peuvent les faire fonctionner très facilement et gagnent eux-mêmes de l’argent », dit M. Utermark. Il explique que le centre dispose de deux machines sur lesquelles les stagiaires sont formés. On les aide ensuite à acquérir ces machines et à se lancer dans les affaires. « Environ 10 à 15 personnes ont pu ainsi se mettre à leur compte. »
« Plus on vit en région rurale, plus ces matériels sont utiles », dit M. Utermark. « En effet, ils ne consomment pas d’énergie puisqu’ils fonctionnent manuellement. D’un point de vue écologique, c’est très important. Et puis, les gens ont du travail. »
Jeunesse Searll, directeur administratif du projet « Des arbres pour l’Afrique » lancé à Johannesburg, dit que son organisation est très satisfaite des machines achetées à New Dawn.
« En ce qui concerne l’un des projets mis en œuvre dans un homeland, nous avons acheté une machine à fabriquer des clôtures à grillage en losange et l’avons utilisée pour former quatre personnes », dit Mme Searll. « Deux autres ont été formées par ces quatre. Ainsi, l’opération a eu un effet multiplicateur. »
« La machine est très utile parce que le projet se déroule dans une région déboisée; on a donc besoin de clôtures pour éloigner le bétail des arbres que nous plantons », dit Mme Searll. « Surtout, c’est un instrument remarquable parce qu’il a permis simplement à certains habitants de cette région pauvre de gagner leur vie en faisant quelque chose d’utile et de pratique. »
M. et Mme Pemberton-Pigott sont tous les deux bahá’ís et avouent que leur foi a beaucoup influencé la philosophie qui a inspiré leur entreprise.
« On peut lire dans les Ecrits bahá’ís – et je vais paraphraser ce passage – que rien n’est plus noble que de participer à des projets ou à des activités qui permettent d’aider une foule d’autres personnes à devenir autonomes », dit M. Pemberton-Pigott. « Et c’est la philosophie que nous essayons d’appliquer dans notre travail quotidien. »
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