Revue n° 1, 1989
Les causes de la guerre et quelques remèdes à appliquer
« Réaliser la paix en l’an 2000 – un projet en douze points »
Par John Huddleston
Editeur : « Oneworld Publications »
Londres
Voici un modeste ouvrage qui nous apporte des idées rien moins que modestes : en 94 pages – sans compter les appendices et les notes – il propose une série de changements radicaux dans l’ordre international et dans la conscience collective de l’humanité, que l’auteur estime nécessaires à l’établissement, pour l’an 2000, d’une paix durable.
Puisant son autorité dans sa longue expérience des affaires internationales, John Huddleston présente une évaluation concise et claire des raisons pour lesquelles l’humanité est toujours confrontée aux horreurs de la guerre, ainsi que des moyens d’ y remédier.
Ancien directeur de la division “Budget et Planification” du Fonds monétaire international, l’auteur commence par décrire l’impuissance de la diplomatie mondiale et des mouvements pour la paix d’établir un monde délivré de la guerre. Puis, dans une partie de l’ouvrage qui est sans doute la plus intéressante, il présente un regard nouveau sur les causes fondamentales de la guerre et, enfin, un plan en douze points pour la réforme du système mondial, plan ambitieux certes mais non irréalisable au vu des récents événements internationaux.
Dès le départ, M. Huddleston informe clairement le lecteur que sa pensée est grandement influencée par sa croyance en la Foi bahá’íe. Il précise que l’ouvrage est une réaction personnelle et une “note de bas de page” pour la “Promesse de la paix mondiale”, déclaration sur la paix et la situation dans le monde publiée en 1985 par la Maison Universelle de Justice, l’instance internationale de la Foi bahá’íe.
Selon M. Huddleston, pour mettre fin à la guerre, nous devons tout d’abord en comprendre et en supprimer les raisons fondamentales. Il énumère les attitudes suivantes en tant qu’obstacles à la paix: nationalisme, racisme, extrêmes dans la richesse et la pauvreté, luttes religieuses, domination des affaires publiques par quelques-uns, course aux armements. Bien que chacune de ces causes ait été définie auparavant par divers auteurs, M. Huddleston a le mérite d’en établir les interconnexions et, ensuite, de proposer plusieurs principes cardinaux qui, largement compris et adoptés, pourraient contribuer à surmonter les différents obstacles énumérés plus haut.
Or, parmi ces principes essentiels, l’auteur place au tout premier rang une nouvelle compréhension de la nature humaine. Le problème de la nature de l’homme n’a pas été souvent examiné dans l’arène des affaires internationales et lorsqu’il a été débattu, c’était, bien souvent, de manière erronée. M. Huddleston suggère toutefois que c’est sur cette question de la nature humaine que les obstacles à la paix seront – ou non surmontés. Il écrit notamment : « L’élimination de ces causes générales de la guerre aura pour condition des changements fondamentaux dans notre mode de pensée. Le premier concerne le point de vue qui prévaut actuellement sur la nature humaine et considère l’homme comme intrinsèquement égoïste, indifférent et violent. Or, une telle opinion constitue une entrave aux efforts de paix, car elle suggère que rien ne changera jamais et que, par conséquent, c’est perdre son temps que de modifier la pensée et l’action des gouvernements: tout ce que l’on peut faire, c’est de pratiquer la politique du bâton et d’espérer qu’ainsi, l’on pourra dissuader les agresseurs potentiels. »
L’auteur suggère une manière plus réaliste d’aborder le problème, en considérant que la nature humaine présente deux facettes. La première est notre nature animale qui résulte de nos besoins physiques et nous aide dans nos efforts de survie. L’autre facette de notre nature est, selon M. Huddleston, d’ordre spirituel, et résulte de notre profond désir de « rechercher la transcendance à travers la religion ou l’art, d’aimer et de donner à autrui, de cultiver les qualités nobles de notre personnalité ». « Cet aspect spirituel a été trop longtemps ignoré », Décrit-il, et il ajoute : « lorsque domine le côté animal de notre nature, la société s’enfonce dans la barbarie; en revanche, lorsque le côté spirituel est mis en valeur, la civilisation s’élève vers des sommets jamais atteints auparavant. »
M. Huddleston croit qu’une compréhension nouvelle de cette dualité commence à émerger au sein du mouvement féministe. Or, c’est là aussi l’un des enseignements de la Foi bahá’íe. Selon l’auteur, si ce principe était largement compris, il ouvrirait la porte à une paix véritable, car il « permettrait à une nation de réagir positivement à des initiatives amicales de la part d’autres nations sans être obsédée par la crainte que tout cela ne soit qu’un artifice destiné à obtenir un avantage. »
L’auteur estime que la compréhension de l’unité du genre humain est indispensable à la paix. Il considère ce concept comme une force potentielle dans la mise en valeur de la « compréhension toujours plus forte que les individus ont le même esprit humain et que nul d’entre nous ne peut être libre tant que les êtres sont opprimés ou privés des nécessités fondamentales de la vie ».
A la fin de l’ouvrage, M. Huddleston propose, point par point, un “schéma directeur” pour la paix comportant notamment:
• L’établissement d’un consensus mondial pour la paix, par l’éducation universelle et par des manifestations telles que l’Année internationale de la paix instituée par les Nations Unies.
• L’adoption d’un traité abolissant toutes les armes offensives.
• La création d’un Conseil mondial de la paix, organe indépendant chargé de déterminer l’existence de l’état de guerre et l’identité de l’agresseur, ainsi que la nécessité d’un arbitrage obligatoire des conflits internationaux.
• L’extension des forces pacifiques des Nations Unies – ou d’autres organismes – grâce à un impôt prélevé sur toutes les exploitations minières à travers le monde.
• La promotion de l’égalité entre hommes et femmes dans le processus de paix.
Même si cette énumération peut paraître excessivement idéaliste à première vue, la logique de chacun des points précités est mûrement réfléchie et digne d’attention.
Il est certain que, dans un monde où les appels à un nouveau mode de pensée et à de nouvelles manières d’aborder les questions de paix se font toujours plus nombreux, ce livre constitue une proclamation claire, concise et parfois, courageuse.
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