Revue n° 42-43, 2002
Les jardins suspendus sur le Mont Carmel : un majestueux symbole d’unité et de paix
HAIFA, Israël — Depuis leur inauguration officielle au mois de mai 2001, les majestueux jardins suspendus aménagés sur le Mont Carmel ont déjà attiré plus de 800.000 visiteurs [Voir Le Monde, 28 février 2002].
Ces jardins suspendus, qui s’étendent jusqu’au sommet de la colline, exposent une multitude de marches en pierre, de fontaines de marbre et ornements en fer ainsi qu’une vaste sélection de plantes et de fleurs.
Salomeea Romanescu, une éducatrice de 37 ans venue de Bucarest, a comparé ces jardins au « paradis sur terre ».
« Le murmure de l’eau est comme un chant divin. Associées au parfum des fleurs et à l’harmonie des couleurs, ces sensations procurent un sentiment de plénitude et de paix. J’aimerais durant ma vie entière pouvoir éprouver un tel sentiment de paix et d’harmonie et je suis heureuse d’être venue ici pour en faire l’expérience », a-t-elle ajouté.
Les bahá’ís considèrent les terrasses construites ces dix dernières années en même temps que deux nouveaux bâtiments administratifs, le Centre international d’enseignement et le Centre pour l’étude des textes, comme un cadeau de paix offert au monde entier ainsi que la réalisation d’une prophétie religieuse.
Les jardins ont été officiellement inaugurés le 22 mai 2001 en présence de 2400 bahá’ís venus du monde entier et des 600 membres du personnel du Centre mondial bahá’í. L’inauguration a débuté par la première mondiale de deux œuvres symphoniques composées pour l’occasion par le compositeur tajik Tolibkhon Shakahidi et le compositeur Lasse Thoressen, l’un des compositeurs classique les plus renommés de Norvège.
Plus de 650 personnalités et membres du corps diplomatique, ainsi qu’une centaine de représentants de la presse internationale, se sont joints aux bahá’ís pour assister au concert d’ouverture.
A la vue de ces visiteurs, venus de plus de 180 pays, nombre d’observateurs, se sont rappelés de la prophétie d’Isaïe qui parle de « toutes les nations » accourant vers « la Montagne du Seigneur » et de l’aube d’une nouvelle ère de paix.
Un message de paix
« L’achèvement des édifices sur le Mont Carmel est un message de paix adressé au monde, un message que le climat de violence et de haine dans lequel baigne le Moyen Orient rend encore plus fort », dit Albert Lincoln, secrétaire général de la Communauté internationale bahá’íe.
Dans une déclaration officielle, la Maison Universelle de Justice, l’organe administratif international de la foi bahá’íe, a qualifié les jardins suspendus, la cérémonie organisée en leur honneur et le mausolée de source d’espoir malgré « les tourments et crises de notre époque ».
« Que notre Terre se soit contractée en un quartier, personne ne peut sérieusement le nier », dit la déclaration. « Le monde se renouvelle. Les affres de la mort cèdent le pas à celles de la naissance. Ces douleurs passeront lorsque les membres de la race humaine auront reconnu leur unicité essentielle.
« Une lueur illumine le bout de ce tunnel de changement, invitant l’humanité vers le but qui lui est destiné selon les témoignages que renferment tous les livres saints. »
La réalisation des travaux sur le Mont Carmel donne à l’ensemble du monde un aperçu du type de monde que les bahá’ís souhaitent instaurer : un monde qui exprime dans un mélange harmonieux de styles architecturaux et paysagers le principe de l’unité dans la diversité, souligne dans sa beauté la supériorité des valeurs spirituelles sur le matérialisme et englobe sans exclusion tous les peuples et toutes les cultures.
« C’est en quelque sorte une oasis au milieu du désert », dit Mirko Stefanovic, ambassadeur de la République Fedérale de Yougoslavie en Israël, qui est venu plusieurs fois au Centre mondial bahá’í. « Comme chacun sait, le Moyen Orient est un espace grouillant, plein de contrastes et de conflits. Les jardins bahá’ís sont comme une mer de tranquillité et de paix. »
« Des jardins qui invitent au recueillement »
« Le but de l’aménagement de ces jardins en terrasses était de créer une atmosphère de recueillement. Ils ne devaient pas seulement être le faire-valoir du mausolée du Báb, le précurseur du fondateur de la foi bahá’íe, mais aussi rappeler aux visiteurs les thèmes de l’unité dans la diversité, de l’harmonie et la paix », dit l’architecte Fariborz Sahba qui a dessiné les terrasses et supervisé le chantier.
Les 19 terrasses - dont une au même niveau que le mausolée, neuf au-dessus et neuf au-dessous - forment une immense suite d’accolades qui mettent en évidence la position du mausolée au cœur de la colline. Elles sont agrémentées de balustrades décoratives en pierre, de fontaines, de bancs et de statues et sont très fleuries. Chaque terrasse est constituée d’un jardin de plantes et de fleurs typiques à Israël.
Une série d’escaliers court du pied de la colline jusqu’au sommet ou presque. Le terre-plein du milieu, en pierre de couleur beige, est flanqué de deux ruisseaux d’eau courante formant une cascade artificielle qui s’écoule doucement le long de la colline emplissant des vasques à chaque niveau.
« L’eau est un autre élément du décor », poursuit M. Sahba. « Quand vous descendez les terrasses, l’eau vous accompagne. Elle crée une oasis pour les oiseaux et, en harmonie avec leur chant qui est le meilleur écran contre les bruits de la ville, offre l’espace de tranquillité dont on a besoin pour échapper à la réalité quotidienne. »
« En principe, tout ce qui a été fait ici vise à préparer l’approche du mausolée du Báb, à le parachever et à lui rendre hommage », dit M. Sahba qui est également l’architecte de la mondialement célèbre Maison d’adoration bahá’íe de New Delhi en Inde.
Le journal Ma’ariv, deuxième journal d’Israël, souligne que les terrasses méritent bien l’appellation de « huitième merveille du monde ».
« Mais notre objectif n’était pas seulement de construire un beau jardin, le monde regorge de beaux jardins. L’objectif était de créer des jardins qui aient une âme, des jardins auxquels l’esprit serait sensible de sorte que le visiteur s’y arrête pour réfléchir », précise M. Sahba.
« Si vous voulez imaginer à quoi ressemblaient les jardins suspendus de Babylone, venez au Mont Carmel et vous verrez ce qui sur terre leur ressemble sans doute le plus », dit M. Palmer, secrétaire général de l’Alliance des religions et de la Conservation.
L’aspect formel du dessin se fond dans le paysage montagneux de chaque côté de l’axe central formé par l’escalier.
« La nature est très ordonnée au centre de l’allée, mais plus vous vous en éloignez plus elle devient sauvage, moins domestiquée », dit M. Palmer. « Voilà un exemple fascinant qui montre comment on peut transformer le chaos en quelque chose d’harmonieux.
« L’eau qui s’écoule du sommet de la montagne symbolise pour moi l’eau de vie qui est la grâce de Dieu, c’est-à-dire l’énergie revigorante de Dieu dont il est question dans les Ecrits bahá’ís ainsi que dans la Bible et d’autres écritures, l’eau qui descend du ciel », dit Lasse Thoresen, compositeur norvégien qui a passé beaucoup de temps dans les jardins pour composer la symphonie qu’on lui
avait commandée pour la cérémonie d’inauguration des terrasses.
Suheil Bushrui, qui s’est rendu à Haïfa maintes fois depuis son enfance et qui est aujourd’hui titulaire de la chaire bahá’íe pour la paix à l’université du Maryland aux Etats-Unis, dit qu’à son sens les jardins et les terrasses offrent un nouveau modèle de développement durable.
« Ces projets sur le Mont Carmel montrent comment l’homme peut transformer un environnement naturel conformément à un enseignement religieux qui souligne l’importance du monde naturel et défend la valeur de la beauté et de la vertu de l’excellence », dit M. Bushrui. « Ils montrent, ne serait-ce qu’imperceptiblement, que les aspects matériels et spirituels peuvent se compléter, pour le bien de tous, et avoir des conséquences favorables pour l’environnement. »
Les fonds nécessaires à la construction des deux nouveaux bâtiments, des terrasses et de toutes les autres structures édifiées sur le Mont Carmel, ont été entièrement versés par des membres de la communauté bahá’íe.
« Nous n’avons rien reçu de l’extérieur », dit le secrétaire général M. Lincoln. « Et notre communauté n’est pas riche. Les fonds ont été versés sous forme de dons de milliers d’individus. Les trois quarts de la population mondiale bahá’íe vivent dans le tiers-monde », ajoute t-il. « Il n’est pas rare, dans une case en pisé d’un village africain, de voir une photo des jardins épinglée au mur ainsi qu’un reçu pour un petit don. »
La signification du Mont Carmel
Dès 1600 av. J.C., les Egyptiens qualifiaient le Mont Carmel de « montagne sacrée ». Dans la Bible, elle est le site de la rencontre d’Elie avec les adorateurs de Baal. Il est aussi sacré pour les premiers chrétiens car c’est là que l’ordre monastique catholique romain des Carmélites a été fondé en 1150.
« Le Mont Carmel et Elie jouent un rôle très important dans les traditions catholiques et juives », dit Moshe Sharon, professeur d’Etudes moyen-orientales qui est titulaire d’une chaire d’études bahá’íes à l’université hébraïque de Jérusalem. « Elie serait venu avant le Messie et il existe des centaines de traditions et d’histoires rattachées au Mont Carmel qui lui donnent une place unique dans plus d’une tradition religieuse. »
Pour les bahá’ís, le Mont a acquis sa signification divine après la visite de Bahá’u’lláh au début des années 1890 car c’est là qu’Il a révélé une tablette importante désignant le Mont Carmel comme le site du centre spirituel et administratif de la foi.
Le Centre mondial bahá’í, nom officiel donné à l’ensemble des bâtiments, jardins et lieux saints, a connu une lente évolution au cours du siècle dernier. Le mausolée du Báb a été construit en 1909 et sa coupole dorée achevée en 1953. En 1957 a été construit le bâtiment international des Archives, qui abrite des souvenirs, des écrits et des objets associés à la vie des principaux personnages de la foi, et c’est en 1983 qu’a été achevée la construction du siège de la Maison Universelle de Justice, l’organe administratif international de la foi bahá’íe.
Les bahá’ís sont convaincus que l’achèvement des terrasses et des jardins ainsi que des nouveaux bâtiments administratifs sur le Mont Carmel est la traduction concrète des principes spirituels qui doivent être appliqués aux problèmes de l’humanité pour créer une paix véritable dans le monde.
« Les bahá’ís ont été poussés à construire ces édifices par des motivations spirituelles, qui reposent sur leur conviction que l’ensemble du monde en bénéficiera », dit Douglas Samimi-Moore, directeur du Bureau d’information publique de la Communauté internationale bahá’íe. « Ils pensent que ces nouvelles structures contribueront à l’unification de la planète. »
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